jeudi 19 novembre 2020

Le patrimoine numérique : quel destin pour nos données après notre mort ?

Tout utilisateur d’internet, qu’il le veuille ou non, se constitue un patrimoine numérique composé de l’ensemble des données qu’il laisse sur divers supports et sur internet (comptes email, profils de réseaux sociaux, historiques des recherches, etc.). À notre mort, la conservation et la gestion de ce patrimoine peut susciter des problèmes. Mais, en France, le devenir de ce patrimoine numérique fait l’objet d’une législation qui permet aux proches ou héritiers, même en l’absence de directives de la part du défunt, de disposer, à leur guise, de ces données.

Si l’immortalité n’est pas assurée pour autant, la mort physique n’épuise pas, en effet, la vie d’un utilisateur d’internet car les données qu’il a laissées derrière lui restent disponibles et forment ce qu’on appelle l’identité numérique qui perdure bien après la mort réelle. Le patrimoine numérique, c’est-à-dire « l’ensemble des données électroniques qu’un utilisateur laisse sur divers supports de données et sur Internet en cas de décès »[1], peut faire l’objet d’exploitation et de traitement assez particuliers, comme, entre autres, assurer au défunt une « existence » outre-tombe. Sans traiter de la question de l’immortalité numérique que nous nous promettons d’aborder dans un prochain billet, on peut, toutefois, réfléchir sur le problème de l’héritage numérique qui pose de sérieux problèmes juridique et éthique. En effet, le 8 septembre 2020, la cour fédérale de justice de Karlsruhe en Allemagne a décidé d’autoriser les parents d’une jeune fille écrasée en 2012 par un métro à accéder à son compte Facebook afin de déterminer s’il s’agit d’un accident ou d’un suicide. Le compte était verrouillé par Facebook pour des raisons de confidentialité. En 2018, ils avaient déjà obtenu de la cour fédérale de justice le droit d’accès aux données de leur fille contre Facebook qui arguait qu’un tel accès violait la confidentialité des utilisateurs qui communiquaient avec la défunte. A la suite de ce jugement favorable, Facebook leur avait remis une clé USB contenant les données laissées par la jeune fille et présentées en un document pdf de 14 000 pages, difficilement exploitables. Insatisfaits, les parents poursuivirent leur combat pour accéder non pas seulement aux données mais au compte lui-même. Ce qui leur fut accordé le 8 septembre 2020. En France, le problème de l’héritage numérique est réglé par l’article 63 de la loi pour une République numérique du 7 Octobre 2016 qui donne à chaque utilisateur la possibilité d’organiser la gestion de ses données personnelles après sa mort :

« Toute personne peut définir des directives relatives à la conservation, à l’effacement et à la communication de ses données à caractère personnel après son décès ».

Même en l’absence de ce qu’on pourrait nommer un testament numérique, c’est-à-dire dans le cas où l’utilisateur n’a pas laissé de consignes claires sur la gestion des données qu’il laisse, la loi dite Lemaire autorise les héritiers à se substituer dans l’exercice de ses droits au défunt, de telle sorte que même en l’absence de directives sur la gestion des données, ces derniers peuvent décider de la conservation ou non des données « sauf, précise ladite loi, lorsque la personne concernée a exprimé une volonté contraire dans les directives ».

Sources: 
1. Leparisien : « Facebook : les parents d’une ado décédée en 2012 enfin autorisés à accéder à son compte ». Consulté le 17/11/2020. Disponible sur < https://www.leparisien.fr/societe/facebook-les-parents-d-une-ado-decedee-en-2012-enfin-autorises-a-acceder-a-son-compte-08-09-2020-8380959.php
2. CNIL : « Mort numérique : peut-on demander l’effacement des informations d’une personne décédée ? ». Consulté le 17/11/2020. Disponible sur < https://www.cnil.fr/fr/mort-numerique-effacement-informations-personne-decedee
3. Légifrance : « LOI n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique ». Consulté le 17/11/2020. Disponible sur < https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000033202746/2020-11-19/
4. Avocats/Droits/Succession : « Mort numérique ». Consulté le 17/11/2020. Disponible sur < https://avocat-droit-succession-cahen.fr/apres/mort-numerique/
5. Justifit : « Mort numérique : le droit à l’oubli en cas de décès ». Consulté le 17/11/2020. Disponible sur < https://www.justifit.fr/b/guides/droit-informatique/mort-numerique-droit-oubli-deces/

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