mardi 28 mars 2017

Intelligence artificielle : des premiers pas vers l’apprentissage continuel sur la base du souvenir



Du souvenir naît l'apprentissage ; l'apprentissage se base sur la mémoire ; la mémoire se sert de l'intelligence...

L'intelligence (dont l'étymologie vient du latin inter- ("entre"), et du radical legere ("choisir, cueillir") ou ligare ("lier"), se définit comme l’ensemble des processus de pensée qui, grâce aux capacités mentales et cognitives d'un être vivant, lui permettent de résoudre un problème, de s'adapter à différents environnements connus ou inconnus, d'apprendre, de comprendre et d’interpréter. Elle est l'aptitude à lier des éléments entre eux, à faire preuve de logique, de raisonnement déductif et inductif. 

La mémoire est la propriété, la fonction qui permet de conserver et de faire revenir à l'esprit, de restituer des informations, de prendre conscience d’une connaissance, d’une trace d'un savoir, d’une expérience acquise antérieurement, d’une restitution du passé.

Il n'est pas une mémoire mais des mémoires. La mémoire à court terme et la mémoire à long terme.

La mémoire à court terme, que les scientifiques appellent la "mémoire de travail", c'est la mémoire de l'instantané, du fugace (celle que l'on nomme familièrement "du poisson rouge"). Sans elle aucun travail ne serait possible.

La mémoire à long terme se décompose en deux familles et cinq sous familles. La somme des connaissances prend sa source dans la mémoire sémantique et le souvenir trouve son appartenance dans la mémoire autobiographique.

Communément, le souvenir est la faculté qu'a l'esprit de fixer, de conserver et de se rappeler des idées, des connaissances acquises, des événements, des images, des sensations, des souvenirs. C’est une imprégnation. Ce terme vient du latin subvenire ("se présenter (à la mémoire), venir au secours"). C’est conserver la trace de quelqu'un, de quelque chose, de la notion des objets qui ont produit des sensations, d’un instant dans la mémoire, et se le rappeler. Le souvenir est une trace immatérielles des choses des sensations, du vécu. C’est, comme le définit le petit Larousse : "la survivance, dans la mémoire, d'une sensation, d'une impression, d'une idée, d'un événement passés" : c’est la faculté de se rappeler, de se remémorer.

L’I.A. est un dispositif capable d'enregistrer, de conserver et de restituer des données afin d’effectuer des actions spécialisées. Elle se base sur la mémoire artificielle, et est elle-même, à l’origine, destinée à aider la mémoire naturelle.

L'intelligence artificielle se remémore

DeepMind, start-up rachetée par Google, en association avec une université londonienne, a développé un algorithme qui permet à une I.A. de se doter d'une forme de mémoire fondée sur le souvenir en capitalisant les connaissances précédentes pour y puiser des solutions au lieu d’oublier et de recommencer à zéro. Avant hyper spécialisée et mono-tâche, l’I.A. devient capable d’appliquer des modus operandi issus de sa propre expérience pour résoudre des problèmes variés et d’origines diverses pour ne pas dire hétéroclites. Celle-ci, en test sur des jeux, montre sa capacité à capitaliser l’expérience acquise pour résoudre de nouveaux problèmes auxquels elle n’a jamais été confrontée. 

Cette nouvelle capacité d’apprendre "en continu" basée sur la consolidation synaptique (le processus d’apprentissage du système neuronal humain) est une percée majeure sur la voie d’une intelligence artificielle "forte".

Pour le scientifique James Kirkpatrick en charge du projet, l’algorithme présente quelques lacunes et demeure pour le moment moins performant qu’une I.A. dédiée à un usage unique mais démontre que l’apprentissage séquentiel sera une voie pour améliorer l’apprentissage par l’I.A. du monde réel.


Sources :

Jean-Claude Ameisen - La mémoire ou le temps incorporé, [en ligne]. Conférence du 14 mars 2017. Cycle de conférences intitulées "Les battements du temps", Rencontres transdisciplinaires du Centre d’études du vivant – Institut des Humanités de Paris. Publié le : 23/03/2017, [consulté le 27/03/2017].
<http://media.visio.univ-paris-diderot.fr/video/Buffon/battements/Battements_du_temps_14_mars_2017.mp4>

Enabling Continual Learning in Neural Networks, [en ligne]. DeepMind Technologies Limited. Publié le : 15/03/2017, [consulté le 27/03/2017].

