Les sénateurs Anne-Marie Mercier et René-Paul Savary ont rendu en novembre 2019, au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, un rapport d'information sur les conséquences possibles de l'utilisation de plus en plus massive des robots dans les métiers de service. Destruction des emplois, déqualification, ou intensification des charges de travail, les risques sont nombreux. Les conclusions et les recommandations du rapport ont été débattues lors d'une séance publique au Sénat le 9 janvier 2020, faisant émerger l'éventualité d'une loi-cadre. Les métiers de l'info-doc sont eux aussi concernés par ces évolutions.
10 à 15% des emplois en voie d'automatisation totale
Le rapport, intitulé "Demain les robots : vers une transformation des emplois de service"[1], indique que, même si les chiffres ont été revus à la baisse depuis quelques années, les dernières études parues montrent qu'au moins 10 à 15% des emplois de service sont menacés de disparition [2]. Ces bouleversements concernent l'ensemble des métiers : agriculture (surveillance des cultures, analyses de l'état des sols, conduite des engins), logistique et transport (marquage des objets, stockage, déplacement autonome), sécurité et défense (cyberdéfense, reconnaissance faciale), santé et soins (bio-informatique, applications de e-santé, télémédecine), services financiers (scoring des clients, trading), énergie et environnement (smartgrids, compteurs intelligents), commerce, loisirs et tourisme (personnalisation des contenus, plateformes de réservation, accueil), droit (analyse de jurisprudences, justice prédictive), enseignement (e-learning), etc.
Si les sénateurs écartent l'idée d'un chômage technologique de masse dû au développement de l'intelligence artificielle, ils insistent sur le fait qu'aucun retour en arrière n'est possible. Il est donc nécessaire d'accompagner le changement.
Vers une "robotisation heureuse"
En effet, si tous les emplois ne sont pas directement menacés, les pratiques professionnelles seront profondément transformées par l'automatisation : polarisation du marché du travail, avec une disparition de l'emploi intermédiaire, concentration des emplois dans les grands pôles d'activité métropolitains, collaboration avec les robots, relations de travail assouplies.
Freiner les investissements dans la robotique étant difficilement envisageable, la France aillant par ailleurs déjà pris du retard en matière de développement de l'IA, les sénateurs proposent trois axes de réflexion : encourager l'innovation, repenser la formation et inventer de nouvelles régulations.
Ces pistes sont assorties de dix propositions dont notamment : effectuer une évaluation systématique de l’impact de l’introduction de robots dans les organisations publiques ou privées, encourager l’accès à des jeux de données publiques et privées destinées à favoriser l’innovation, renforcer l’appareil de formation professionnelle continue en accordant une priorité aux travailleurs dont l’emploi est automatisé ou susceptible de l’être rapidement, intégrer dans les négociations sociales en entreprise la question de l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle et de robots et de leur impact sur les conditions de travail, ou garantir un droit à la reconversion pour les salariés dont les emplois sont supprimés par la robotisation.
Ces pistes sont assorties de dix propositions dont notamment : effectuer une évaluation systématique de l’impact de l’introduction de robots dans les organisations publiques ou privées, encourager l’accès à des jeux de données publiques et privées destinées à favoriser l’innovation, renforcer l’appareil de formation professionnelle continue en accordant une priorité aux travailleurs dont l’emploi est automatisé ou susceptible de l’être rapidement, intégrer dans les négociations sociales en entreprise la question de l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle et de robots et de leur impact sur les conditions de travail, ou garantir un droit à la reconversion pour les salariés dont les emplois sont supprimés par la robotisation.
C'est notamment sur le volet de la protection des salariés que le sénateur Roger Karoutchi a interpellé la commission lors des débats publics, évoquant la possible nécessité d'une loi-cadre comme il en existe dans d'autres pays [3]. La pertinence d'une taxe sur les robots afin de pallier la baisse du financement de la protection sociale a également fait l'objet de débats.
Et dans nos métiers ?
Les métiers de l'information-documentation ont déjà été profondément transformés par la digitalisation des entreprises et la multiplication des données numériques, mais ils pourraient eux-aussi subir les conséquences de la robotisation des tâches.
Le deep learning et l'IA ont permis une évolution rapide de l'automatisation des processus documentaires [4]. De plus en plus d'entreprises ont par exemple recours à des solutions intégrant des fonctionnalités de RPA (Robotic process automation) qui permettent un gain de productivité, et une meilleure gestion du risque [5]. L'indexation automatique a elle aussi fait de grands progrès, notamment en ce qui concerne les vidéos. On peut enfin citer le cas du robot auto-apprenant Flint, qui met son IA au service de la veille, se faisant fort d'analyser et de trier automatiquement des millions d'articles de manière intelligente [6].
Les métiers de la documentation dans leur ensemble nécessitent encore l'intervention humaine, mais, à l'avenir, ils seront eux aussi fortement soumis au risque accru du remplacement des hommes par des robots. Si l'on peut espérer que l'automatisation nous permette de nous décharger des tâches les plus répétitives et sans réelle valeur ajoutée, ces changements devront impérativement être pris en compte, notamment dans le cadre de la formation des professionnels de la gestion documentaire.
[1] Demain les robots : vers une transformation des emplois de service, rapport n°162, 28 novembre 2019. https://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-162-notice.html [Consulté le 26 janvier 2020].
[2] OCDE, L'Avenir du travail, septembre 2019.
https://www.oecdilibrary.org/fr/employment/perspectives-de-l-emploi-de-l-ocde_19991274 [Consulté le 26 janvier 2020].
[3] Séance publique du 9 janvier 2020, Débat sur les conclusions du rapport d'information Demain les robots : vers une transformation des emplois de service.
http://videos.senat.fr/video.1479188_5e16dced253a8.seance-publique-du-9-janvier-2020-matin [Consulté le 26 janvier 2020].
[4] Solutions numériques, Frédéric Bergonzoli, L'Automatisation au coeur de la gestion documentaire, 20/09/2018. https://www.solutions-numeriques.com/dossiers/lautomatisation-au-coeur-de-la-gestion-documentaire [Consulté le 26 janvier 2020].
[5] Etude réalisée par Markess by exaegis, Processus documentaires : vers une automatisation "intelligente", juillet 2019. Téléchargeable à l'adresse http://blog.markess.com/2019/09/processus-documentaires-vers-une-automatisation-intelligente/. [Consulté le 26 janvier 2020].
[6] Flint, l'outil de veille personnel et intelligent. https://fr.flint.media/ [Consulté le 26 janvier 2020].
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