jeudi 12 janvier 2017

"Closed Access" à Elsevier en Allemagne, à Taïwan et au Pérou

Crédits photographiques : Mike Licht, NotionsCapital.com (Flickr)

En ce début d'année 2017, des milliers de chercheurs allemands, taïwanais et péruviens se retrouvent privés d'accès aux revues électroniques d'Elsevier.

Le même point de départ

Dans les trois pays, les tarifs exorbitants pratiqués par le géant néerlandais de l'édition ont déclenché une vague de résiliations d'abonnements.
En Allemagne, les universités et instituts de recherche membres du projet DEAL n'ont pas réussi à obtenir un accord de licence à l'échelle nationale pour le 1er janvier 2017. Dénonçant les propositions trop coûteuses d'Elsevier, ils ont annulé les abonnements en décembre dernier. Les établissements qui avaient négocié des contrats particuliers pluriannuels avant les négociations ne seront pas affectés. Mais ceux dont les licences sont arrivées à expiration fin 2016 vont perdre tout ou partie de leurs accès - cas par exemple de l'université de Göttingen.
C'est aussi à cause de prix jugés excessifs que le consortium taïwanais CONCERT, qui regroupe plus de 140 organismes de recherche, a appelé au boycott d'Elsevier le 7 décembre dernier.
Sept jours plus tard au Pérou, le Conseil national pour la science, la technologie et l'innovation technologique (CONCYTEC) renonçait au renouvellement de la licence nationale auprès d'Elsevier, la subvention gouvernementale n'ayant pas été reconduite.

Des rapports de force différents

Outre-Rhin, les pourparlers ont repris, mais la situation est tendue : un certain nombre d'établissements ont sciemment choisi de se priver des ressources d'Elsevier plutôt que de renégocier une licence individuelle. Le conflit est fortement idéologique : au delà de la question financière, il s'agit de pousser le plus loin possible la logique de l'open access. Leurs homologues hollandais ayant obtenu l'accès ouvert automatique à 20% (en 2017), puis 30% (en 2018) des articles publiés par les auteurs néerlandais dans 276 revues d'Elsevier, les Allemands du projet DEAL réclament la consultation gratuite de l'intégralité des publications signées par les chercheurs des établissements associés. Et ils comptent bien se montrer aussi intransigeants dans leurs prochaines discussions avec Springer Nature et Wiley...
A Taïwan, Elsevier a tenté de négocier individuellement avec les universités. Cela n'a eu pour effet que de convaincre d'autres établissements, comme l'Université nationale de science et technologie de Taïwan (NTUST) ou la prestigieuse Academia Sinica, de rejoindre la fronde. La tension semble retomber un peu : il y a quelques jours, Elsevier a prolongé jusqu'à la fin du mois de janvier les abonnements des universités taïwanaises qui les avaient annulés et les discussions ont repris avec CONCERT. 
Récemment encore, le Pérou bénéficiait d'un accès gratuit ou à bas coût aux principales revues académiques dans le cadre du programme HINARI de l'Organisation Mondiale de la Santé. En 2012, la croissance économique a privé le pays de cet avantage, réduisant certains chercheurs à "mendier" sur les réseaux sociaux ou auprès de leurs collègues étrangers. L'expiration de la licence nationale négociée en 2014 va contraindre les scientifiques péruviens à renouer avec le système D. 

Des expédients comparables

Pour se procurer les articles d'Elsevier en période de boycott ou de disette budgétaire, les chercheurs ont à leur disposition toutes sortes de moyens légaux : passer par des archives ouvertes, fréquenter les bibliothèques encore abonnées, s'adresser directement aux auteurs...
En Allemagne comme à Taïwan, le prêt entre bibliothèques fonctionne à plein régime. A l'instar d'autres établissements de la région, la NTUST a adhéré à un service international de "PEB express" organisé par les bibliothèques universitaires du Colorado, afin de limiter les effets néfastes du boycott.
Et puis il y a Sci-Hub, qui permet d'accéder gratuitement - et illégalement - aux articles scientifiques en contournant les paywalls classiques des éditeurs commerciaux. "Je dirais que 95% environ des gens de ma génération y ont recours", confie un biologiste péruvien de 30 ans. Même son de cloche de l'autre côté de l'Atlantique : "les jeunes générations le font tout le temps", explique la chargée des relations publiques de l'université de Göttingen. 


Sources

JOST, Clémence. 60 bibliothèques de recherche allemandes s'allient et boycottent Elsevier. Archimag.com : Bibliothèque Edition. 19 décembre 2016 [consulté le 12 janvier 2017]

MATTHEWS, David. Deal impasse severs Elsevier access for some German universities : as talks with the publisher stall, researchers in the country weigh whether they can cope without a deal. Times higher education. 6 janvier 2017 [consulté le 12 janvier 2017]

SCHIERMEIER, Quirin & RODRIGUEZ MEGA, Emiliano. Scientists in Germany, Peru and Taiwan to lose access to Elsevier journals : libraries pursue alternative delivery routes after licence negotiations break down. Richard Van Noorden, additional reporting. Nature, 23 Dec. 2016, 541:13. Corrected 3 Jan. 2017. Updated 9 Jan. 2017 [consulté le 12 janvier 2017]

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