samedi 22 décembre 2018

L’Open data en Europe : entre valeurs et engagements des pouvoirs publics

Le 12 décembre 2018 a été publié un décret relatif aux catégories de documents à caractère administratif pouvant être rendus publics(1), et sans que cela rende nécessaire une opération d'anonymisation de ces données. Cet énième acte du législateur semble parachever le dispositif de protection des données personnelles. Ce décret peut marquer la fin d'un cycle d'harmonisation européenne de réglementation du web 2.0 : il aura commencé en 2016, et le point d'orgue aura été l'entrée en vigueur du règlement européen relatif à la protection des données personnelles (ou RGPD) le 25 mai 2018. 

Comment expliquer l'open data ? Est-ce que la France suit une politique originale en la matière, à la différence de ses partenaires européens ? Et quelles sont les conséquences directes pour les pouvoirs publics ? 


1. Le mouvement Open Data et les données publiques : caractéristiques éthiques principales.


 On peut définir l'open data comme une volonté de porter à la connaissance du plus grand nombre des données spécifiques, et ce de façon gratuite et sans aucune contrepartie (2). Ces données se présentent sous la forme d'informations ayant un intérêt général. Pour être rendues publiques et être conformes à l'environnement légal, elles ne doivent comporter aucun élément discriminant. 

Le mouvement "Open data" porte des valeurs, notamment la transparence et la gratuité. Pour tenter de définir les données publiques éligibles à l'ouverture, on peut se reporter à la section I de la loi du 7 octobre 2016 pour une république numérique (3) :

  "Les administrations [...] sont tenues de communiquer dans le respect de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les documents administratifs qu'elles détiennent aux autres administrations mentionnées [...] qui en font la demande pour l'accomplissement de leurs missions de service public."
Comme il est écrit, le législateur précise les modalités de réutilisation des données publiques. Il est bien précisé que le motif invoqué pour toute exploitation est l'accomplissement d'une mission de service public. Peu après est mentionné le principe de gratuité :
"A compter du 1er janvier 2017, l'échange d'informations publiques entre les administrations de l'État [...] ne peut donner lieu au versement d'une redevance".
 L'open data est un des affluents du grand fleuve que les chercheurs, observateurs, et experts nomment le "big data" ; ce mouvement a fait l'objet d'un colloque en sciences de l'information organisé en 2015, et qui s'est tenu à Rabat (4). Paquets de données massives, programmes précurseurs, centres de données de plus en plus puissants : s'il y a une mondialisation des échanges, c'est aussi à ce niveau qu'on la mesure. Les actes de ce colloque livrent une analyse en profondeur des concepts de ces deux phénomènes contemporains : big data et open data, indissociables faces d'une même médaille.

Si échanger semble s'expliquer par un rattachement intrinsèque au capitalisme, et la gratuité à la notion de service public, les racines de la transparence semblent être ailleurs. La lointaine origine de cette lame de fond ne remonterait-elle pas plutôt à ce mois de juin 1972, lors duquel la société civile américaine a découvert le scandale du Watergate ?


 Si la loi Lemaire pour une République Numérique bénéficie des antécédents législatifs dans le domaine de la protection des données publiques, un des apports de cette loi réside peut-être dans l'élaboration d'une identité numérique (5). Si cette notion a pris corps grâce aux rédacteurs de la loi, est-ce que cette préoccupation est le propre du seul législateur français ?


2. Une exception française ? L'exigence d'open data et ses conséquences 


Est-ce que la France suit une politique originale ? En vérité, l'entrée en vigueur du Règlement européen relatif à la protection des données personnelles (RGPD) (6) a été l'occasion d'harmoniser  diverses politiques menées par les États depuis de nombreuses années. Si les pouvoirs publics de France ont décidé de créer la Commission nationale de l'informatique et des libertés (7), les Pays-Bas disposent aussi d'un organisme dont les missions et attributions recouvrent le même périmètre (8). L'Agentschap voor gegevensbescherming in Nederland aurait rendu un rapport récent relatif à la télémétrie de Microsoft Office (9), considéré comme contraire aux nouvelles dispositions.

La politique de protection des données peut être considérée comme la conséquence logique de cette mise à disposition d'informations au grand public. 

La France a-t-elle voulu montrer sa singularité en élaborant une loi adaptant le RGPD à son territoire le 20 juin 2018 ? D'une manière générale, les règlements européens sont appliqués à la lettre dans les différents états de l'Union, à la différence des directives. 

