samedi 21 mars 2020

Accès ouvert : l'ouverture aux publications scientifiques s'accélère en Allemagne et plus largement avec le COVID-19?

Le 09 janvier 2020, un consortium d'universités allemandes et l'éditeur scientifique Springer Nature annonçaient la finalisation d'un accord. Ce Protocole d'Echange (PE), en cours de rédaction depuis août 2019, définit de nouvelles modalités de services en Accès Ouvert (AO) et l'accès à certaines revues gratuitement à la recherche scientifique allemande appartenant aux universités membres de ce Projekt Deal. Le contrat court jusqu'à 2022 avec une extension possible en 2023. [1]. Ce contrat marque t-il le début d'une tendance de fond? La crise du COVID-19 va-t-elle marquer une étape majeure dans les problématiques de libre accès de l'édition scientifique? 

Un Protocole d'Echange en deux parties: 
Le Protocole d'Echange est divisé en deux parties: une partie Accès Ouvert  (AO) et une partie "Publish and Read" (PAR).
1.  La partie Accès Ouvert permet aux auteurs des institutions allemandes du consortium, de publier dans les revues  intégralement Accès Ouvert  de Springer Nature, soit dans plus de 600 titres ainsi que dans plus de 1900 revues hybrides qui publient déjà un article sur quatre en Accès Ouvert. 
2. La partie "Publish and Read" (PAR) offre aussi à cette même communauté scientifique, un accès permanent en lecture au contenu des revues académiques Springer, Palgrave, Adis et Macmilllan publié pendant la durée de vie du contrat. Les coûts liés à l'accès à la lecture et à la publication Accès Ouvert dans la composante PAR seront reflétés dans les frais de publication PAR de 2750 € par article et seront payés par les frais centraux d'abonnement. Springer Nature offrira de plus, une remise de 20% sur le prix affiché pour la publication en Accès Ouvert relatifs aux titres BMC et SpringerOpen pour toutes les institutions. Les augmentations des prix catalogue de traitement d'articles ne dépasseront pas 3.5% par titre et par an, calculées sur la base du prix catalogue 2020. La composante PAR n'inclut pas Nature et les autres revues sous abonnement,ni les revues purement professionnelles, ni les magazines tels que Scientific American ou Spektrum der Wissenschaft. Les institutions participantes auront un accès rétroactif gratuit aux archives des revues incluses dans le contrat, depuis 1997. Springer Nature et Projekt DEAL visent également à combler les lacunes en matière d'accès au contenu des archives de toutes les revues Springer Nature couvertes par le protocole d'accord.[2]

Un Contrat engagé vers l'Accès Ouvert
Les deux parties signataires évoquent "Le Contrat le plus engagé du monde vers l'accès ouvert." [3]. Ils espèrent ainsi apporter de la visibilité à la recherche allemande et favoriser la circulation des savoirs en général. Ils  prévoient plus de 1300 publications annuelles [1]. 

Une crise sanitaire qui peut faire accélérer ce mouvement ? 
Dans la lignée de ce contrat et plus largement suite au contexte de pandémie du COVID-19, la communauté scientifique française réclame face à cet état d'urgence, l'ouverture aux publications scientifiques. 
En effet, le 19 mars 2020, le consortium français Couperin.org*, l'ABDU * et EPRIST * se joignent au communiqué de l'association internationale ICOLC* pour lancer un appel aux éditeurs " « Ouvrez largement l’accès aux publications scientifiques !”. Reste à savoir si l'appel sera entendu... affaire à suivre. [4]

* Couperin.org: Consortium unifié des établissements universitaires et de recherche pour l'accès aux publications numériques
L'ADBU: Association française des directeurs et personnels de direction des bibliothèques universitaires et de la documentation
* EPRIST: Responsables IST des organismes de recherche
* ICOLC: International Coalition of Library Consortia


