lundi 5 mars 2018

La complexité de l'Open Data des décisions de justice

Un des grands "chantiers" à venir de mise à disposition des données publiques concerne l'open data des décisions de justice. 

En effet, la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, dans ses articles 20 et 21, institue la mise à disposition du public à titre gratuit de l'ensemble des décisions de justice, judiciaires et administratives. Une mission, présidée par Loïc Cadiet, professeur à l'Ecole de droit de la Sorbonne (université Paris-I), a remis son rapport le 9 janvier à Nicole Belloubet, la Garde des Sceaux. Elle formule vingt recommandations selon trois axes: les enjeux, les conditions et les modalités de mise en oeuvre de l'open data. De nombreux avantages sont mis en avant. L'avantage principal est la publication de l'intégralité des décisions de justice [1] Cette mise à disposition des données permettra aussi une certaine automatisation des tâches les plus répétitives des acteurs du droit, et donc une reconfiguration du marché juridique (avec des possibilités de développement inédit pour les legal tech, ces entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies appliquées au droit) [2]

Cependant la loi pour une République numérique précise dans ses articles 20 et 21 que cette mise à disposition devrait se faire "dans le respect de la vie privée des personnes concernées" et être précédées d'une analyse de risques de l'identification des personnes". C'est une des principales difficultés de la mise en oeuvre de ce chantier d'open data. Est renforcée la règle de l'anonymisation, transformée ici, sous l'influence du RGPD, en "pseudonymisation". Le rapport Cadiet distingue les personnes physiques, qui devraient être anonymisées, comme c'est déjà le cas sur Légifrance (mais le rapport révèle que l'anonymisation totale est une tâche quasi impossible sur des millions de documents), et les professionnels du droit [1]

Un des principaux points de divergence concerne ces derniers. Certains se prononcent en faveur du maintien du nom du magistrat, et évoquent la publicité des décisions de justice, qui garantit le procès équitable et qui fait que le magistrat puisse rendre des comptes aux citoyens des décisions qu'il rend. De plus, le but d'harmonisation, de prévisibilité de la justice serait améliorée par cette transparence. Mais d'autres voix se font entendre, selon lesquelles une décision n'est pas le fait d'un magistrat mais d'une institution, la Justice. D'après elles, Il n'y a aucun intérêt à connaître le nom du juge qui a rendu la décision, la publicité de l'audience et celle du prononcé des décisions suffisent [2] La question est aussi particulièrement sensible pour les magistrats exerçant dans le domaine du terrorisme ou de la criminalité. Se pose enfin la question de la mise en oeuvre de ces principes. Elle est en cours d'étude au sein du Ministère de la Justice.

 Sources :

[1] FROCHOT Didier, "Rapport sur l'open data des décisions de justice", 12 janvier 2018, disponible sur le site des Infostratèges [consulté le 5 mars 2018]: http://www.les-infostrateges.com/actu/18012493/rapport-sur-l-open-data-des-decisions-de-justice

[2] BABONNEAU Marine, COUSTET Thomas, "Open data des décisions de justice : le casse-tête judiciaire du 21e siècle", 10 janvier 2018, disponible sur le site Dalloz Actualités [consulté le 5 mars 2018]: https://www.dalloz-actualite.fr/flash/open-data-des-decisions-de-justice-casse-tete-judiciaire-du-21e-siecle

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