Il apparaît que cette diffusion des données publiques doit être contrôlée, car leur objet est un bien commun. Les appels à la transparence, à la gratuité, et au libre accès ont pour conséquence d'obliger les pouvoirs publics à afficher des contenus libres de droit. Par conséquent, les pouvoirs publics ont constitué une équipe interministérielle dont le rôle est de favoriser le partage des données des ministères et administrations dans un souci de meilleure évaluation des politiques publiques : c'est la mission d'ETALAB. La mise en production du site data.gouv.fr est l'aboutissement d'années d'efforts visant à construire une administration électronique. 

Ainsi, les pouvoirs publics accompagnent un mouvement de fond propre aux sociétés occidentales, et qui transforme leur pratiques, leurs formes, et leurs actions.  


Sources : 

(1) JOST, Clémence. Archives et open data : les catégories de documents pouvant être publiés sans anonymisation enfin fixées par décret, Archimag, [en ligne], 13/12/2018 [consulté le 22 décembre 2018]. Disponible sur https://www.archimag.com/univers-data/2018/12/13/archives-open-data-documents-publies-sans-anonymisation-decret.

(2) La Rédaction JDN. Open data : définition, traduction et synonymes,  Journal du Net [en ligne], 4 novembre 2018 [consulté le 22 décembre 2018]. Disponible sur https://www.journaldunet.fr/business/dictionnaire-du-marketing/1198329-open-data-definition-traduction-et-synonymes/.

(3) Loi n°2016-1321 pour une République numérique, 7 octobre 2016, titre premier, chapitre premier, section 1, article 1 [consulté le 22 décembre 2018]. Disponible en ligne sur légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2016/10/7/ECFI1524250L/jo/texte.

(4)  Big Data - Open Data : Quelles valeurs ? Quels enjeux ? Actes du colloque « Document numérique et société », Rabat, 2015. De Boeck Supérieur, « Information et stratégie », 2015, 282 pages [consulté le 22 décembre 2018]. ISBN : 9782807300316. Disponible sur : https://www.cairn.info/big-data-open-data-quelles-valeurs--9782807300316.htm

(5) BARDIN, Michaël. L’identité numérique et le droit : esquisse d’une conciliation difficile, Hermès, La Revue, 2018/1 (n° 80), p. 283-291 [consulté le 22 décembre 2018]. Disponible sur https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2018-1.htm-page-283.htm.

(6)Règlement européen (UE) 216/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et abrogeant la directive 95/46/CE [consulté le 22 décembre 2018]. Disponible sur Eur-Lex : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32016R0679.

(7) Plus connue sous son acronyme "CNIL", cette autorité administrative indépendante (AAI) est accessible en ligne : https://www.cnil.fr/.

(8) Organisme accessible sur : https://www.autoriteitpersoonsgegevens.nl/.

(9) CIMPANU, Catalin. Pays-Bas : la télémétrie de Microsoft Office enfreint le RGPD, Zdnet [en ligne], 15.11.2018 [consulté le 22 décembre 2018]. Disponible sur : https://www.zdnet.fr/actualites/pays-bas-la-telemetrie-de-microsoft-office-enfreint-le-rgpd-39876517.htm 



vendredi 21 décembre 2018

ISO 30401 : KM n'est plus seulement "nice to have"

Au début du mois de novembre est parue la norme sur les systèmes de management des connaissances ISO 30401:2018. Très attendue par les professionnels du KM, elle est un signe de maturité pour le domaine et lui apporte non seulement un cadre universel, mais également une légitimité accrue pour sa démarche. 

En France, le Club de Gestion des connaissances a été particulièrement impliqué dans la définition de la norme au sein du groupe de travail ISO, sa traduction en français et désormais sa promotion, avec notamment son fondateur, professeur à l'école de management de l’Institut à Mines-Télécom Jean-Louis Ermine, David Lamotte, Head of Knowledge Management chez IOSH, et Nicolas Dubuc, Fellow Michelin - Knowledge management & Technology Intelligence.

La gestion des connaissances ou Knowledge Management (KM) est une discipline qui s'est fortement développée dans les entreprises depuis les années 2000, d'abord dans des cabinets de conseil ou les secteurs comme ceux du nucléaire et du pétrole. Selon Gonzague Chastenet de Géry, directeur associé chez Ourouk et professeur au CNAM, "ce qui est frappant aujourd'hui, en 2018, c'est le regain d'intérêt de la part des PME travaillant dans l'ingénierie, le génie civil ou les services, cabinets d'avocats. Il y un vrai besoin, surtout dans des métiers où il faut tirer parti de l'expérience"

La norme ISO 30401 a justement pour finalité d'aider les organismes, indépendamment de leur type ou taille, à concevoir un système de management qui valorise et facilite la création de valeur grâce aux connaissances. Il s'agit ici d'une norme de système de management qui s'applique aux connaissances. Elle s'adresse notamment aux directions, aux knowledge managers, et à tous ceux qui doivent mettre en œuvre et entretenir le système de management des connaissances [1].
 
