Michèle Batisti évoque en effet, une réflexion actuellement menée par le Sénat sur un possible futur en matière de marché du livre numérique :
- le marché du livre numérique est en plein essor et représente une opportunité économique (nul ne le conteste)
- la filière du livre telle classique est ébranlée et risque de disparaître au profit de grandes entreprises qui ont les moyens de financer les recherches et innovations qui s'imposent dans ce nouveau mode de support (quelques grands monopoles de libraires)
- il y a urgence de numériser notre patrimoine national voire européen au risque de se retrouver avec "un trou entre le 19ème et le 21ème siècle"
- les bibliothèques sont les acteurs principaux dans l'exercice de la numérisation, la conservation du patrimoine et sa diffusion.
- des solutions existent : l'établissement d'un prix unique du livre numérique (protection des ayants droit mais souci dans la définition du taux de TVA)
Mais une question d'importance est évoquée en début de l'article de Madame Batisti. En gros, de quoi parle-t-on ? Question de terminologie précise des sujets que l'on aborde. Par exemple la définition du livre numérique. On parle de "livre numérique" alors que l'on pense "livre homothétique". C'est à dire que l'on transpose inconsciemment une classification ancienne (et non moins vraie) d'un livre fait de papier vers une autre forme de support, celui-ci immatériel et par conséquent non palpable, mais dont la matière existe dans nos rapports avec cet objet comme s'il existait encore dans notre conscience ce "papier" qui devient alors virtuel".
Un contenant (le support) dont l'objectivation est irréductiblement liée à son contenu ce qui est nécessaire dans l'exercice de toute littérature mais qui dématérialisée ne peut aboutir qu'à de grandes confusions surtout lorsqu'il s'agit d'établir des lois, règlements de marchés, décisions juridiques. Un contenant qui pose problème en l'espèce puisque la technologie a présidé au changement de paradigme dans nos classifications.
Lorsque Umberto Ecco condamne avec force la rupture l'apparition du "tout numérique" aux depends du fameux petit livre de papier, émettant ainsi un jugement de valeur qu'il est en droit de défendre au nom d'une certaine qualité de lecture qu'il revendique, ne verse-t-il pas aussi dans la confusion de penser "livre homothétique" pour "livre numérique" ? le support se confondant avec la matière qu'il véhicule ou qu'il a véhiculé autrefois. Nos classifications précèdent nos définitions, elles sont inhérentes à nos pensées, indubitablement liées à notre langage et précèdent nos changements de paradigmes.
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