Deepmind's Artificial Intelligence that can learn like humans do: sequentially and use it again, [en ligne]. Info Legacy, Youtube.  Publié le : 15/03/2017, [consulté le 27/03/2017].

lundi 27 mars 2017

Entre gestion de l'information et gestion des connaissances : la perception du Knowledge Management par les bibliothécaires

IFLA WLIC 2014, session 41 Knowledge Management (G. Gast / Flickr)
La gestion des connaissances - ou Knowledge Management (KM) - en bibliothèque est assez rarement évoquée par les revues professionnelles de l'hexagone. A l'étranger, elle suscite pourtant nombre de travaux depuis plusieurs décennies, en particulier des enquêtes. Si celles-ci se réduisent trop souvent à l'analyse de quelques dizaines de questionnaires, tel n'est pas le cas de l'étude sur la perception du KM dans les bibliothèques universitaires grecques, menée par Maria Koloniari et Kostas Fassoulis auprès de 318 agents, et publiée ce mois-ci dans le Journal of academic librarianship (1). Un des intérêts de cette enquête est qu'elle reprend des questions posées lors d'investigations antérieures par d'autres chercheurs, au premier rang desquels Maryam Sarrafzadeh, dont la thèse analysait en 2008 les réponses de 371 professionnels de l'information, bibliothécaires dans leur majorité et presque tous originaires des pays anglo-saxons (2). 

Une vision positive du KM

Globalement, c'est un jugement très favorable qui semble ressortir des questionnaires. 
Dans les deux enquêtes, une confortable majorité de répondants refusent de réduire le KM à un phénomène de mode. Ils sont encore plus nombreux à récuser la proposition selon laquelle les professionnels des sciences de l'information et des bibliothèques devraient ignorer la gestion des connaissances et se concentrer sur leurs compétences propres. A plus de 80 %, ils considèrent que le KM, loin de constituer une menace pour leur statut et leur avenir, est une invitation à acquérir de nouvelles compétences et peut offrir de nouvelles opportunités de carrière. Une écrasante majorité estime enfin que la gestion des connaissances augmente la valeur des services proposés par les bibliothèques, ainsi que leur utilité aux yeux des tutelles et des usagers. 

Gestion des connaissances ou de l'information ?

Les choses se compliquent quand on aborde la question des différences entre la gestion de l'information et celle des connaissances.
Maria Koloniari et Kostas Passoulis, comme Maryam Sarrafzadeh avant eux, notent une certaine confusion entre les deux notions. Une majorité de bibliothécaires pensent en réalité qu'ils ont toujours fait du KM sans le savoir. Ils ont du mal à appréhender, par rapport à la gestion de l'information, les spécificités du Knowledge Management, telles que l'importance donnée au facteur humain, à la création et au partage des connaissances, que celles-ci soient explicites ou tacites. La majorité des répondants rejettent en outre l'aspect managérial du KM, préférant y voir un prolongement d'activités bibliothéconomiques mieux connues. 

De la théorie à la pratique

Bibliothécaires anglo-saxons et grecs désignent les services de référence comme le domaine d'application du KM le plus prometteur. En cela, ils rejoignent les conclusions de plusieurs chercheurs en bibliothéconomie, qui soulignent l'impossibilité pour les professionnels de mémoriser l'intégralité des ressources susceptibles d'être mobilisées pour répondre aux usagers. Après le renseignement, c'est la prise de décision qui est repérée comme un champ d'application possible du Knowledge Management. 
Reste que seulement 17 % des répondants grecs arrivent à citer un projet KM réellement mené en bibliothèque. Sont principalement évoqués des chantiers utilisant les TIC pour améliorer l'accès à des ressources internes ou externes (création d'archives institutionnelles, développement d'intranets ou de wikis, mise en place de services de référence virtuels...). Les bibliothécaires tendent à réduire le KM à la gestion de connaissances explicites par la technologie ; ils sont peu sensibles à l'implicite (les bases de connaissances informelles sont citées par 9 %, et les communautés de pratiques par 2,5 % seulement des répondants). 

Les professionnels interrogés ont donc une perception positive du Knowledge Management et en maîtrisent déjà certains aspects fondamentaux, comme les TIC. Mais pour pouvoir initier de véritables projets KM en bibliothèque, la majorité d'entre eux devront au préalable clarifier et élargir leur compréhension du sujet, et acquérir de nouvelles compétences, notamment managériales. 