©Jack Moreh, Thinking and Learning in the Digital Age, Source : freerangestock

En une vingtaine de chapitres on retrouve une introduction, des définitions, le périmètre d'application et les fonctions qui composent le système de management. Les annexes définissent le champ du KM par rapport à d'autres métiers, ce qui permet d'assoir l'indépendance de la discipline. La question de l'importance du renforcement de la culture du management des connaissances dans l'organisme est également abordée [1].

Pour G. Chastenet de Géry, l'un des points les plus importants évoqués dans la norme est le leadership. En effet, le soutien de la direction est indispensable à la réussite d'une démarche KM. Toutefois, la beauté du KM et en même temps sa difficulté est liée au fait qu'il doit être une synergie entre deux mouvements top down et bottom up. Le KM c'est à la fois les remontées des pratiques du terrain et un pilotage par la Direction Générale. Il est important d'avoir une impulsion qui vienne d'en haut, mais ça ne suffit pas. D'ailleurs, cette dimension permet de définir la maturité de la culture du KM en entreprise. Elle est difficile à évaluer en se basant seulement sur la norme, qui prévient de ses propres limites en disant que chaque entreprise doit se construire sa propre démarche. Il faut aller plus loin que la norme.

Comme le souligne Nicolas Dubuc [1], cette norme est un cadre de travail que l'on peut percevoir comme une aide, ou une check-list dans laquelle tous les points nécessaires sont présents et lisibles. ISO 30401 s’adresse à tous et peut s'appliquer au rythme de chacun ; en effet, la mise en place d'une démarche KM peut s'avérer assez longue. Elle définit le quoi mais pas le comment, à savoir : qu'il faudra travailler tous ensemble. 
C'est précisément le but du KM Handbook mis au point par le Club de Gestion des connaissances ou de la formation du CNAM Gestion des connaissances, levier de transformation

Dans le contexte de l'automatisation grandissante des tâches répétitives et de l'essor de l'intelligence artificielle, le KM pourrait être davantage valorisé, car "les entreprises vont prendre conscience des limites de l’intelligence artificielle. Elles vont aussi redécouvrir que tout ce que l'intelligence artificielle ne peut pas faire, c'est le KM qui peut les aider à le faire", conclut G. Chastenet de Géry.


Je remercie M. G. Chastenet de Géry et M. D. Lamotte d'avoir répondu à mes sollicitations et de m'avoir communiqué les éléments qui m'ont permis de rédiger ce billet.


[1] ERMINE Jean-Louis, LAMOTTE David, DUBUC Nicolas, Replay : Avec la norme ISO 30401, mettez en place un système de management des connaissances, Afnor, 30/11/2018, disponible en ligne [https://www.youtube.com/watch?v=hKuD3vTt03E&feature=youtu.be] [Consulté le 20/12/2018].

lundi 17 décembre 2018

Les Français et leur smartphone : de la fusion à la "digital detox"

Alors que le Baromètre du numérique 2018 annonce que le smartphone est devenu l'outil le plus utilisé pour se connecter à Internet, de nombreuses études pointent du doigt les effets parfois délétères de l'ultra-connexion. Les Français eux-mêmes sont conscients de ce glissement insidieux qui transforme l'outil pratique en objet fusionnel, parfois au détriment de leurs capacités cognitives voire de leur vie intime. Réponse à ce phénomène : certains mènent des "digital detox" ou déconnexions volontaires afin de reprendre le contrôle sur les technologies... et sur leur quotidien. 

Le smartphone : l'outil de prédilection pour surfer sur Internet


Début décembre, le Baromètre du numérique 2018 a publié ses résultats. Cette étude annuelle menée par le CREDOC pour le compte de l'Arcep, du Conseil Général de l'Économie et de la Mission Société numérique fait le point sur les usages des Français en matière de TIC [1]. D'après Mounir Mahjoubi, Secrétaire d'État au numérique, il s'agit de "[prendre] le pouls de notre société face aux évolutions technologiques"[2].

Parmi les grands enseignements de l'étude, le fait que le smartphone est devenu l'outil de prédilection des Français pour surfer. 46% de la population préfère l'utiliser pour se connecter à Internet : c'est 4 points de plus par rapport à 2017 et c'est davantage que l'ordinateur qui n'est préféré que par 35% des répondants.

Cette évolution des usages s'explique en partie par une meilleure couverture du réseau 4G : 61% des détenteurs de téléphone portable l'utilisent en 2018 alors qu'ils étaient seulement 42% en 2016.

