Avec l’essor des technologies et leur développement qui reposent sur l’intelligence artificielle et n’ayant peu à voir avec l’intelligence humaine, Avner Bar-Hen professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), analyse l’étymologie du terme intelligence. Il préconise notamment de former les jeunes et moins jeunes à la science algorithmique tout en gardant à l’esprit que les machines et leurs calculs ne sont pas infaillibles.
Que ce soit la presse spécialisée ou non, l’intelligence artificielle (IA) occupe le devant de la scène médiatique. Depuis 2010, cette notion principalement visible dans les romans de science-fiction s’est introduite dans notre quotidien via des technologies toujours plus performantes. Mais pour comprendre ce phénomène, il convient de faire un détour par son étymologie. Emprunté du latin intelligentia, « faculté de percevoir, compréhension, intelligence », lui-même dérivé de intellĕgĕre (« discerner, saisir, comprendre »), composé du préfixe inter- (« entre ») et du verbe lĕgĕre (« cueillir, choisir, lire »). Étymologiquement, l’intelligence consiste donc à faire un choix. Si l’un des aspects majeurs de la révolution numérique est l’accumulation de données, il faut garder à l’esprit que derrière toute donnée, il y a une mesure, c’est-à-dire une chose mesurée et bien sûr, des conventions sociales. L’accès aux données, l’archivage ou le stockage, représentent un pan important de l’informatique. Sans données, pas d’IA. L’IA permet donc de proposer des règles de décision au sein de cette masse d’informations. Le principe des algorithmes, à la base de l’intelligence artificielle, est de chercher des règles de calcul plus ou moins pertinente. Vouloir des algorithmes transparents et accessibles n’a de sens que si l’on est capable de les comprendre. Afin d'éviter que les humains ne deviennent de plus en plus stupides, faire des choix implique de pouvoir faire des erreurs. Si l’on apprend de ses erreurs (ainsi que des erreurs des autres), il est fondamental de ne pas accorder une confiance aveugle aux algorithmes. La notion d’intelligence artificielle génère de fait la notion de bêtise artificielle. Le risque donc n’est pas de voir les machines devenir plus « intelligentes » que les humains (mythe de la singularité), mais plutôt que les humains deviennent de plus en plus stupides. Il va nous falloir nous adapter à une société numérique, et au lieu d’une intelligence artificielle, privilégions une utilisation de l’IA qui nous aide à prendre des décisions respectant nos valeurs fondamentales.
Source : Avner Bar-Hen. L’intelligence n’est ni artificielle ni innée. Publié le 04 mai 2018. [consulté le 06 mars 2019].
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