[1]  GFII (Groupement Français de l'Industrie de l’information) , 2020. Springer Nature et Projekt Deal finalisent la signature du plus important accord transformatif open access au monde. Gfii.fr [en ligne]. 14 janvier 2020. [Consulté le 30 janvier 2020]. Disponible à l'adresse:<http://www.gfii.fr/fr/document/springer-nature-et-projekt-deal-finalisent-la-signature-du-plus-important-accord-transformatif-open-access-au-monde>
[2]  Springer Nature press release, 2020. Springer Nature and Germany's Projekt DEAL Finalise World's Largest Transformative Open Access Agreement. Group.springernature.com [en ligne]. 9 janvier 2020. [Consulté le 28 janvier 2020]. Disponible à l'adresse: <https://group.springernature.com/gp/group/media/press-releases/springer-nature-projekt-deal/17553230 >
[3] Antoine Oury, 2019. Allemagne : Springer Nature signe un accord pour plus d'accès ouvert. Actuallite.com [en ligne]. 23 août 2019. [ Consulté le 2 février 2020]. Disponible à l'adresse: <https://www.actualitte.com/article/patrimoine-education/allemagne-springer-nature-signe-un-accord-pour-plus-d-acces-ouvert/96479
[4] ADBU, 2020. Covid-19, “Ouvrez largement l’accès aux publications scientifiques !” / « Make scientific publications widely available! » – Appel ADBU, Couperin, EPRIST aux éditeurs académiques. Adbu.fr [en ligne]. 19 mars 2020.[Consulté le 20 mars 2020]. Disponible à l'adresse: <https://adbu.fr/appel-adbu-couperin-eprist-aux-editeurs-academiques


lundi 9 mars 2020

Comment mettre en place un dispositif de veille ?

Le mardi 3 mars 2020, l'INTD a organisé en collaboration avec l'ADBS une journée d'étude concernant la mise en place d'un dispositif de veille. Ce fut l'occasion de présenter des outils de collecte d'information, avec leurs avantages et inconvénients. Ainsi que les outils disponibles pour diffuser l'information. [1]

Si la veille a aujourd’hui toute sa place dans la chaîne informationnelle des organisations, elle reste encore trop souvent sous-estimée. On la situe en effet du côté des fonctions support, non du côté directement productif. Pour autant, la veille, c’est le regard « fertile » de l’entreprise vers son environnement extérieur. 
https://www.kbcrawl.com/fr/

Les étapes de la mise en place d'une veille :
- Élaborer un plan de veille,
- Identifier les sources et définir les requêtes,
- Collecter les informations [2],
- Procéder à la diffusion.

Lors de la journée d'étude, des outils ont été présentés :
1/ Pour la collecte d'informations :
- Inoreader : outil de veille collaborative qui permet de suivre l'actualité grâce aux flux RSS provenant de différentes sources d'informations : YouTube, DIIGO, newsletter, etc, [3]
- Sindup : plateforme de veille stratégique et e-réputation,
- Twitter : suivre différents sujets ou mettre en place une surveillance [4],

2/ Pour diffuser l'information : 
- L’agrégateur Inoreader (création d'un compte pour le destinataire de la veille, création d'un clip html ou d'un digest d’e-mail), 
- L'outil flash issue pour créer des newsletters personnalisées,   
- L'outil IFTTT qui permet d'automatiser les diffusions,
- Les réseaux sociaux : WhatsApp et Twitter.

Chaque outil a ses avantages et inconvenients, le choix doit être réalisé en fonction des besoins, des objectifs et du budget. En effet, plus le budget sera restreint, plus le veilleur devra avoir à disposition "une boite à outil" importante.

Les avantages d'une veille gratuite
- Pratique et ergonomique pour déchiffrer un sujet,
- Ne nécessite pas de connaissances techniques et de configurations complexes,
- Intègre la veille collaborative à grande échelle (exemple via Twitter).

En contrepartie, les limites de ce type de veille :
- Fonctionnalités limitées,
- Intégration de différents outils (de la collecte à la diffusion),
- Capacités restreintes.