Photo libre de droit

Dans le même temps, les Français estiment qu'ils passent trop de temps sur leur téléphone


L'hebdomadaire Télérama a récemment réalisé un dossier au titre provocateur : "L'abus de smartphone rend-il idiot ?". Le magazine y évoque notamment, sur la base de données Ifop, que 42% des utilisateurs de smartphone se sentent "dépendants" de cet objet. Sentiment qui illustre ce que les anglo-saxons appellent le FOMO (Fear or Missing Out) ou, autrement, la peur de rater quelque chose [3]. 

Cette peur entraîne une consultation répétée de nos écrans : d'après une récente étude du cabinet Deloitte, les Français consultent leur téléphone en moyenne 26 fois dans la journée. C'est encore plus chez les 18-24 ans avec 50 consultations par jour en moyenne [4].

Cette consultation réflexe de nos écrans n'est pas neutre pour nos capacités cognitives. D'après l'endocrinologue américain Robert Lustig, nous mettons en moyenne 23 minutes après avoir consulté notre smartphone pour être de nouveau concentré à notre tâche [3]. En consultant à répétition nos écrans, nous finissons par ne plus être totalement présents à notre activité.

L'Observatoire Bouygues Télécom 2018 confirme cette déconnexion difficile y compris dans notre vie privée : 42% des répondants restent connectés en présence de leurs amis (69% chez les 15-25 ans) et 26% le restent même pendant les repas de famille (41% chez les 15-25 ans) [5].

Pourtant, même non-utilisé, la simple présence sur la table d'un téléphone altère la qualité d'une discussion, et en particulier de la capacité d'empathie. Un phénomène que les chercheurs surnomment le "iPhone effect" [6].

Photo libre de droit


Se déconnecter volontairement ou la "digital detox"


Pour se protéger du caractère invasif des nouvelles technologies voire se préserver de leurs propres mauvaises habitudes, de plus en plus d'individus entament une "digital detox". Le but est de se déconnecter volontairement afin de reprendre le contrôle.

Le projet Devotic (ou Déconnexion volontaire aux TIC), animé par le sociologue Francis Jaureguiberry, a enquêté auprès des populations les plus exposées à une utilisation intensive des TIC. Il explique : "Si ces technologies sont en effet synonymes d'immédiateté, de sécurité, d'ouverture et d'évasion, elles le sont aussi d'informations non désirées, d'appels intempestifs, de surcharge de travail, de confusion entre urgence et importance, de nouvelles addictions, de contrôles et de surveillance non autorisés" [7].

L'étude a révélé que cette déconnexion est rarement totale (elle peut en effet être difficile à mettre en oeuvre dans un cadre professionnel) et très souvent temporaire, mais elle permet d'avoir un usage plus conscient et raisonné des outils de communication et donc moins subi

D'après Francis Jaureguiberry, cette déconnexion est "parfaitement révélatrice de la figure de l'homme hypermoderne qui ne se contente pas du sens du mouvement moderne mais l'interroge au contraire par une réflexivité accrue sur ses choix". 


Sources :


[1] Arcep, Conseil Général de l'Économie, de l'Industrie, de l'Énergie et des Technologies, Mission Société numérique. Baromètre du numérique 2018 [Infographie en ligne]. 03 décembre 2018 [consulté le 17 décembre 1986] 

[2] Sécrétariat d'État au numérique. Baromètre du numérique 2018 [Dossier de presse en ligne]. 03 décembre 2018 [consulté le 17 décembre 1986] 

[3] Télérama : L'abus de smartphone rend-t-il idiot ? N°3594 du 1er au 07 décembre 2018. 

[4] Deloitte. Usages mobiles [Étude en ligne]. 2016 [consulté le 17 décembre 1986] 

[5] Bouygues Telecom. Observatoire Bouygues Telecom des pratiques numériques des Français. 1ère édition, février 2018 [consulté le 17 décembre 1986] 

[6] MISRA Shalini, CHENG Lulu, GENEVIE Jamie, YUAN Miao. The iPhone effect : the quality of in-person social interactions in the presence of mobile devices. Environment and behavior. 1er juillet 2014 [consulté le 17 décembre 1986]

[7] JAUREGUIBERRY Francis. Déconnexion volontaire aux technologies de l'information et de la communication. 7 janvier 2014 [consulté le 17 décembre 1986] 

Proposition de réforme du droit d'auteur dans l'Union européenne : Google Actualités réagit

Les députés européens ont validé, le 12 septembre dernier, une proposition de réforme du droit d'auteur dans l'Union européenne. Celle-ci prévoit des droits aux éditeurs de publications de presse pour l'utilisation numérique de leurs publications de presse. La direction de Google Actualités, inquiète, réagit en menaçant de fermer son service.