SOURCES :

(1) KOLONIARI, Maria, FASSOULIS, Kostas. Knowledge Management perceptions in academic libraries. Journal of academic librarianship, 43-2 (2017), p. 135-142, ISSN 0099-1333
<http://dx.doi.org/10.1016/j.acalib.2016.11.006>

(2) SARRAFZADEH, Maryam. The implications of knowledge management for the library and information professions [en ligne]. Th. Doct. Phil., School of business information technology, RMIT University, 2008. 266 p. [consulté le 27 mars 2017]
<http://researchbank.rmit.edu.au/view/rmit:13384/Sarrafzadeh.pdf>


lundi 20 mars 2017

Les dérives de l'information médiatique



L’Observatoire de la déontologie de l’Information  a pour objet de contribuer à la prise de conscience de l’importance de la déontologie dans la collecte, la mise en forme et la diffusion de l’information au public. L’OIT vient tout juste de rendre public son rapport 2016. 

Les grands constats cernent les difficultés qu’il y a à traiter l’information dans un contexte de répression ou les prises de paroles sont bridées. Mais ils ne font pas l’impasse sur les contraintes liées au nouveau modèle économique de la presse induit par le passage au digital qui se traduit par une convergence des média. Que l’on ajoute à cela la confiscation des revenus publicitaires par les grands acteurs du numérique et l’on se fait une idée de de la difficulté à ne pas soumettre les choix informationnels à des contraintes extérieures à celles définies par la déontologie, alors même que des groupes de presse sont repris par des industriels et des financiers.

« Rien n’est simple constatait » Sempé il y a plus de 40 ans. Et « tout se complique » ajoutait-il un peu plus tard.

Et en effet l’information déjà malmenée par le contexte économique et politique se voit encore rudoyée par ceux même qui devrait la protéger. Le fait ne se sépare plus nettement du commentaire, souligne le rapport de l’ODI, et la rigueur fait de plus en plus défaut mêlant informations et prise de position ainsi que des citations tronquées destinées à servir une démonstration. Interprétations hâtives et abus de langage sont aussi convoqués. Comment s’étonner que le baromètre Kantar/La Croix ainsi que le « trust Barometer » produit par l’agence Edelman, traduisent d’année en année un peu plus de défiance du public avec une soudaine accélération ? C’est qu’il faut compter aussi avec les nouveaux acteurs de l’information que sont les réseaux sociaux, qui, forts de l’absence de déontologie et de contraintes, produisent nombre de contrevérités ou de fausses informations à une vitesse que les journalistes se sont mis en tête de calquer. Hors, Hannah Arendt disait « quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat  n’est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien ».

Que faire pour corriger cet état ?

C’est là que la solution blesse : en effet les médias professionnels se sont engagés ainsi que des ensembles collaboratifs dans des démarches de « vérification des faits ». Hors la vérification des faits n’est pas neutre. La production des faits ou des données ne l’est pas plus. Et le « fact cheking », cherchant à ne plus être débordé par les « vérités alternatives » perdure ainsi dans un rôle de prescripteur d’opinion, explique Frédéric Nordon sur le blog du Monde.

Ainsi, il ne faudrait pas que les journalistes se considèrent comme de simple relais de données, de faits dûment vérifiés alors qu’il y a tant à discuter hors les vérités factuelles.

Et cette position serait encore malencontreuse car elle leur ferait rencontrer un autre danger que celui des post-vérités. C’est un danger technologique qui prend nom d’intelligence artificielle. Car les robots journalistes, qui sont des algorithmes, se sont immiscés déjà dans les rédactions aux Etats-Unis, en Allemagne, en France (Le Monde) et traitent des informations plus ou moins complexes sans être à ce jour capables de contextualiser ou mettre en perspective, d’analyser ou d’expliquer.

Le journalisme a donc bien intérêt à ne pas se laisser rassurer par une démarche de « fact checking » qui, si elle est nécessaire, est loin d’être suffisante.

La morale de cette histoire ?  

Exigence d’exactitude, de véracité et qualité des données sont l’alpha et l’omega des professionnels de l’information. Même si ce n’est pas le tout, c’est un socle indiscutable.


