Alors que de nombreux internautes profitaient cet été de leur temps libre pour publier leurs photos de vacances et partager leurs avis sur leur destination, s'inscrivant ainsi dans le mouvement mondial du partage facilité par les nouvelles technologies, le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris s'activait quant à lui pour lutter contre le partage... de propos diffamatoires.
Les commentaires haineux et expressions déplacées sur les réseaux sociaux ou les sites web font l'objet depuis plusieurs années de mesures de protection (modération des commentaires, filtrage, voire suppression totale de la possibilité de commenter...) dont l'efficacité est limitée (1), même si elles permettent la plupart du temps d'éviter la majorité des commentaires passibles de sanctions pénales (insultes raciales ou sexistes, incitation à la haine...). D'ailleurs, la loi a été renforcée sur le sujet avec la publication, le 3
août 2017, d'un décret d'application sur les "provocations, diffamations
et injures non publiques présentant un caractère raciste ou
discriminatoire" (2).
Il est cependant plus difficile de lutter contre la diffamation, dans la mesure où, selon la loi, est diffamante "toute allégation (...) d'un fait non avéré qui porte atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne" (3) : comment, dès lors, être certain que le fait n'est pas avéré, d'une part, et qu'il porte atteinte à l'honneur de la personne, d'autre part ?
Ainsi, un conseiller de l'ancien président François Hollande a vu sa plainte pour diffamation rejetée, début juillet 2017. Pourtant, le Tribunal a bien admis que les propos considérés (publiés sur Facebook) étaient diffamatoires : il a toutefois estimé que la plainte aurait pu porter sur un autre motif (4). Plus récemment, fin septembre, le TGI de Besançon a également débouté une plainte contre des propos tenus sur WhatsApp et par e-mail, car il considérait que le dommage n'était pas prouvé (5).
Au-delà de la question de l'atteinte à l'honneur ou non, une autre raison de voir sa plainte pour diffamation rejetée est sa prescription. La jurisprudence en matière d'Internet était jusque-là peu étoffée, mais une ordonnance du TGI de Paris, confirmée en appel en septembre, s'est appuyée sur le code source du site accusé, ainsi que sur le site d'archivage du web Archive.org, pour prouver la date de publication des propos incriminés et en déclarer ainsi la prescription (6). Malgré une tentative de législation en la matière en 2004 (rejetée par le Conseil constitutionnel), le délai de prescription sur Internet n'est pas encore clairement défini (7). Cette décision récente poussera peut-être le législateur à se pencher sur le sujet ?
Diffamation ou non, la question peut donc se poser... des deux côtés : que vous vous sentiez visé par des propos diffusés sur le web ou que vous ayez peur d'être accusé pour avoir critiqué publiquement quelqu'un. De ce côté néanmoins, certains conseils peuvent être suivis pour éviter de vous retrouver en justice (8) !
(1) SMYRNAIOS Nikos, MARTY Emmanuel. "Profession "nettoyeur du net". De la modération des commentaires sur les sites d'information français". Réseaux, 2017/5 (n°205), p. 57-90. [consulté le 17 octobre 2017] <https://www.cairn.info/revue-reseaux-2017-5-page-57.htm>
(2) VALLAT Thierry. "Renforcement de la répression de la diffamation et des injures racistes et discriminatoires non publiques par le décret du 3 août 2017". In La grande bibliothèque du droit, en ligne [consulté le 17 octobre 2017] <http://www.lagbd.org/index.php/Renforcement_de_la_r%C3%A9pression_de_la_diffamation_et_des_injures_racistes_et_discriminatoires_non_publiques_par_le_d%C3%A9cret_du_3_ao%C3%BBt_2017_(fr)>
(3) Fiche pratique "Diffamation". Site Internet service-public.fr [consulté le 17 octobre 2017] <https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32079>
(4) LEGALIS. "Diffamation sur Facebook envers un conseiller du président de la République". En ligne [consulté le 17 octobre 2017] <https://www.legalis.net/actualite/diffamation-sur-facebook-envers-un-conseiller-du-president-de-la-republique/>
(5) LEGALIS. "Diffamation sur WhatsApp : pas de référé pour des actes isolés". En ligne [consulté le 17 octobre 2017] <https://www.legalis.net/actualite/diffamation-sur-whatsapp-pas-de-refere-pour-des-actes-isoles/>
(6) LEGALIS. "Diffamation : la date dans le code du site prouve la prescription de l'action". En ligne [consulté le 17 octobre 2017] <https://www.legalis.net/actualite/diffamation-la-date-dans-le-code-du-site-prouve-la-prescription-de-laction/>
(7) FROCHOT Didier. "Délit de diffamation en ligne : toujours la question du délai de prescription". En ligne sur le site les-infostrateges.com. Publié le 10 octobre 2017 [consulté le 17 octobre 2017] <http://www.les-infostrateges.com/actu/17102443/delit-de-diffamation-en-ligne-toujours-la-question-du-delai-de-prescription>
(8) DIEHL Alexandre. "Quels termes éviter sur un site web sous peine d'être taxé de diffamation ?". Recherche et référencement, n°190, mars 2017. Début de l'article disponible en ligne [consulté le 17 octobre 2017] <http://recherche-referencement.abondance.com/2017/03/quels-termes-eviter-sur-un-site-web.html>
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