Le parlement européen a proposé une directive afin de réformer le droit d'auteur au sein de l'Union européenne, afin de l'adapter aux usages numériques [3]. Mais l'article 11 suscite des débats : il prévoit de taxer l'utilisation de liens sortants vers les médias et sites de presse. Dans un premier temps, cet article avait été rejeté [5], pour finalement être approuvé le 12 septembre 2018. Cela inquiète la direction de Google Actualités. Richard Gingras, vice-président de Google attaché aux médias, souhaite que ce texte soit modifié [2], sans quoi le service Google Actualités pourrait être fermé.

Il existe un précédent. En 2014, l'Espagne avait adopté une loi similaire prévoyant de taxer les clics sur les liens hypertexte. Immédiatement, le service Google Actualités avait répondu en déréférençant tous les articles de la presse espagnole. [1][2][4]

D'une part, les services d'agrégation de contenus comme Google Actualités référencent les articles des sites de presse sans leur accorder de contrepartie financière. Les éditeurs de presse leur reprochent d’avoir absorbé une grande partie des recettes publicitaires qui servaient auparavant à soutenir les journaux imprimés. [2]

D'autre part, Google Actualités n'utilise pas directement le contenu créé par les médias en ligne : via les liens, il redirige l'audience vers les sites de presse. Ces derniers bénéficient donc de ce lectorat que Google Actualités leur envoie, ce qui peut contribuer à augmenter leurs revenus numériques. [2] Google Actualités ne fait pas payer les sites de presse pour cela. [1] Enfin, les associations de défense des libertés numériques dénoncent une "taxe sur les liens", considérant que cela remettrait en cause un principe fondamental du partage sur internet. [1][4]

La décision finale sera prise en janvier 2019 avec le vote (approbation ou rejet) de la directive. [5]

 Sources :

[1] DIDIER, Hervé. Google Actualités pourrait fermer en Europe, 20 novembre 2018. [en ligne]. [Consulté le 17 décembre 2018]. Disponible à l’adresse :
https://www.commentcamarche.net/news/5872067-google-actualites-pourrait-fermer-en-europe?een=f99b00cd810e8a13a72c4ed090fd4210&seen=2&utm_source=greenarrow&utm_medium=mail&utm_campaign=ml146_findegoogleactu

[2] WATERSON, Jim. Google News may shut over EU plans to charge tax for links | Technology | The Guardian, 18 novembre 2018. [en ligne]. [Consulté le 17 décembre 2018]. Disponible à l’adresse :
https://www.theguardian.com/technology/2018/nov/18/google-news-may-shut-over-eu-plans-to-charge-tax-for-links

[3] Proposition de Directive du parlement Européen et du Conseil sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, 14 septembre 2016. [en ligne]. [Consulté le 17 décembre 2018]. Disponible à l’adresse :
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52016PC0593&from=EN

[4] RICHIR, Camille. Le Parlement européen valide la directive sur le copyright. Fin des débats??, 12 septembre 2018. Toute l’Europe.eu [en ligne]. [Consulté le 17 décembre 2018]. Disponible à l’adresse :
https://www.touteleurope.eu/actualite/le-parlement-europeen-valide-la-directive-sur-le-copyright-fin-des-debats.html
Alors qu’ils l’avaient écartée le 5 juillet dernier, les députés européens ont adopté ce mercredi 12 septembre la proposition de réforme du droit d’auteur dans l’Union européenne. Les défenseurs d’un internet libre et ouvert s’écharpent depuis deux ans sur ce texte avec les partisans d’une plus...

[5] VINCENT, James. EU approves controversial Copyright Directive, including internet ‘link tax’ and ‘upload filter’. The Verge [en ligne]. 12 septembre 2018. [Consulté le 17 décembre 2018]. Disponible à l’adresse :
https://www.theverge.com/2018/9/12/17849868/eu-internet-copyright-reform-article-11-13-approved
Those in favor say they’re fighting for content creators, but critics say the new laws will be ‘catastrophic’

vendredi 7 décembre 2018

Sommet des GovTech à Paris : les startups au service de l'action publique

C'est dans les salons de La Ville de Paris que s'est tenu pour la première fois le 12 novembre 2018, le Sommet des GovTech [1] qui a  rassemblé des dirigeants politiques, des ministres européens, des maires de grandes villes, des innovateurs venus de tout le continent, des agents publics, des entreprises et des universitaires. L'objectif : imaginer le gouvernement technologique de demain.