Pour conclure, la veille permet de demeurer informé des nouvelles publications et des nouveaux développements dans un domaine précis. L'investissement accordé à la mise en place d'un dispositif de veille va dépendre des objectifs fixés. A noter, qu'il est également important d'impliquer et de fédérer les collaborateurs dans la démarche.

Par ailleurs, l'ADBS propose une formation : utiliser les réseaux sociaux pour la veille du 20 et 21 avril 2020 [5]. 

Source :
[1] ADBS : Mettre en place un dispositif de veille. Consulté le 06/03/2020.
Disponible en ligne : https://www.adbs.fr/agenda/mettre-en-place-dispositif-de-286677



[2] Archimag : quel logiciel de veille choisir ? Publié le 20/01/2020. Consulté le 06/03/2020.

[4] Archimag. Quel agrégateur de flux RSS choisir pour automatiser sa veille en 2020. Publié le 27/02/2020. 
Consulté le 08/03/2020.
Disponible en ligne : https://www.archimag.com/veille-documentation/2020/02/27/agregateur-flux-rss-choisir-automatiser-veille-2020


[5] ADBS : formation "utiliser les réseaux sociaux pour la veille". Consulté le 06/03/2020.



mercredi 4 mars 2020

Le droit au déréférencement : Internet n'oublie rien?

Depuis son entrée en application le 25 mai 2018, le Règlement Général sur le Protection des Données (RGPD) est le texte de référence quant à la protection des données à caractère personnel. Son article 17 explicite notamment le concept de droit au déréférencement, lui-même déjà consacré par la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) en mai 2014 suite à l'affaire Google Spain, au titre de l'interprétation de la directive 95/46/CE d'octobre 1995. Malgré sa relative ancienneté, ce droit est apparemment encore sujet à questionnement puisque le Conseil d'Etat a publié treize décisions le concernant en décembre 2019. 

Un droit au déréférencement?

Contrairement au droit à l'effacement qui permet la suppression définitive des données personnelles collectées et stockées par un quelconque organisme, le droit au déréférencement permet à tout citoyen européen d'exiger qu'un moteur de recherche supprime les résultats de recherche associés à son nom et prénom. Comme le précise le Comité Européen de la Protection des Données, il ne s'agit donc pas de supprimer le contenu sur le site internet source - qui demeure accessible et visible via une autre requête - mais bien le lien qui mène à ce dernier [3].
Pour en bénéficier, il suffit de contacter le moteur de recherche en question (via un formulaire électronique ou un courrier), lui soumettre et motiver sa demande tout en indiquant l'URL concernée. Ce dernier aura alors un délai d'un mois pour examiner la demande et lui donner suite. En cas de refus, il est toujours possible de saisir la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL). Sans oublier que la violation de ce droit fait l'objet d'une sanction sous forme d'amende administrative [4] [5].

Quelles données sont concernées?

Si ce droit s'applique à toutes données à caractère personnel, la CJUE en distingue tout de même plusieurs types : celles ne relevant pas de catégorie particulière et celles relevant de données spécifiques soit tout ce qui est relatif aux origines raciales et/ou ethniques, les opinions politiques/ religieuses, l'orientation sexuelle, les données génétiques ou biométriques. 
La CJUE affirme que l'exploitant d'un moteur de recherche est responsable du référencement de ces données personnelles. Tout citoyen européen est donc en droit d'exiger à ce dernier d'effacer le lien qui mène à ces informations personnelles, dans le cadre de la protection et du respect de sa vie privée.  

Quelles sont les problématiques soulevées?

Si revendiquer ce droit est tout à fait légitime et légal, il n'est toutefois pas absolu. En effet, le moteur de recherche se garde le droit de le refuser s'il juge la demande abusive. Comment légitime-t'il ce refus? En invoquant un autre principe tout aussi fondamental de la liberté d'expression : le droit d'information des internautes.

