Depuis son entrée en application le 25 mai 2018, le Règlement Général sur le Protection des Données (RGPD) est le texte de référence quant à la protection des données à caractère personnel. Son article 17 explicite notamment le concept de droit au déréférencement, lui-même déjà consacré par la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) en mai 2014 suite à l'affaire Google Spain, au titre de l'interprétation de la directive 95/46/CE d'octobre 1995. Malgré sa relative ancienneté, ce droit est apparemment encore sujet à questionnement puisque le Conseil d'Etat a publié treize décisions le concernant en décembre 2019.
Un droit au déréférencement?
Contrairement au droit à l'effacement qui permet la suppression définitive des données personnelles collectées et stockées par un quelconque organisme, le droit au déréférencement permet à tout citoyen européen d'exiger qu'un moteur de recherche supprime les résultats de recherche associés à son nom et prénom. Comme le précise le Comité Européen de la Protection des Données, il ne s'agit donc pas de supprimer le contenu sur le site internet source - qui demeure accessible et visible via une autre requête - mais bien le lien qui mène à ce dernier [3].
Pour en bénéficier, il suffit de contacter le moteur de recherche en question (via un formulaire électronique ou un courrier), lui soumettre et motiver sa demande tout en indiquant l'URL concernée. Ce dernier aura alors un délai d'un mois pour examiner la demande et lui donner suite. En cas de refus, il est toujours possible de saisir la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL). Sans oublier que la violation de ce droit fait l'objet d'une sanction sous forme d'amende administrative [4] [5].
Quelles données sont concernées?
Si ce droit s'applique à toutes données à caractère personnel, la CJUE en distingue tout de même plusieurs types : celles ne relevant pas de catégorie particulière et celles relevant de données spécifiques soit tout ce qui est relatif aux origines raciales et/ou ethniques, les opinions politiques/ religieuses, l'orientation sexuelle, les données génétiques ou biométriques.
La CJUE affirme que l'exploitant d'un moteur de recherche est responsable du référencement de ces données personnelles. Tout citoyen européen est donc en droit d'exiger à ce dernier d'effacer le lien qui mène à ces informations personnelles, dans le cadre de la protection et du respect de sa vie privée.
Quelles sont les problématiques soulevées?
Si revendiquer ce droit est tout à fait légitime et légal, il n'est toutefois pas absolu. En effet, le moteur de recherche se garde le droit de le refuser s'il juge la demande abusive. Comment légitime-t'il ce refus? En invoquant un autre principe tout aussi fondamental de la liberté d'expression : le droit d'information des internautes.
Face à cette mise en balance complexe, le Conseil d'Etat s'est attaché à définir plus précisément les conditions relatives au déréférencement en proposant treize décisions [2], suivi de près par la CNIL qui étaye ces décisions dans un communiqué publié le 31 décembre 2019 [1]. Ce qu'il faut en retenir est que selon ces deux instances, il est absolument nécessaire de traiter chaque demande au cas par cas, en s'appuyant sur trois catégories de critères : les caractéristiques des données (leurs sensibilités), la personne concernée (sa fonction, sa notoriété publique) et les conditions d'accès. Le but étant de déterminer la pertinence et le potentiel impact de leur diffusion [6].
Face à cette mise en balance complexe, le Conseil d'Etat s'est attaché à définir plus précisément les conditions relatives au déréférencement en proposant treize décisions [2], suivi de près par la CNIL qui étaye ces décisions dans un communiqué publié le 31 décembre 2019 [1]. Ce qu'il faut en retenir est que selon ces deux instances, il est absolument nécessaire de traiter chaque demande au cas par cas, en s'appuyant sur trois catégories de critères : les caractéristiques des données (leurs sensibilités), la personne concernée (sa fonction, sa notoriété publique) et les conditions d'accès. Le but étant de déterminer la pertinence et le potentiel impact de leur diffusion [6].
De même, la portée géographique de ce droit est elle aussi limitée. Dans un arrêt du 24 septembre 2019, la CJUE précise que le droit au déréférencement n'est applicable qu'au sein de l'Union Européenne, en mettant en place un géoblocage filtrant l'accès au contenu. Les moteurs de recherche ne suppriment donc pas l'intégralité des extensions (.com, .fr, .be, etc.) ce qui nuance fortement l'effectivité de ce "droit à l'oubli" [4].
En conclusion.
La protection des données à caractère personnel est bien un thème central et inhérent à l'apogée d'Internet et du "tout numérique". Le droit au déréférencement, allié au droit à l'effacement, qui ne sont pas (encore) des droits absolus en eux-mêmes, découlent de cette volonté de protection de la vie privée des citoyens européens. Force est de constater que les grands acteurs de ce monde numérique nient voire contestent ce droit à l'oubli - et à juste titre puisque les données personnelles sont devenues la nouvelle richesse de notre société, une partie intégrante du monde économique et mercantile.
[1] CNIL, 2019. Le droit au déréférencement en question. Cnil.fr [En ligne]. 31 décembre 2019. [Consulté le 5 janvier 2020]. Disponible à l'adresse : <https://www.cnil.fr/fr/le-droit-au-dereferencement-en-questions>
[2] Conseil d'Etat, 2019. Droit à l'oubli, le Conseil d'Etat donne le mode d'emploi. Conseil-etat.fr [En ligne]. 6 décembre 2019. [Consulté le 13 février 2020]. Disponible à l'adresse: <https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/droit-a-l-oubli-le-conseil-d-etat-donne-le-mode-d-emploi>
[3] CUVELLIEZ, Charles, QUISQUATER, Jean-Jacques, 2019. Plus de clarté (enfin) pour encadrer le droit à l'oubli sur Google. Latribune.fr. [En ligne]. 28 décembre 2019. [Consulté le 3 février 2020]. Disponible à l'adresse :<https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/plus-de-clarte-enfin-pour-encadrer-le-droit-a-l-oubli-sur-google-836160.html>
[4] DEVILLER, Nathalie, 2018. Le droit à l'effacement : ce que Google oublie de vous dire dans son rapport de transparence. Theconversation.com [En ligne]. 6 mars 2018. [Consulté le 25 février 2020]. Disponible à l'adresse :<http://theconversation.com/le-droit-a-leffacement-ce-que-google-oublie-de-vous-dire-dans-son-rapport-de-transparence-92908>
[5] NEUER, Laurence, 2019. Données personnelles : comment exercer son droir à l'oubli. Lepoint.fr [En ligne]. 14 juin 2019. [Consulté le 5 janvier 2020]. Disponible à l'adresse: <https://www.lepoint.fr/editos-du-point/laurence-neuer/donnees-personnelles-comment-exercer-son-droit-a-l-oubli-14-06-2019-2319031_56.php>
[6] SIMON-RAINAUD, Marion, 2020. Dans quelles conditions pouvez-vous faire valoir votre droit à l'oubli sur Internet? 01net.com [En ligne]. 3 janvier 2020. [Consulté le 3 février 2020]. Disponible à l'adresse: <https://www.01net.com/actualites/dans-quelles-conditions-pouvez-vous-faire-valoir-votre-droit-a-l-oubli-sur-internet-1834210.html#xtor=AL-123461>
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