Soutenu par le président Emmanuel Macron, la maire de Paris Anne Hidalgo et la Commission européenne, le Sommet des GovTech accueillera des intervenants de toute l’Europe. L’ambition première de cette journée était de réinventer les services publics grâce à l’innovation technologique tout en relavant le défi de replacer les citoyens au centre de la décision publique. Une aubaine pour les acteurs des Civic Tech largement représentés tout au long de la journée, qui en ont profité pour signer une charte d’alliance intitulée « Initiative pour une démocratie durable ».

Selon BPI France [2], partenaire de ce sommet, la définition de la GovTech est en constitution, il existe peu de startups qui se définissent par essence comme GovTech (« B2G »). Cependant, une startup est « GovTech » dès lors qu’elle travaille pour le secteur public. En fait, beaucoup de startups font de la GovTech sans le savoir !

La GovTech rassemble de nombreuses startups et entrepreneurs avec différentes technologies – à l’image des nombreux secteurs que recouvre le déploiement de l’action publique : de la mobilité à la santé, la sécurité, le développement international, l'e-gov, l’engagement civique et citoyen... [3]

CivicTech et GovTech  reposent sur de nouvelles approches des technologies de l'information qui font converger le numérique, l’innovation, le gouvernement et le citoyen. Ces 2 démarches sont caractérisées par des projets numériques au service d'une action publique accessible et transparente, et une implication citoyenne.

Sources :

[1] LE SOMMET DES GOVTECH.<https://govtechsummit.eu/>[Consulté le 5 décembre 2018]

[2] BPI-FRANCE <https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Evenements/Sommet-des-GovTech-inscrivez-vous-!-42555> [Consulté le 5 décembre 2018]

[3] Brigitte Menguy. Les Civic Tech, invitées d’honneur au sommet 2018 des Gov Tech. La Gazette.fr 12 novembre 2011. <https://www.lagazettedescommunes.com/591120/les-civic-tech-invitees-dhonneur-au-sommet-2018-des-govtech/>
[Consulté le 5 décembre 2018]

jeudi 6 décembre 2018

L'avenir du monde est-il numérique ?


corporate data quality
La deuxième édition de la "semaine de l'emploi et du numérique" organisée par la maison Lyon pour l'emploi s'est déroulée à Lyon du 26 novembre au 7 décembre 2018.[1]. Tous les publics étaient présent à l'immense enjeu actuel du numérique. Ce dernier agit sur tous les secteurs et affecte l'évolution de très nombreux métiers. l'enjeu n'est pas seulement d'ordre technologique mais plutôt d'ordre sociologique. Il concerne les hommes, les organisations, leurs habitudes, leurs leurs modes de fonctionnement et toutes les pratiques managériales.


Quant aux champions du numérique, c'est-à-dire les entreprises qui en ont fait leur vecteur de croissance et de création de valeur par excellence, ils restent peu nombreux. Même certains secteurs comme l'industrie pharmaceutique font pâle figure [2]. De la DRH à la finance en passant par la gestion de projet ou le marketing, le numérique nous oblige à transformer nos modes de travail, nos modes de penser et nos pratiques quotidiennes.

Ce n'est certes pas une mode annoncée. Le numérique, le web 2.0, mais aussi les plateformes sociales qui vont avec, non seulement tout cela va perdurer, mais ces technologies sont devenues des locomotives des affaires[3]. Elles vont elles-mêmes continuer à se renouveler ! Et donc, une fois terminée, la transformation numérique ou sociale d'un modèle d'affaires, celle-ci peut très vite devenir caduque et nécessiter le lancement d'une nouvelle transformation, ce qui est particulièrement exigeant et éprouvant pour les dirigeants d'entreprise.

La transformation numérique d'une entreprise est avant tout synonyme d'une nouvelle culture et d'une nouvelle façon de travailler remettant en cause le modèle économique classique, ses chaînes de valeur, ses process, ses métiers, ses modes de collaboration, son mode de gestion humaine. Autant dire que cette  révolution signe la fin de la culture du silo, pour faire place à l'open innovation.

Si la transformation numérique des entreprises représente au départ un investissement financier, organisationnel et technique important, elle est véritablement l'un des leviers de leur future croissance[4]. La synergie entre le ON et le OFF Line débouche rapidement sur des économies, ainsi que des gains de croissance et de compétitivité, donc sur un retour, sur un investissement et un gain de part de marché. 

Toutefois, cette transformation n'est pas à prendre à la légère. elle doit assurer la protection des données et prévenir les risques aux quotidiens.


