mercredi 8 décembre 2010

Les archives "folksonomiées", oxymore ou vision?

Michel Serres expliquait en 2007, lors de sa conférence à l'INRIA, à quel point la révolution informatique, comme celles de l'écriture puis de l'imprimerie en leurs temps, avait changé notre rapport au monde.

La révolution de l'information est devenue une révolution cognitive opérée non seulement par les professionnels de l'information, mais aussi par les utilisateurs. Le Web 2.0, ses réseaux sociaux et pratiques participatives, a en effet donné la main à l'internaute et fait émerger des formes d'indexations de contenu toutes particulières : les folksonomies. Un peu de fantaisie face aux langages documentaires? Pas seulement.

Rapidement, les bibliothèques ont vu leur intérêt dans la manoeuvre : faire évoluer les classements, optimiser l'accès à l'information en fonction des besoins et des profils d'utilisateurs, offrir des services personnalisés à l'usager. Finalement, c'est céder un tout petit peu de terrain sur la rigueur des outils documentaires professionnels (y faire entrer un langage donné par un non-professionnel) pour mieux dessiner un nouveau genre de valeur ajoutée du professionnel de l'information sans qui le système peut vite devenir anarchique. A lui de veiller à maintenir l'équilibre entre de nouveaux usages à canaliser et exploiter au mieux et une qualité de service optimale.
Car il faut savoir tirer partie de ces possibilités offertes par la technologie, certes, mais aussi par la compétence de plus en plus affûtée d'un grand nombre d'internautes ou d'usagers. Les professionnels des archives départementales du Cantal ne s'y sont pas trompés en lançant cette année sur leur site internet l'indexation collective. La folksonomie dans les archives? Ce postulat fait sans doute froncer beaucoup de sourcils. Et pourtant, l'initiative est couronnée de succès. Si l'idée de départ du site (lancé en 2008) était assez classique (mettre à disposition des chercheurs les archives en ligne pour leur éviter leur déplacement d'une part, ménager les documents physiques fragiles d'autre part), elle n'en a pas moins surpris par son succès, séduisant les étudiants, les chercheurs, les passionnés de généalogie. L'indexation collective permet à chaque internaute d'annoter les pages de l'état civil avec nom, prénom et/ou date, permettant ensuite aux autres utilisateurs de retrouver directement l'archive via ces entrées.
Le site a reçu le pris Territoria 2010 (or, catégorie Valorisation du patrimoine) décerné par l'Observatoire national de l'innovation publique.


A l'heure où le web sémantique pointe son nez, les pratiques collaboratives n'ont pas fini de surprendre. Aux professionnels de l'information de les observer encore et toujours, d'anticiper sur de nouvelles possibilités de services, d'en mesurer les risques et d'en obtenir le meilleur, bref, de naviguer intelligemment dans un vaste champ des possibles toujours en mouvement, qui laisse rêveur...

Sources:

Michel Serres: Les nouvelles technologies, révolution culturelle et cognitive.
http://www.lacitedelaconnaissance.com/wordpress/?p=1753

Claire Lebreton, Bibliothèques, tags et folksonomies : L'indexation des bibliothèques à l'ère sociale
http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/notice-1750

Lalloz, Gilles - L'indexation collaborative vaut de l'or - La Montagne, 11/12/10
http://www.lamontagne.fr/editions_locales/cantal/l_indexation_collaborative_vaut_de_l_or@CARGNjFdJSsBFBoFAh8-.html


Voir aussi:

Séminaire DICEN : Folksonomies et tagging
http://dicen.cnam.fr/jsp/fiche_pagelibre.jsp?STNAV=&RUBNAV=&CODE=37497849&LANGUE=0&RH=dicen

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