mercredi 18 novembre 2020

Le poids informationnel de WhatsApp remarqué dans le cadre de l’information sur le coronavirus

Le 18 mars 2020, WhatsApp a annoncé, un partenariat avec l'OMS ainsi qu'une donation d’un million de dollars à l’International Fact-Checking Network (IFCN) du Poynter Institute. [1]


WhatsApp, pédagogue et actif en matière de lutte contre les fausses informations…

WhatsApp est une application de messagerie pour mobile ou ordinateur. Elle est possédée par Facebook depuis son rachat en 2014 [2]. Sur une page de son site internet, WhatsApp explique comment utiliser l’application, s’adressant notamment aux « responsables publics locaux » comme les membres du corps médical, les enseignants et les entreprises [3].
Vous y trouverez un lien qui dirige vers le canal de conversation propre à l’OMS [4], disponible en français depuis le 27 mars 2020 [5]. Pour rejoindre la conversation, l’utilisateur doit installer l’application WhatsApp et envoyer « salut » au +41 22 501 72 98. Cette conversation est destinée à tout le monde, aussi bien aux professionnels de santé qu’aux particuliers soucieux d’être informés aux mieux des nouvelles concernant la Covid19 [5].

Au-delà de son partenariat avec l’OMS, WhatsApp a effectué une donation d’un million de dollars à l’International Fact-Checking Network (IFCN) [1]. Cet organisme appartient au Poynter Institute, une école de journalisme américaine à but non lucratif, très investie dans la vérification des faits [6]. L’IFCN propose notamment une page internet renvoyant à des sources vérifiées, signataires d'un code de principes sur lesquels veille l'organisme [7]. Via WhatsApp, l’IFCN propose également un « bot de vérification ». De même qu’avec l’OMS, un canal de discussion propre à l'IFCN a été mis en place pour n’importe quel interlocuteur souhaitant vérifier une information. Pour utiliser ce service, il faut télécharger l’application et rejoindre la discussion au numéro de téléphone correspondant à celui de notre pays [8].

...et non sans raison

Il n’échappe à personne que ces services d’information en partenariat avec l’OMS et l’IFCN invitent les personnes qui ne sont pas utilisatrices de la messagerie à la télécharger [4] [8]. WhatsApp est gratuit mais cherche à augmenter son nombre d’utilisateurs. Aujourd’hui, l’application a dépassé la barre colossale des deux milliards d’utilisateurs dans le monde [9].

En renforçant sa pédagogie à propos de la fiabilité des sources d’information, WhatsApp donne de réelles clés à ses utilisateurs et remplit son devoir envers eux et en tant qu’entreprise responsable. Que l’on soit ou non en faveur de la plateforme de messagerie, force est d’admettre qu’elle a déployé de remarquables efforts pour faciliter à ses utilisateurs l’accès à une information vérifiée.

Cette dynamique de méfiance face aux informations délicates et non-vérifiées est d’autant plus nécessaire que les fausses informations et les arnaques se propagent rapidement sur la plateforme. Une personne mal intentionnée peut rédiger un message malveillant et compter sur la naïveté ou la bonne volonté des utilisateurs pour se laisser tromper [10]. 

Personne n'est à l’abri de recevoir un message d’un expéditeur inconnu. Au mieux, c’est une erreur et rien de grave ne s'en suit. Mais cela peut aussi être une fausse information ou une information invérifiable qui se propage sur la toile (un « hoax »), auquel cas il en va de la responsabilité de chacun de se garder de la diffuser à son tour. Plus gênant encore, un message d’origine inconnue peut être malveillant et avoir pour but de récupérer certaines de vos données personnelles (« phishing » ou « hameçonnage ») ou d’installer un virus sur votre téléphone ou votre ordinateur.

Quelques exemples de fausses informations ou de messages malveillants mises en œuvre via l’application WhatsApp [10] :

- Message indiquant qu’une version améliorée et payante de WhatsApp appelée « Gold » va sortir, incitant à cliquer pour y avoir accès [11].

- Message contenant un lien vous renvoyant soi-disant vers le code de vérification de votre compte. [10]

- Message contenant des bons d’achat [10].

- Message proposant d’appeler un numéro de téléphone au motif que l'utilisateur aurait demandé à transférer son numéro vers un autre appareil [10].

En dehors du fait que ces messages sont des arnaques, quel est le point commun des exemples cités ci-dessus ? 

Ils incitent tous l’utilisateur à passer à l’action, comportent un « call-to-action », poussant à transférer un message, à télécharger une pièce ou à cliquer sur un lien [12]. En cliquant, l’utilisateur prend le risque de télécharger un logiciel malveillant ou d’être redirigé vers un espace où il devra renseigner des informations personnelles.

Quelle posture adopter en cas de doute [10] [11] [12]
 ?
Ne pas cliquer sur les liens ou les documents contenus dans le message
.
Vérifier l’information auprès de sources fiables
 [3] [7].
Ne pas transférer le message [3]. Si vous souhaitez alertez vos proches à propos d’un message malveillant qui circule sur WhatsApp, rédigez vous-même un message qui ne comportera alors aucun lien ni aucune consigne appelant votre destinataire à une action nuisible.


 

 Mise en perspective et enjeux actuels

La messagerie est une plateforme d’intermédiation. Elle ne produit rien, mais permet de mettre en relation des acteurs. Ce positionnement a fait le succès des plateformes numériques d’intermédiation les plus connues. Amazon et Netflix — qui sont désormais aussi des producteurs de biens matériels et de films — sont avant tout de simples plateformes d’intermédiation mettant des personnes en relation, tout comme Uber, Facebook et Airbnb. Ces plateformes sont propriétaires des données primaires renseignées consciemment par les utilisateurs, et secondaires, traces laissées par l’activité de l’utilisateur [13 p.53].

