lundi 22 janvier 2018

Instagram, une base de données exploitable pour l'enseignement et la recherche en géographie?

Avec ses 700 millions de photographies géotaggées pour 53 millions d'utilisateurs, l'application devient un corpus de sources intéressant non seulement pour les enseignants, mais aussi pour les chercheurs. Est-ce toutefois une source fiable et pertinente ? 


L'application présente un avantage pédagogique certain pour l'enseignement secondaire. Outre l'intérêt indéniable de rendre la géographie plus vivante, elle constitue une base de données considérable de photographies et de vidéos pour la classe.
A l'inverse, les illustrations des manuels, plus coûteuses et plus rares, présentent un aspect pratique bien moindre comparé au partage des données en libre-service. [1]
Sur Instagram, toutes les terres anthropisées, même les plus lointaines, sont disponibles sous format photographique. [2]
De plus, grâce aux métadonnées attribuées à la photographie, notamment les hashtags, il existe un découpage géographique bien défini.
Enfin, le modèle de géolocalisation tendant à s'uniformiser selon les normes, la recherche devient plus facile.

Il faut bien sûr se poser la question de la fiabilité de cette source. 
Les attributs de localisations des photographies reposent sur la géolocalisation, mais celle-ci n'est pas obligatoire. L'ajout des métadonnées déclaratives étant facultatif et déclaratif, rien ne garantit donc que la photo ait été réellement prise sur le lieu déclaré. [1]
De plus, l'indexation ne permet pas d'imbriquer plusieurs échelles de localisation, ce qui signifie qu'une recherche par le hashtag "France" ne permettra pas de faire apparaître les photographies taggées du hashtag du nom d'une ville en France. 
Instagram s'inscrit par ailleurs dans une logique commerciale, et souvent la personne publiant une photo se verra proposer des enseignes commerciales à proximité du lieu de prise de la photo que le nom du lieu lui-même. 
Il ne faut pas non plus négliger l'existence d'autres plateformes d'images, comme Flickr, qui offre en plus la possibilité de visualiser une carte des photographies géolocalisées, et d'utiliser des images libres de droit, contrairement à Instagram, dont les photographies restent la propriété de la personne qui publie. 

Instagram reste néanmoins incontournable en termes de nombre de photographies publiées, qui constituent une véritable banque de données exploitables. Outre le corps enseignant, l'application commence d'ailleurs à être également utilisée dans la recherche. 
Grâce à la possibilité d'importer en masse des photographies, un groupe de chercheurs a pu classifier les photographes et leurs productions selon des catégories d'images postées. [4]

D'autres chercheurs se sont aussi basés sur Instagram pour collecter des informations et ainsi surveiller, à moindre coût et plus facilement, la fréquentation des parcs protégés dans le monde.
L'application présente donc un vrai potentiel pour étudier les comportements touristiques, dépassant ainsi les traditionnels outils statistiques. [3]

L'exploitabilité de ce considérable corpus pour l'enseignement et la recherche devient donc une réalité, mais est encore limitée. Pour être tout à fait exploitable, il faudrait des outils de gestion adaptés à la taille et à la complexité de cette base de données. [5] 

Il n'en faut pas moins garder un regard critique, comme pour tous les documents utilisés en géographie comme ailleurs. 

Sources: 

[1] FINANCE Olivier. Instagram, une source pour la recherche et l'enseignement en géographie ? Cybergeo conversation, 15 janvier 2018,   [consulté le 22 janvier 2018]        <http://cybergeo.hypotheses.org/183

[2] PIGANIOL Victor. Instagram, outil du géographe ? Cybergeo, revue européenne de géographie,  14 décembre 2017, [consulté le 22 janvier 2018] <http://journals.openedition.org/cybergeo/28832

[3] TENKANEN Henrikki, DI MININ Enrico, HEIKINHEIMO Vuokko, HAUSMANN Anna, HERBST Marna, KAJALA Liisa, TOIVONEN Tuuli. Instagram, Flickr, or Twitter: Assessing the usability of social media data for visitor monitoring in protected areas, Us National Library of Medicine National Institutes of Health, 14 décembre 2017, [consulté le 22 janvier 2018]              <https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5730565/>

[4] HU Yuheng, MANIKONDA Lydia, KAMBHAMPATI Subbarao. What we Instagram : A First Analysis of Instagram Photo Content and User Types, aaai.org, [consulté le 22 janvier 2018]       <https://www.aaai.org/ocs/index.php/ICWSM/ICWSM14/paper/view/8118/8087>

[5] COUSIN Saskia, RÉAU Bertrand. Sociologie du tourisme, II. Observer, compter et classer, Cairn.Info, 2016, [consulté le 22 janvier 2018] <https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=DEC_COUSI_2016_01_0019&DocId=37726&hits=2388+2379>

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