Sources :

1. HABERER, Tony "Semaine de l'emploi et du numérique : permettre aux différents publics d'accrocher le wagon indispensable du digital". 10 décembre 2018. Lyon Entreprise. [en ligne]. Consulté en ligne le 12 décembre 2018. Disponible sur ce lien : http://www.lyon-entreprises.com/News/L-article-du-jour-/Semaine-de-l-emploi-et-du-numerique-permettre-aux-differents-publics-d-accrocher-le-wagon-indispensable-du-digital-i87654.html

2. Dussart Christian, « Transformation numérique des entreprises : faites-en votre priorité ! », Gestion, 2017/2 (Vol. 42), p. 86-89. DOI : 10.3917/riges.422.0086. URL : https://www.cairn.info/revue-gestion-2017-2.htm-page-86.htm

3. Dussart Christian, « Modèles d’affaires : transformation numérique en vue », Gestion, 2015/1 (Vol. 40), p. 79-84. DOI : 10.3917/riges.401.0079. URL : https://www.cairn.info/revue-gestion-2015-1.htm-page-79.htm 
  
4. Bpifrance, "La transformation numérique au cœur de l'entreprise". Culture Data (blog), 13 juin 2016.[en ligne]. consulté le 12 décembre 2018. Disponible à l'adresse: https://culture-data.cartegie.com/innovation/la-transformation-numerique-comme-levier-de-croissance-et-de-competitivite


Serious Game : les archives en jeu


Alors que les jeux vidéos et autres jeux en ligne font aujourd'hui partie intégrante du quotidien des adolescents, de nouvelles formes de transmission et d'apprentissage font leur apparition. Les serious games, ces jeux dits "sérieux," sont de plus en plus prisés dans la mise en place de projets pédagogiques, et se nourrissent désormais des archives.

En novembre dernier, dans le cadre du centenaire de l'armistice de la Première Guerre mondiale, plusieurs projets faisant la part belle aux nouvelles technologies ont vu le jour. "Ne m'oubliez pas",un jeu numérique à destination d'adolescents de 13 à 15 ans [1], a été mis en place par les Archives départementales du Val d'Oise. Le principe ? Le joueur, plongé au temps de la Grande Guerre, revêt le costume d'un maire chargé d'ériger un monument aux morts peu après l'issue du conflit [2]. De démarches administratives diverses en quizz faisant appel à leurs connaissances, c'est le fonds même des archives du département qui est mis à profit. Comme c'est le cas également dans les Hauts-de-Seine, avec "Gueule d'Ange" [3], un projet similaire remis en ligne pour ce même anniversaire et qui découle des opérations de Grandes Collectes mises en place en 2014, au cours desquelles les particuliers pouvaient faire don de documents ou autres objets qu'ils avaient hérités de cette période.

Si l'apparition des serious games n'est pas nouvelle - le terme ayant fait son apparition aux Etats-Unis au début des années 2000 [4] -, le phénomène n'a cessé de se développer. Désormais outil pédagogique, les enseignants, comptant sur son aspect ludique et le caractère familier des jeux vidéos auxquels sont accoutumés leurs élèves, s'en emparent pour susciter leur engouement en histoire ou en littérature. En outre, le fait que des centres d'archives s'engouffrent dans cette même brèche démontre aussi de l'ampleur du phénomène et permet de faire évoluer l'image que le grand public peut se faire de l'utilité d'un fonds d'archives documentaires.

Le tout numérique, parfois décrié, prend alors tout son sens. Mêlant l'apprentissage des notions élémentaires issues de l'enseignement, aux activités et objets du quotidiens tant prisés des plus jeunes, le recours à ce type de support nous permet d'imaginer que la collecte d'archives en tout genre a  encore de beaux jours devant elle.


[1] PONLEVE, Pierre. Les archives départementales du Val d'Oise lancent leur premier jeu numérique. Archimag. 23/07/2018 Disponible en ligne [consulté le 5 décembre 2018]

[2] Archives départementales - Val d'Oise le département. "Jeu numérique - Ne m'oubliez pas". [consulté le 5 décembre 2018] 

[3] DAMECOUR, Anne-Sophie. Haut-de-Seine - Yvelines : Gueule d'Ange, soldat fictif et héros d'un jeu interactif. Le Parisien. 01/11/2018 Disponible en ligne [consulté le 5 décembre 2018]

[4] MAUCO, Olivier. Les serious game, un objet en construction. Ina Global. 05/01/2011. Mise à jour 24/03/2017. Disponible en ligne [consulté le 5 décembre 2018]

lundi 3 décembre 2018

Comment la blockchain peut-elle s’inviter dans le quotidien d'un professionnel de l'information ?

