La consultation publique menée auprès des internautes dans le cadre de l'élaboration de la loi Numérique s'est déroulée entre le 26 septembre et le 17 octobre dernier. L'exercice, bien qu'inédit, était approprié de par la technicité de la matière. L'implication de professionnels et d'utilisateurs du web pouvait mettre à jour des problématiques que n'auraient pas relevé commissions et parlementaires et enrichir les débats sur des espaces qui concernent de prime abord le citoyen numérique. La secrétaire d'Etat chargée du Numérique qui soutenait le projet se dit pleinement satisfaite des contributions citoyennes, dénombrant que « Le 26 septembre, au début de la consultation, le texte comptait 30
articles. Depuis 11 autres ont été apportés au texte, dont 5 directement
issus des participations sur la plateforme et 70 modifications
d’articles ont été retenues » (1). Le 6 novembre dernier, Axelle
Lemaire a rendu public sur ce site le projet de loi constitué à partir de la discussion. Voici les propositions retenues sur les grands axes développés.
Ouverture des données publiques
L'avant-projet de loi comportait un large volet (articles 1 à 7) sur l'ouverture des données publiques, preuve d'un engagement vers l'Open Data déjà consacrée dans la pratique. La version retenue comporte un nouvel article qui crée une obligation de transparence sur les algorithmes publics. Obligation serait également faite aux administrations de définir "les règles définissant le
traitement algorithmique ainsi que les principales caractéristiques de
sa mise en œuvre" si une personne en fait la demande (1). Il est également prévu une augmentation des pouvoirs de la Commission d'accès aux documents administratif (CADA) avec la possibilité pour l'organisme, lorsqu'il a émis un avis favorable sur l'ouverture d'accès à un document public, de peser de manière plus forte sur l'administration en question. Un rapprochement institutionnel a été prévu à cet effet avec la CNIL.
Publication en Open Access des travaux scientifiques
Avant le projet de la loi, la France adoptait une durée maximale pour la publication en Open Acess des travaux de recherche ne pouvant pas excéder 12 mois pour les STM et 24 mois pour les SHS. Le projet de loi dans sa version finale s'aligne sur la recommandation de l'Union européenne qui préconisait que "les articles de recherche financés par moitié par l'argent public" devaient suivre un embargo de 6 mois pour les STM et 12 mois pour les SHS ( 2 ). La problématique dans le secteur est que la publicité des travaux ne vienne pas contrecarrer le profit de l'éditeur sur les abonnements. Les sciences humaines et sociales constituant une information exploitable sur le long terme, la priorité donnée aux éditeurs sur une courte durée est de fait peu utile. Les SHS conservent donc une durée supérieure, mais le suivi de la position européenne et les intérêts des défenseurs du libre accès aux travaux de la recherche ont pesé sur les intérêts des éditeurs. Le projet de loi inclut de plus les données de la recherche dans ce périmètre et précise qu'il s'applique à la version finale du manuscrit acceptée pour publication.
La suppression d'un droit aux communs
L'intégration d'une protection légale du domaine commun informationnel dans le brouillon du projet de loi avait de quoi susciter des controverses. Il s'agissait notamment de prévenir l'appropriation d'oeuvres du domaine public et plus largement de sécuriser la protection de données et oeuvres n'étant a priori attachés à aucun droit de propriété intellectuelle. Cette reconnaissance ne pouvait cependant qu'alerter les ayant-droit, qui avaient déjà constitué une défense prolixe sur d'autres projets de loi liant numérique et droit d'auteur. Afin de faire pencher la balance dès la consultation, plusieurs associations parmi lesquelles la quadrature du Net et le Consortium Couperin s'étaient regroupées pour publiciser leurs contributions en faveur de la reconnaissance légale des biens communs informationnels (3). De leur coté, les industries culturelles et ayant-droit épaulées par le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique se sont déclarés en défaveur d'un article qui mettait en danger la supériorité du droit d'auteur.
C'est finalement le droit d'auteur qui a primé et a causé la suppression de l'article 8 (4).
"C'est un exercice de démocratie ouverte, et non un plébiscite" (1) précise Axelle Lemaire au sujet de la consultation. On l'aura compris : Les propositions sélectionnées ne sont pas toujours les plus populaires. L'idée de démocratie directe s'est quelque peu éclipsée de par l'intervention des différents acteurs professionnels et des lobbyistes industriels, particulièrement présents sur les derniers jours de la consultation (5). Cet exercice demeure un levier communicationnel efficace pour le Ministère à l'heure où un projet élaboré en vase clos, la création de la commission Hadopi voit sa remise en question publique dans un rapport visant l'utilité des autorité administratives indépendantes (6). Le projet de loi sur le numérique constitué, il devra être vu par le Conseil d'Etat et le Conseil des Ministres, passages obligés avant sa présentation à l'Assemblée Nationale au début de l'année 2016. Le chemin est donc encore long...
Sources
(1) Loi numérique : Axelle Lemaire présente la version finale du texte, Louis Adam. Article mis à jour le 6 novembre 2015, consulté le 9 novembre 2015
http://www.zdnet.fr/actualites/loi-numerique-axelle-lemaire-presente-la-version-finale-du-texte-39827800.htm#xtor=123456
(2) Projet de loi sur le numérique : vers un libre accès sans commun. Pierre-Carl Langlais. Article mis jour le 6 novembre 2015, consulté le 9 novembre 2015
http://scoms.hypotheses.org/545
(3) Communiqué du 16 octobre 2015 publié sur okfn.org.
http://fr.okfn.org/2015/10/16/projet-de-loi-numerique-soutenons-les-biens-communs/
(4) Domaine commun informationnel : les ayant-droit marquent des points à Matignon. Publié le 5 novembre 2015. Consulté le 9 novembre 2015.
http://www.nextinpact.com/news/97205-domaine-commun-informationnel-ayants-droit-marquent-points-a-matignon.htm
(5) Loi numérique : Le dernier jour, le dernier sursaut des lobbys, Andrea Fradin. Publié le 18/10/2015. Consulté le 09/11/2015.
(6) Hadopi : Un rapport du Sénat préconise la dissolution. Publié le 06/11/2015. Consulté le 09/11/2015.
http://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/hadopi-rapport-senat-preconise-dissolution-n46947.html
http://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/hadopi-rapport-senat-preconise-dissolution-n46947.html
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