L'accès aux données utilisateurs des plateformes d’intermédiation — moteurs de recherche, réseaux sociaux, sites internet étrangers — constitue un enjeu géopolitique majeur :
    

    « Pour des raisons historiques et politiques, l’Europe a peur des données. Elle voit dans la société de l’information une immense menace qu’il convient de circonscrire, et qui semble inhiber toute vraie ambition, sans se rendre compte que moins on développe l’industrie de l’information, plus nos données quittent le territoire. » [13 p.45]

    « Grâce à l’analyse des requêtes sur son moteur, Google sait, ou est en capacité de savoir, plus de choses que l’Insee sur la France. » [13 p.46]

Les coopérations WhatsApp - OMS et WhatsApp - IFCN témoignent du poids informationnel endossé par les GAFAM dans la société civile et nous rappelle l'enjeu géopolitique de la propriété des données utilisateurs, qui ne revient actuellement pas aux États mais à une entreprise privée, en l’occurrence nord-américaine.   

Finalement, il est une nécessité pour tous les utilisateurs de se former non seulement à l’utilisation mais aussi à la compréhension des outils numériques afin de mieux appréhender la complexité du monde actuel et de s’en protéger. Ce besoin est en partie comblé par les acteurs du numérique eux-mêmes comme nous l’avons vu ici dans le cas de WhatsApp. Mais en définitive, il relève de la responsabilité de chacun de maîtriser les outils numériques en ayant conscience des enjeux liés aux données primaires et secondaires.

 

 Références bibliographiques :

[1] Programme des Nations Unies pour le Développement. COVID-19 : l’OMS, l’UNICEF et le PNUD s’associent à WhatsApp. En ligne sur undp.org. Publié le 18 mars 2020 : [consulté le 18 novembre 2020] <https://www.undp.org/content/undp/fr/home/news-centre/news/2020/COVID-19_WHO_UNICEF_UNDP_Partner_with_WhatsApp_to_Get_Real_Time_Health_Information_to_Billions_around_the_World.html>


[2] WELCH, Chris. Facebook is buying WhatsApp for $16 billion. En ligne sur theverge.com. Publié le 19 février 2014 : [consulté le 18 novembre 2020] <https://www.theverge.com/2014/2/19/5427332/facebook-is-buying-whatsapp>


[3] WhatsApp. Comment WhatsApp peut vous aider à rester connecté(e) pendant la pandémie de coronavirus (COVID-19). Publié le 27 mars 2020 : [consulté le 18 novembre 2020] <https://www.whatsapp.com/coronavirus?lang=fr>
 

[4] WhatsApp. Discuter sur WhatsApp avec World Health Organization. Publié le 27 mars 2020 : [consulté le 18 novembre 2020] <https://api.whatsapp.com/send/?phone=41798931892&text=hi&app_absent=0>
 

[5] Organisation Mondiale de la Santé.Le service d’alerte sanitaire WhatsApp de l’OMS désormais disponible en français. Publié le 27 mars 2020 : [consulté le 18 novembre 2020] <https://www.who.int/fr/news-room/feature-stories/detail/who-health-alert-brings-covid-19-facts-to-billions-via-whatsapp>
 

[6] Poynter. The International Fact-Checking Network. Publié le en 2020 : [consulté le 18 novembre 2020] <https://www.poynter.org/ifcn/>
 

[7] IFCN-Poynter. Verified signatories of the IFCN code of principles. Publié le en 2020 : [consulté le 18 novembre 2020] <https://ifcncodeofprinciples.poynter.org/signatories>
 

[8] WhatsApp. Organisations spécialisées dans le fact checking IFCN sur WhatsApp. Publié le en 2020 : [consulté le 18 novembre 2020] <https://faq.whatsapp.com/general/ifcn-fact-checking-organizations-on-whatsapp/?lang=fr>
 

[9] GAUDIAUT, Tristan. WhatsApp atteint le cap des 2 milliards d'utilisateurs. Publié le 14 février 2020 : [consulté le 18 novembre 2020] <https://fr.statista.com/infographie/amp/20836/nombre-utilisateurs-actifs-mensuels-whatsapp/>
 

[10] STRAUSS, Alina. Les escroqueries les plus courantes sur WhatsApp. En ligne sur tophebergeur.com. Mis à jour le 12 octobre 2020 : [consulté le 18 novembre 2020] <https://www.webblog.tophebergeur.com/les-escroqueries-les-plus-courantes-sur-whatsapp.html>
 

[11] CHAMBERS, Georgia. WhatsApp Gold virus 2019: The ‘martinelli’ message explained. En ligne sur EveningStandard.uk. Publié le 28 novembre 2019 : [consulté le 18 novembre 2020] <https://www.standard.co.uk/tech/whatsapp-gold-virus-martinelli-message-explained-a4030661.html>
 

[12] Sophos News. WhatsApp Gold : comment détecter un hoax sur les réseaux sociaux ?. En ligne sur sophos.com. Publié le 11 janvier 2019 : [consulté le 18 novembre 2020] <https://news.sophos.com/fr-fr/2019/01/11/whatsapp-gold-comment-detecter-hoax-reseaux-sociaux/>
 

[13] FRÉNOT, Stéphane et CRUMBACH, Stéphane. Les données sociales, objets de toutes les convoitises. Revue Hérodote, Cyberespace : enjeux géopolitiques, n°152-153, 2014, pages 43 à 66. [consulté le 11 novembre 2020] <http://www.cairn.info/revue-herodote-2014-1.htm>

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