S’il est aujourd’hui courant d’entendre parler de bitcoin ou de crypto-monnaie, il est déjà plus rare de comprendre ce qu’est la blockchain et les applications possibles grâce à cette technologie. Dans ce billet, je vais vous présenter une explication simple et récente réalisée par Archimag ainsi qu'un petit tour des  actualités que cette technologie offre aux professionnels de l'information.



Pour les initiés, la blockchain est devenue un sujet majeur et identifiée comme l’une des technologies les plus porteuses de valeur pour les quelques années à venir.(1) Archimag vous propose ici une courte vidéo(2) de 4mn pour vous initier au sujet :



Lorsque la blockchain n’a plus de secret pour vous, il vous reste à savoir en quoi cette technologie pourrait concrètement vous rendre service.

1 - Le vote en ligne, sécurisé et anonyme !

Pour commencer, la Thaïlande ouvre la voie avec la mise en place d’un système de vote en ligne. Les « tiers de confiance », habituellement représentés par les bureaux de vote et l’institution, sont ici remplacés par la technologie inhérente à la blockchain. Le travail de cryptographie pour rendre le vote anonyme et unique est quant à lui supporté par le travail de « mineurs » rémunérés par une monnaie virtuelle appelée ZCoin (XZC).(3)


2 - Le dossier Médical Personnel (DMP)

Alors, avant toute chose, il est important de clarifier que le projet « DMP » français dans son état actuel, n’est pas supporté par la blockchain.(4) Les données médicales sont supportées par un réseau traditionnel centralisé ou « client-serveur »(5). Mais certains se posent déjà la question sur son exploitation et sa sécurisation par la blockchain. La start-up Embleema y travaille et teste cette transposition aux Etats-Unis sur un groupe de personnes. Son idée, permettre un recueil et un accès sécurisés à l’ensemble de ses données médicales et monétiser ses propres données rendues anonymes en les mettant à disposition d’équipes de chercheurs du monde entier.(6)

3 - La blockChain peut-elle vous sauver la vie ?

C’est ce qu’espère Sajida Zouarhi, la co-fondatrice du projet Kidner avec comme projet de permettre l’accès à une base de donneurs et de receveurs de reins sur un réseau décentralisé supporté par la blockchain. Un petit podcast à écouter de 7mn pour en savoir plus.(7)




Enfin, Archimag vous propose 8 exemples concrets dans une vidéo de 6mn.(8)



Sources :

1. livre-blanc-innovation-technologies-revolution-digitale-syntec-numerique.pdf [en ligne]. [Consulté le 29 novembre 2018]. Disponible à l’adresse : <https://syntec-numerique.fr/sites/default/files/Documents/livre-blanc-innovation-technologies-revolution-digitale-syntec-numerique.PDF>

2. La blockchain pour les nuls. Archimag [en ligne]. [Consulté le 29 novembre 2018]. Disponible à l’adresse : <https://www.archimag.com/demat-cloud/2018/10/22/blockchain-pour-nuls>

3. PIERRE PONLEVÉ. La blockchain se mêle des élections en Thaïlande. Archimag [en ligne]. [Consulté le 29 novembre 2018]. Disponible à l’adresse : <https://www.archimag.com/vie-numerique/2018/11/19/la-blockchain-se-mele-aux-elections-en-thailande>

4. DMP. CONDITIONS GENERALES D’UTILISATION DU SERVICE DMP POUR LES BENEFICIAIRES DE L’ASSURANCE MALADIE. mondmp1.dmp.gouv.fr [en ligne]. [Consulté le 30 novembre 2018]. Disponible à l’adresse : <https://mondmp1.dmp.gouv.fr/conditionsutilisation>

5. Client–serveur. Wikipédia [en ligne]. 2018. [Consulté le 30 novembre 2018]. Disponible à l’adresse : <https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Client%E2%80%93serveur&oldid=153620379 > Page Version ID: 153620379

6. RM/AB. La start-up Embleema met la blockchain au service du partage de données de santé. ticsante.com [en ligne]. [Consulté le 30 novembre 2018]. Disponible à l’adresse : <https://www.ticsante.com/la-start-up-Embleema-met-la-blockchain-au-service-du-partage-de-donnees-de-sante-NS_4177.html>

7. Reportage «  blockchain et don d’organes : projet Kidner » avec Sajida Zouarhi [en ligne]. [Consulté le 30 novembre 2018]. Disponible à l’adresse : <https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-methode-scientifique-mercredi-24-janvier-2018>

8. Comment utiliser la blockchain en 8 exemples concrets. Archimag [en ligne]. [Consulté le 29 novembre 2018]. Disponible à l’adresse : <https://www.archimag.com/demat-cloud/2018/10/29/comment-utiliser-blockchain-8-exemples-concrets>