Une nouvelle loi,
la « loi de programmation militaire » (LPM) vient alimenter les
débats entre données personnelles et libertés individuelles d’un côté,
surveillance et lutte contre le terrorisme de l’autre.
L’article 13 en
particulier a beaucoup fait couler d’encre, rappelant le cas du NSA aux États-Unis. Le texte a été adopté le 21 octobre 2013 en première lecture par le
Sénat, modifié par l’Assemblée nationale le 3 décembre 2013, enfin, le Sénat l’a adopté sans modification, en deuxième lecture le 10 décembre 2013.
Voici un court extrait du rapport
de l’Assemblé nationale sur le projet de loi (n°1473), expliquant en quoi « la géolocalisation est devenue un moyen
technique d’intérêt majeur pour la prévention des menaces terroristes » (1)
:
Elle consiste à
localiser un objet, téléphone ou ordinateur portable par exemple, en temps réel
ou de manière différée. Elle peut être réalisée par satellite, mais également
par GSM ou WIFI, ou encore par le biais de l’adresse IP. Elle permet,
indépendamment de l’interception du contenu de la communication, de suivre les
déplacements du téléphone, à intervalles réguliers ou en temps réel. La
localisation d’un appareil est rendue possible par l’utilisation d’un logiciel
qui traduit les coordonnées géographiques obtenues (longitude et latitude) sur
une carte. (1)
Il
s’ensuit, quelques temps après que le Sénat ait adopté le texte en première
lecture, un débat passionné entre différents acteurs parfois accusés de
mauvaise foi. C’est la question frontière entre lutte contre l’antiterrorisme,
la prévention et le non-respect de la vie privée, très tenue, qui se joue ici.
Le
25 novembre 2013, l’article du Figaro « Téléphone, Internet : l'État
pourra bientôt tout espionner », introduit par cette accroche : « la
France vire-t-elle à la société orwellienne ? » (2), qui radicalisent les
protestations. L’Etat est accusé, sous prétexte de vouloir prévenir les actions
terroristes d’étendre sa surveillance, non plus seulement aux données
techniques, mais aux contenus même des informations échangées. A noté, l’article
est apparu avant que la loi ait été modifiée par l’Assemblée nationale.
S’il
apparaît excessif, pour certains, voire « apocalyptique » (3) aux
yeux du journaliste Philippe Vion-Dury du Rue 89, dans son article « Loi
de programmation militaire : le scandale qui fait sploutch » (3), du 19 décembre 2013, la loi inquiète, pour ses dérives potentielles.
Jean-Jacques Urvoas (Président de la commission des lois de
l'Assemblée nationale et député du Finistère) et Jean-Pierre Sueur (Président
de la commission des lois du Sénat et sénateur du Loiret), dans un
article du Monde du 08 janvier 2014 : « La loi de
programmation militaire du gouvernement n'est pas liberticide » (4),
répondent à cette polémique, qu’ils jugent injustifié :
Ainsi,
depuis plus de quinze jours, des exégètes amateurs et de mauvaise foi
s'associent-ils pour tenter de démontrer une prétendue démarche liberticide
orchestrée par le gouvernement et soutenue par un Parlement complice afin de soumettre
nos concitoyens à une surveillance généralisée à la mode américaine. Et depuis
lors, nous nous efforçons d'opposer une analyse dépassionnée du droit à cette
théorie du complot, au soupçon qui tient lieu de raisonnement. (4)
Ils
relativisent grandement le danger de la loi, qui s’applique à une population
très spécifique : les terroristes. En outre, les droits donnés aux
services de renseignement sont strictement encadrés et n’affecte pas a priori les
articles protégeant la vie privée des individus. Ils concluent leur
intervention avec cette phrase :
Il s'agit au final de s'assurer que les
administrations de l'Etat œuvrent à préserver la sécurité nationale et luttent
pour maintenir la forme républicaine de nos institutions. Nous ne sacrifions
pas les libertés individuelles à l'impératif de sécurité mais créons les
conditions du plein exercice des premières face aux menaces pesant sur notre
société (4).
Philippe
Aigrain, informaticien, chercheur et ancien chef du secteur technique du
logiciel à la Commission européenne (Wikipédia), considère, lui, que le débat
autour de cette révèle un réel manque de connaissance, peut-être de compétences
liées à ces questions de surveillances, des hommes politiques français. A
propos de Jean-Pierre Sueur, il écrit sur son blog, dans un
article du 10 déc 2013, « Surveillance généralisée ou sursaut démocratique ? »
(5) :
Une journaliste de Public Sénat venue m’interviewer
hier me disait que le président de la commission des lois du Sénat, Jean-Pierre
Sueur, un homme respecté pour son action en matière de politique de la ville,
s’étonnait des réactions à l’article 13 et aux amendements que le Sénat y a
apporté, jugeant le tout « protecteur ». S’il le pense, c’est
tragique de méconnaissance. (5)
La
loi a bel et bien été adoptée, même si beaucoup rêvent encore d’un amendement
parlementaire a posteriori. Quoi qu’il en soit, il est probable que le débat ne
s’arrête pas là et qu’il continuera tant que ces questions sur la protection
des données privées ne sera pas réglée, si elle se règle.
(1)
Rapport fait au nom de la commission de la défense nationale et des forces
armées sur le projet de loi (n° 1473), adopté par le
sénat, relatif à la programmation
militaire pour les années 2014 a 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, par les députées
Patricia ADAM, Geneviève GOSSELIN-FLEURY.
(2) Jean-Marc Leclerc, « Téléphone,
Internet: l'État pourra bientôt tout espionner », Le Figaro,
(3) Philippe Vion-Dury, « Loi
de programmation militaire : le scandale qui fait sploutch », Rue 89,
(4) Jean-Jacques
Urvoas, Jean-Pierre Sueur, « La loi de programmation militaire du
gouvernement n'est pas liberticide », Le Monde.fr,
(5) Philippe Aigrain, « Surveillance
généralisée ou sursaut démocratique ? », http://paigrain.debatpublic.net/?p=8461
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