Face à cette mise en balance complexe, le Conseil d'Etat s'est attaché à définir plus précisément les conditions relatives au déréférencement en proposant treize décisions [2], suivi de près par la CNIL qui étaye ces décisions dans un communiqué publié le 31 décembre 2019 [1]. Ce qu'il faut en retenir est que selon ces deux instances, il est absolument nécessaire de traiter chaque demande au cas par cas, en s'appuyant sur trois catégories de critères : les caractéristiques des données (leurs sensibilités), la personne concernée (sa fonction, sa notoriété publique) et les conditions d'accès. Le but étant de déterminer la pertinence et le potentiel impact de leur diffusion [6].

De même, la portée géographique de ce droit est elle aussi limitée. Dans un arrêt du 24 septembre 2019, la CJUE précise que le droit au déréférencement n'est applicable qu'au sein de l'Union Européenne, en mettant en place un géoblocage filtrant l'accès au contenu. Les moteurs de recherche ne suppriment donc pas l'intégralité des extensions (.com, .fr, .be, etc.) ce qui nuance fortement l'effectivité de ce "droit à l'oubli" [4].

En conclusion.

La protection des données à caractère personnel est bien un thème central et inhérent à l'apogée d'Internet et du "tout numérique". Le droit au déréférencement, allié au droit à l'effacement, qui ne sont pas (encore) des droits absolus en eux-mêmes, découlent de cette volonté de protection de la vie privée des citoyens européens. Force est de constater que les grands acteurs de ce monde numérique nient voire contestent ce droit à l'oubli - et à juste titre puisque les données personnelles sont devenues la nouvelle richesse de notre société, une partie intégrante du monde économique et mercantile.


[1] CNIL, 2019. Le droit au déréférencement en question. Cnil.fr [En ligne]. 31 décembre 2019. [Consulté le 5 janvier 2020]. Disponible à l'adresse : <https://www.cnil.fr/fr/le-droit-au-dereferencement-en-questions>

[2] Conseil d'Etat, 2019. Droit à l'oubli, le Conseil d'Etat donne le mode d'emploi. Conseil-etat.fr [En ligne]. 6 décembre 2019. [Consulté le 13 février 2020]. Disponible à l'adresse: <https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/droit-a-l-oubli-le-conseil-d-etat-donne-le-mode-d-emploi>

[3] CUVELLIEZ, Charles, QUISQUATER, Jean-Jacques, 2019. Plus de clarté (enfin) pour encadrer le droit à l'oubli sur Google. Latribune.fr. [En ligne]. 28 décembre 2019. [Consulté le 3 février 2020]. Disponible à l'adresse :<https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/plus-de-clarte-enfin-pour-encadrer-le-droit-a-l-oubli-sur-google-836160.html>

[4] DEVILLER, Nathalie, 2018. Le droit à l'effacement : ce que Google oublie de vous dire dans son rapport de transparence. Theconversation.com [En ligne]. 6 mars 2018. [Consulté le 25 février 2020]. Disponible à l'adresse :<http://theconversation.com/le-droit-a-leffacement-ce-que-google-oublie-de-vous-dire-dans-son-rapport-de-transparence-92908>

[5] NEUER, Laurence, 2019. Données personnelles : comment exercer son droir à l'oubli. Lepoint.fr [En ligne]. 14 juin 2019. [Consulté le 5 janvier 2020]. Disponible à l'adresse: <https://www.lepoint.fr/editos-du-point/laurence-neuer/donnees-personnelles-comment-exercer-son-droit-a-l-oubli-14-06-2019-2319031_56.php>

[6] SIMON-RAINAUD, Marion, 2020. Dans quelles conditions pouvez-vous faire valoir votre droit à l'oubli sur Internet? 01net.com [En ligne]. 3 janvier 2020. [Consulté le 3 février 2020]. Disponible à l'adresse: <https://www.01net.com/actualites/dans-quelles-conditions-pouvez-vous-faire-valoir-votre-droit-a-l-oubli-sur-internet-1834210.html#xtor=AL-123461>