Du 29 juin au 3 juillet prochains se tiendra, à Sydney, la Conférence annuelle des humanités numériques (Digital Humanities, DH) (1). Le choix de ce lieu qui, pour la première fois, se situera hors de l’Europe et de l’Amérique du Nord, rend compte, de manière emblématique, de l’expansion de ce "champ de recherche" au niveau international, au-delà des barrières disciplinaires, culturelles ou linguistiques.
Les humanités numériques ? Une nouvelle manière de pratiquer la recherche
Opérant un rapprochement entre les sciences humaines et sociales (SHS) et les technologies de l'information et de l'informatique, les humanités numériques tiennent compte non seulement de l'usage croissant, voire hégémonique, des nouvelles technologies au sein de la recherche, mais prennent également en considération les modifications générées par cette utilisation sur les objets, les méthodes, les pratiques mêmes de la recherche, ainsi que des conditions de sa diffusion.
Toutes les disciplines des sciences humaines et sociales sont concernées par cette transformation profonde (2) : l'histoire, la linguistique et la littérature en premier chef - en raison de leur accès privilégié à de grands corpus de documents. La lexicométrie, le data mining ou encore la data visualisation ont ainsi permis des approches différentes de ces corpus, notamment par l'importance des données traitées et la distance permise.
Plus récemment, la sociologie, avec l'analyse des réseaux sociaux et la prise en compte de nouveaux acteurs aux comportements inédits, a trouvé à explorer de nouveaux champs, nécessitant de nouvelles méthodes, de nouveaux paradigmes d'interprétation.
De même, la géographie a vu, avec les SIG (système d'information géographique), ses moyens d'appréhension et de représentation de l'espace profondément modifiés. L'intégration, par ailleurs, de séries temporelles permet désormais d'exploiter la dimension temporelle des données géospatialisées.
Les humanités numériques ? Un rapprochement entre science et société
Outre ces enjeux d'ordre épistémologique et méthodologique, le souci d'instaurer un nouveau rapport entre science et société caractérise les humanités numériques. Conscients du rôle social dévolu à la recherche, ses acteurs prônent en effet "l'enrichissement du savoir et du patrimoine collectif, au-delà de la seule sphère académique, (…) l'accès libre aux données et aux métadonnées et (…) sont favorables à la diffusion, à la circulation et au libre enrichissement des méthodes, du code, des formats et des résultats de la recherche" (3).
Les premiers pas de la reconnaissance institutionnelle
Sans entrer dans les problèmes que la désignation des humanités numériques suscite (ni science auxiliaire des SHS, ni interdiscipline, ni discipline à part, peut-être une transdiscipline ? (4)), les DH s'efforcent, depuis les années 70, de promouvoir ces nouvelles manières d'appréhender le monde, par la création d'associations nationales et internationales (5) mais aussi de faire reconnaître, institutionnellement, les nouvelles compétences nécessaires à leur pratique.
L'annonce, en octobre 2014, de la proposition du Conseil National du Numérique de créer un bac en humanités numériques, constitue déjà un premier pas vers cette reconnaissance.
Même si beaucoup reste à faire pour les DH ne soient pas considérées comme une filière "à part" mais bien comme une évolution concernant l'ensemble des élèves, des étudiants, et de manière plus large, l'ensemble des citoyens.
[1] Conférence annuelle des humanités numériques, Sydney, 29 juin-3 juillet 2015 (consulté le 05/02/2015)
[2] Page wikipédia "Humanités numériques" (consulté le 05/02/2015)
[3] Manifeste des Digital Humanities (2011) (consulté le 05/02/2015)
[4] Réflexion collective menée, en janvier 2014, entre les membres de la liste de diffusion, en langue française, Digital Humanities (consulté le 05/02/2015)
[5] Voir les liste d'associations nationales et internationales, notamment sur le site d'ADHO, la page wikipédia "Humanités numériques". A noter la création en 2014 de l'association francophone des humanités numériques, Humanistica (consultés le 05/02/2015)
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