SOURCES :

L'information au coeur de la démocratie-Observatoire de la déontologie  de l'information-16 Mars 2017
www.odi.media/wp-content/uploads/2014/09/Linformation-au-coeur-de-la-de%CC%81mocratie.pdf

Le journalisme, un métier sous pression qui doit devenir plus exigeant-Alexandre FOATELLI-16 mars 2017
www.inaglobal.fr/presse/article/le-journalisme-un-metier-sous-pression-qui-doit-devenir-plus-exigeant-9588

Le journalisme : vers une intelligence artificielle ?- Sophie Roche-03 Mars 2017
http://future.arte.tv/fr/le-journalisme-vers-une-intelligence-artificielle

Politique post vérité ou journalisme post-politique-Frédéric Lordon-22 Novembre 2016
http://blog.mondediplo.net/2016-11-22-Politique-post-verite-ou-journalisme-post

Post-vérité, un enjeu crucial que communicants et journalistes doivent résoudre-05 Février 2017
http://www.leblogducommunicant2-0.com/2017/02/05/post-verite-un-enjeu-crucial-que-communicants-et-journalistes-doivent-resoudre//

DMOZ … un Dinosaure du Net vient de disparaître … âgé de moins de 20 ans !

 



Le 14 Mars dernier, DMOZ l’un des derniers annuaires généralistes du net, a fermé (1). Né en 1998 pour contrer les annuaires commerciaux, il avait accompagné et guidé les premiers pas des  internautes dans leur recherche, au moment ou les moteurs de recherche se développaient. 


La structuration et la sélection des sites de cet annuaire étaient effectuées par une une vaste communauté de bénévoles. En Novembre 2000 (2), à son heure de gloire, 31.000 internautes volontaires le géraient (chacun  chargé d’un périmètre), il répertoriait 2,2 millions de sites, répartis dans près de 320.000 catégories différentes et dans 78 langues.


Cette disparition se positionne dans une lente évolution des annuaires généralistes pour contrer la richesse des moteurs de recherche qui se déclinent en 3 périodes (3) :
  • 1994-2000 : transformation en portail
  • 2000-2004 : dépassés par le développement du Web, adoption du référencement payant
  • 2004-2006 : disparition de la plupart des annuaires généralistes

Plusieurs raisons ont conduit à cette fin de « règne » (1) :
  • La pertinence des recherches même généraliste des moteurs de recherche, a conduit à une faible utilisation (malgré un relooking en 2016)
  • La navigation dans la multitude de catégories, était un frein à une époque ou beaucoup d’internautes se limite aux trois premières recherche de Google
  • Ces mises à jours étaient plutôt aléatoires :  comment recenser les 571 sites web lancés chaque minutes ?
  • Google l’avait retiré de ses services en 2011, lui accordant moins de visibilité
Les modèles économique et fonctionnel se sont lentement épuisés après les différentes reprises successives par Netscape, puis AOL en final.



Les seuls survivants à cette lente extinction programmée : "les annuaires spécialisés, concernant un domaine/un sujet peuvent avoir une utilité » - Béatrice FOENIX-RIOU



Mais l’intervention humaine directe se retire-t-elle progressivement du Web ? : Non, Qora La plate-forme américaine de questions-réponses entre internautes a lancé, mardi 28 février 2017 (5), sa version francophone. Mais contrairement à Wikipedia, Quora n’exige pas de citer ses sources. Toutefois, elles demandent aux utilisateurs à se servir de leur véritable nom et à renseigner une biographie ...


Sources:

(1) Abondance - "L'annuaire DMOZ (Open Directory) fermera ses portes le 14 mars prochain" - En ligne le 01/03/17 - Consulté le 20/03/2017 
https://www.abondance.com/actualites/20170301-17697-lannuaire-dmoz-open-directory-fermera-portes-14-mars-prochain.html

(2) Journal du Net - "Open Directory : L'union fait la force" Consulté le 20/03/2017 
http://www.journaldunet.com/moteurs/moteurs10.shtm

(3) Béatrice FOENIX-RIOU -  "Recherche éveillée sur internet : mode d'emploi" - Base Publication et Lavoisier - 2011 - Chapitre l'évolution des annuaires généralistes p109 

(4) Recherche Eveillée -  "Annuaires généralistes : la (presque) fin d’une histoire" -  En ligne le 27/08/11 - Consulté le 20/03/2017

(5) Le Monde - "Le site de questions-réponses Quora se met au français" - En ligne le 04/03/17 - Consulté le 20/03/2017