mardi 11 mars 2014

Doit on craindre un affaiblissement du droit d'auteur ?



Bruxelles doit donner, en juin, les grands contours d'une vaste réforme du droit d'auteur à l'ère d'Internet.

Cette réforme effraie les acteurs du monde de la culture et de l'audiovisuel. Début mars, une soixantaine de leurs représentants ont adressé une lettre  à José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne.

Les signataires de la lettre veulent éviter à tout prix une remise en cause des acquis de la précédente directive de 2001. Ils craignent notamment que Bruxelles remette en cause le principe de territorialité, qui fait que les droits restent associés à une base nationale.

Cette grande offensive de lobbying témoigne de l'importance du dossier. La Commission avait lancé une consultation auprès de toutes les parties intéressées par une réforme d'un régime du droit d'auteur que remet en question le développement de l'économie numérique.
La procédure s'est maintenant achevée et les grandes options de cette réforme seront dévoilées en juin dans un livre blanc.

Ces options iront-elles à l'encontre des intérêts des auteurs ?

Tout le monde est bien conscient qu'il faut rémunérer le contenu.

Des évenements récents viennent en tout cas conforter l'idée selon laquelle les auteurs ne doivent pas être lésés.

Pour exemple :

 Le changement de politique de droit d’auteur survenu sur YouTube en décembre 2013

La sensibilité du robot utilisé par YouTube a été augmentée, ce qui fait que des vidéos reprenant même de courts extraits de films ou de musique protégés ont subi des signalements.
A partir de janvier 2014, « le vrai changement » est entré en vigueur. Il concerne la question sensible de la monétisation. En vertu du programme partenaire, l’utilisateur peut monétiser sa vidéo en lui associant des annonces publicitaires. Chaque clic de l’internaute qui regarde la vidéo rapporte donc de l’argent. Mais désormais, si Content ID détecte du contenu contrefait, les revenus générés par la vidéo iront aux ayants droit, et non plus aux vidéocasteurs.

Autre signe venant cette fois de la Cour de Justice de l'Union Européenne elle même :

La décision rendue dans l'arrêt Svensson du 13 Fevrier 2014 (*)

Les liens hypertexte étaient depuis un moment sur la sellette, à cause des tensions croissantes entre les fournisseurs de contenus, notamment la presse en ligne, et des acteurs comme les moteurs de recherche et les agrégateurs d’information.
La CJUE a donné l’impression d’avoir conforté l’établissement de liens hypertexte dans la mesure où elle a indiqué que l’on pouvait en principe créer un lien hypertexte sans autorisation préalable. Mais pour ce faire, elle a considéré que le fait de fournir des liens cliquables vers des oeuvres protégées devait être qualifié de "mise à disposition" et par conséquent, "d’acte de communication au public" au sens de la directive européenne de 2001.
Aussi pour extraire les liens hypertextes de l'autorisation préalable la cour de justice "se rattrape" en énonçant une condition selon laquelle il ne doit pas donner accès  à l'oeuvre à un "autre public". Il n'en reste pas moins que le lien hypertexte simple chemin d'accès se retrouve sous la coupe du droit d'auteur.

Enfin certaines nominations récentes d'acteurs clés dans la future réforme  :

Olivier Henrard, ancien conseiller de l'ancienne ministre de la Culture Christine Albanel, recruté il y a un an par SFR, a été désigné par Aurélie Filippetti pour représenter les opérateurs télécoms (les fournisseurs d'accès et de services en ligne ) au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), qui doit étudier plusieurs sujets en lien avec les droits d'auteur dans l'univers numérique.
Or Olivier Henrard a été le principal concepteur et rédacteur de la loi Hadopi suite aux accords Olivennes de 2007. 

Egalement la nomination d’Olivier Schrameck à la présidence du groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (ERGA):  le ERGA regroupe l’ensemble des CSA de chaque pays membre. « La création de ce groupe, qui rassemble les autorités de régulation de l’audiovisuel des vingt-huit États membres de l’Union, s’inscrit dans la continuité de l’initiative prise par le président du CSA de réunir à Paris, en septembre dernier, plusieurs présidents d’autorités de régulation dans la perspective d’une coopération à l’échelle de l’Union européenne » se félicite le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
En janvier dernier, lors de ses vœux pour 2014, Olivier Schrameck annonçait déjà avoir « pris des initiatives pour créer des liens et une solidarité entre les différentes autorités de régulation européennes. 

Enfin pour finir de se rassurer sur le grand chantier des droits d'auteurs, il n'est pas certain que José Manuel Barroso, après la polémique sur l'exception culturelle, ait envie de remettre de l'huile sur le feu.


Sources
Revue de presse de l'April :
"Agitation à Bruxelles autour de la réforme du droit d'auteur", Renaud Honoré, [en ligne] Les échos.fr. le 6/03/2014 [consulté le 11/03/2014]
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0203353817280-agitation-a-bruxelles-autour-de-la-reforme-du-droit-d-auteur-654919.php

"POur les YouTubeurs, fin de l'âge d'or ou possibilité d'un nouveau départ", Lionel Maurel (Calimaq), [En ligne], site  S.I.Lex, le 11/03/2014. [consulté le 11/03/2014]
http://scinfolex.com/

CJUE 4e ch., arrêt du 13/02/2014, Svensson contre Retriever, C-595/12, Site InfoCuria, Jurisprudence de la Cour Européenne, en ligne, [consulté le 11/02/2014]
http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=147847&pageIndex=0&doclang=EN&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=31410

"Arrêt Svensson, les liens hypertextes confortés mais retirés du "domaine public de l'information" ?" - Lionel Maurel (Calimaq), site S.I Lex, le 17/02/2014 [consulté le 11/03/2014]
http://scinfolex.com/2014/02/17/arret-svensson-les-liens-hypertexte-confortes-mais-retires-du-domaine-public-de-linformation/

"L'architecte de la loi Hadopi nommé par Aurélie Filippetti au CSPLA" - Guillaume Champeau, Site Numerama, le 05/03/2014, en ligne, [consulté le 11/03/2014]
http://www.numerama.com/magazine/28662-l-architecte-de-la-loi-hadopi-nomme-par-aurelie-filippetti-au-cspla.html

"Régulation : le président du CSA dans l'oreille de la Commission européenne"-Marc Rees [en ligne] Site PC INpact, le 04/03/2014 [consulté le 10 mars 2014] 
http://www.pcinpact.com/news/86290-regulation-president-csa-dans-oreille-commission-europeenne.htm





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