lundi 11 mai 2020

Pourquoi choisir la méthode REX dans l’évaluation de la crise sanitaire du Covid-19 ?

En cette période de pandémie du Covid-19, un vrai besoin d’évaluation de la situation, s’impose, que ce soit au niveau de l’Etat ou des structures sanitaires ou sociales. Afin d’éviter les analyses à chaud, chargées d’émotion, l’utilisation d’une méthode factuelle, objective et éprouvée est nécessaire. Le REX qui est plus qu’un débriefing, permettrait d’évaluer cette situation « au contact des réalités en proposant des solutions aux déficiences constatées ». [1] Cette méthode permet d’impliquer les acteurs concernés pour remonter les données du terrain et pour pouvoir par la suite les formaliser et les analyser. L’objectif principal est de tirer les leçons nécessaires afin d’identifier des pistes de progression, de valoriser les comportements et les modes d’organisation qui ont fonctionné efficacement et de partager ces connaissances.

La méthode REX, développée à l’origine au Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) afin de capitaliser les expériences, a été appliquée ultérieurement dans différentes activités à caractère industriel. Elle a pu être utilisée également dans des situations d’urgence ou d’accident, ou même dans la cadre de l’étude des comportements des organisations et plus récemment pour les situations de crise. Pour gérer la crise du Covid-19, le REX pourrait être utilisé d’une part afin de formaliser les savoirs et les savoir-faire acquis par l’expérience et d’autre part pour tirer des enseignements, faire émerger des pistes d’amélioration et capitaliser les connaissances.

Le REX formel et informel

Pour bien mener le REX, des procédures formelles sont nécessaires :

  • La construction d’éléments de connaissance (EC) qui se présentent sous une forme de fiche comprenant des blocs de texte assez courts relatant le côté contextuel, factuel et analytique des expériences vécues.
  • La modélisation du domaine de connaissance constitué de trois réseaux : le réseau descriptif, le réseau lexical, le réseau contextuel.

Il est important de ne pas négliger les méthodes informelles du REX telles que les discussions à la machine à café, les réunions, etc. « Il ne s’agit pas simplement de formaliser ce qui est déjà écrit au sein de la structure mais de pouvoir capturer les savoir-faire, les méthodes personnelles acquises par le personnel ». [2] Le REX est participatif, chacun échange sur ses connaissances implicites, décrit l’expérience de la façon la plus neutre possible. L’informel permet davantage de liberté de parole, aide à être plus proche de la réalité du terrain. [3]

Le REX réhabilite le rôle constructif de l’erreur

Si le but du REX est d’éviter de reproduire les mêmes erreurs, son but n’est pas de les juger, mais de les utiliser comme source d’apprentissage. « Participer à un REX c’est s'apprendre déjà à soi-même ce qu'on peut dégager d'une expérience, le meilleur moyen d'en bénéficier. Dans un REX la démarche est autant importante que le résultat. » [4]
Quelques freins sont décelés face à cette méthode, car les participants peuvent émettre des réserves pour plusieurs raisons : peur de désigner un responsable, honte de l’échec, etc.
Pour aboutir à un résultat concret et constructif, l’utilisation de la chaîne des cinq pourquoi de Sakichi Toyoda, le fondateur de Toyota, est recommandée. Au-delà de la description des événements, elle permet d’identifier les causes fondamentales (les causes racines) d’un dysfonctionnement ou d’une situation problématique afin de pouvoir proposer des solutions efficaces et définitives. En voici un exemple :




Bien que le REX reste une méthode efficace, d’aucuns lui reprochent sa vision « rétrospective » et insuffisante pour établir une prévision. [5] Il connait également des freins d’une part à cause de la crainte d’une remise en cause personnelle et judiciaire suite à un accident grave, mais aussi parce qu’il lui est reproché de s’arrêter à l’identification de défauts techniques ou aux comportements inappropriés des individus, plutôt que de prendre en compte également des facteurs organisationnels. Enfin, les données d’entrée du REX sont le plus souvent des événements négatifs, dont on cherche à éviter la répétition.
Ne serait-il donc pas plus judicieux d’exploiter également un « REX positif » pour apprendre des réussites et diffuser les bonnes pratiques ?



[1] CUNY, Jean-Luc. Débriefer c’est bien. Le REX, c’est mieux, 25/08/2014. JDN. Disponible en ligne [consulté le 15 avril 2020] : <https://www.journaldunet.com/management/efficacite-personnelle/1142355-debriefer-c-est-bien-le-rex-c-est-mieux/>

[2] PRAX, Jean-Yves. Manuel de Knowledge Management, Mettre en réseau les hommes pour créer de la valeur. Malakoff : Dunod, 2019. p. 166.

[3] Les cahiers de la sécurité industrielle. Toulouse : ICSI, 2020/2 (n° 01), Disponible en ligne [consulté le 25 avril 2020]. ISSN : 2100-3874. p.46 < http://pnrs.ensosp.fr/content/download/34941/590001/file/CSI-REX-bonnes-questions.pdf >

[4] CHASTENET DE GERY, Gonzague. Le knowledge management - Un levier de transformation à intégrer. Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur. 2018. p. 46.

[5] Lannoy, André. Le retour d'expérience : histoire, enjeux, limites, avenir. Disponible en ligne (consulté le 28 avril 2020] : <http://www.officiel-revention.com/formation/conseils/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=183&dossid=380>

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