mardi 3 janvier 2017

Faut-il craindre les images ?

Bruno Devauchelle construit une argumentation qui se déploie pour démontrer la nécessité de comprendre les usages de l'image, et le tort que nous avons de sous-estimer les mutations sociales qui en résultent. Il préconise de travailler à une prise de conscience collective et invite à consacrer un temps d'éducation à leur appréhension pour mieux les maitriser.

Ses arguments ne sont pas minces. Mais sont-ils les seuls sur lesquels s'attarder ?

Que nous dit Bruno Devauchelle ?

Il indique que la fonction des images, qu'elles soient photographies ou vidéos, a varié sur la ligne du temps. Il souligne qu'elles assument désormais un rôle fondamental dans la construction des individus par le fait qu'elles altèrent la perception des repères temporaux et spatiaux puisqu'en effet l'image projette le photographe dans un temps futur, dans lequel il imagine la ré-utilisation qu'il pourra en faire. Il souligne que les photographes ont une représentation du monde "intermédiée", construite par les clichés.
Il ajoute encore que les photos et tout particulièrement la nouvelle catégorie représentée par les selfies s'inscrivent dans une forme de socialité et prennent ainsi le relais des antiques photos de famille ou de groupe où se dessinaient les réseaux sociaux d'alors.

Puis, d'accord en cela avec Benoit Labourdette qui s'exprime dans la revue Esprit, il souligne que la photo de soi est un acte social, qui n'est plus un acte nécessairement mémoriel.

Benoit Labourdette s'attarde cependant plus volontiers sur le fait que l'image vaut désormais locution, qu'elle prend le pas sur l'usage du texte et donc des mots qui avaient la possibilité de s'envoler.
Arrêtons-nous sur Snapshat qui nourrit aisément cette illusion puisque les images disparaissent après quelques secondes. L'image, la photo, la vidéo deviennent ainsi des outils de conversation. Elles ont atteint le statut d'éléments de langage courants. Les images portent sans peine un message et engendre une adhésion émotionnelle plus aisément que des mots.

Hors, en même temps que l'image assure sa prépondérance dans les échanges sociaux, notre vocabulaire perd en consistance, en richesse, en nuance. En court, il s'appauvrit, il s'étrique, il s’affaiblit. Pourtant les mots ont des vertus que n'offrent pas les images : ils construisent le dialogue, le débat, la controverse et permettent de dépasser le langage de l'émotion.

Certaines circonstances cependant s'accordent magistralement avec l'usage des images, dès lors que l'échange se fonde sur l'émotion : quelle meilleure opportunité que le premier jour de l'année pour présenter ses vœux en image ! Les lignes compassées et tristement identiques d'une année sur l'autre se colorent et se renouvellent. Les Français l'ont bien saisi puisque la chute du SMS de réveillon se confirme et s'accélère depuis trois ans au profit du MMS imagé.

Et si, pour mieux appréhender l'image au quotidien et lui donner la place qu'elle mérite, il fallait remettre les mots au cœur des apprentissages ?

Je fais un vœu : si une image vaut mille mots, je souhaite que son usage extrême ne nous prive pas des milliers de mots qui ont fait leur preuve et dont les mérites ne sont pas discutés.


Sources :

Devauchelle Bruno-Quand la photo arrête le temps- Blog du  25/12/2016

Labourdette Benoît-Des vies en images-Revue Esprit n°425 de Juin 2016

Develey Alice-"Notre vocabulaire s'appauvrit, c'est une catastrophe" dans le Figaro du 02/11/2016

"Bonne année" : moins de SMS et plus de MMS-Les Echos du 01/01/2017

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