vendredi 22 mai 2020

Les nouveaux métiers de la documentation: Doc controller et Data controller

Avec l’émergence du numérique au sein des entreprises, mis à part les anciens métiers de la documentation: Archiviste, documentaliste, nous avons assisté au cours de ces dernières années à de nouvelles appellations métiers. Parmi ces nouveaux métiers de la documentation nous avons : agent de médiathèque, ludothèque, discothécaire, opératrice chargée de numérisation, chargé d'études documentaires, veilleur, chargé de veille, gestionnaire de base de données, chargé de ressources documentaires, chargé de bibliothécaire, adjoint du patrimoine et des bibliothèques, médiathécaire, catalogueur, doc controller et data controller.... Les métiers de doc controller et de data controller sont les métiers sur lesquels nous allons plus mettre l'accent car ils sont actuellement les plus fréquents à cause de la transformation numérique dans les entreprises[1].

Le Doc controller

Le doc controller est l'acteur principal qui s'occupe de la gestion documentaire au sein d'un projet d'ingénierie ou technologique. Il est au centre du projet et a pour rôle de veiller à la bonne circulation de l'information à travers le workflow. Il s'occupe de la mise à jour et du contrôle des informations. Etant garant des documents, le doc controller s'assure que les documents qui circulent au cours du projet sont bien à jour. Le métier de doc controller nécessite une connaissance, une maîtrise des logiciels de gestion électronique de documents et une connaissance de l'anglais. On retrouve souvent les document controller dans les projets d'ingénierie, d'expertise technologique et des projets internationaux[2].

Le Data controller

Le Data controller communément appelé en français le responsable du traitement des données est l'acteur qui au sein de l'entreprise détermine les stratégies et les méthodes pour le traitement des données. Avec le flux des informations qui ne cesse de croitre, beaucoup d'entreprises optent pour le recrutement d'un data controller qui traite, gère et sécurise les données de l'entreprise plus particulièrement les données à caractère personnel en respectant bien sûr le RGPD (Règlement général de protection des données). Le métier de Data controller nécessite la connaissance et la maîtrise des bases de données pour la bonne gestion de l'information. La capacité de synthèse et d'autonomie doivent être des atouts nécessaires pour un gestionnaire de données[3].

Les différences entre Doc controller et Data controller

Avec leur nouvelle casquette, le rôle des métiers de doc controller et de data controller sont souvent confondus. Il est alors bien de souligner que les acteurs de chacun de ces métiers ont des rôles bien différents. Contrairement au doc controller qui s'occupe de la gestion documentaire au cours des projets, le data controller par contre se concentre sur la gestion des données surtout de leur sécurisation. Néanmoins chacun de ces acteurs jouent souvent les deux rôles au sein d'une entreprise.  

Sources

[1] Archimag. "Gestion de l'information: 10 métiers dans le vent". Archimag.com. [En ligne]. 20/11/2019. [Consulté le 25/04/2020]. Disponible sur: https://www.archimag.com/emplois/2014/04/25/emploi-gestion-information-documentation-10-metiers-vent

[2] Josée Lesparre. "Document controller." Cidj.com. [En ligne]. 04/2020. [Consulté le 25/04/2020]. Disponible sur: https://www.cidj.com/metiers/document-controller

[3] Commission Européenne. "Qu'est-ce qu'un responsable du traitement des données ou un sous-traitant des données?". ec.europa.eu. [En ligne]. [Consulté le 25/04/2020]. Disponible sur: https://ec.europa.eu/info/law/law-topic/data-protection/reform/rules-business-and-organisations/obligations/controller-processor/what-data-controller-or-data-processor

mardi 19 mai 2020

Covid-19: concilier la surveillance et la protection de la vie privée

Face à la pandémie de Covid-19, de plus en plus d'États multiplient les dispositifs de surveillance. Les défenseurs des droits fondamentaux s'alarment d'une banalisation des atteintes à la vie privée [1]. En effet, depuis l’apparition du covid-19 de nombreux pays en Asie et en Europe ont déployé des solutions de « tracking » des individus via des technologies de type GPS, Blutooth ou encore la reconnaissance faciale dans le but de stopper la chaine de transmission du virus. Cette course effrénée de collecte des données personnelles et sanitaires a des conséquences directes sur la vie privée de nos concitoyens d’où la nécessité de mettre en place des mécanismes anti-intrusions dans le souci de préservation des libertés individuelles.

 La vie privée, l’autre victime du covid-19 :

Dans de nombreux pays, la vie privée risque de devenir une victime de la pandémie de COVID-19. Par exemple, les applications pour smartphones compatibles GPS avec des autorisations de collecte de données libérales sont désormais obligatoires à Hong Kong, en Chine et en Corée du Sud. Les problèmes de confidentialité peuvent sembler anodins à côté de la menace pressante pour la vie humaine que représente COVID-19, mais le terrain cédé aux autorités au nom de la santé publique pourrait ne pas être gagner une fois la crise passée [2]. Par ailleurs, Dans un communiqué titré “Déclaration sur le traitement des données personnelles dans le contexte de l'épidémie de covid-19“, le gendarme européen de la vie privée (CEPD) a fait savoir que "le RGPD permettait aux autorités sanitaires compétentes de traiter les données personnelles dans le contexte d'une épidémie, conformément au droit national et dans les conditions qui y sont fixées [3] . Suite à cette déclaration la commission européenne à dresser une liste d’exigences à respecter auxquelles doivent se plier les applications mobiles permettant de lutter contre la pandémie du coronavirus, ainsi que des orientations ayant trait au respect de la vie privée des utilisateurs de ces applications.

Quelles solutions pour concilier la surveillance du covid-19 et la protection de la privée ?

Face à l’impératif de contenir la propagation du covid-19 et la nécessité de préserver les libertés individuelles, des solutions moins intrusives sont à préconiser. En effet, les dispositifs doivent intégrer le droit des personnes à leur vie privée, pas seulement pour respecter l'État de droit, mais aussi parce que c'est un gage de confiance, sans lequel les utilisateurs potentiels de ces technologies seront peu disposés à les adopter [4]. C’est pourquoi en Europe, le règlement général sur la protection des données (RGPD) oblige, les projets en cours de s'inspirer plus ou moins de l'application « TraceTogether » développée à Singapour, qui s'appuie sur la communication en Bluetooth sans enregistrer la géolocalisation. Schématiquement, lorsque deux utilisateurs se trouvent à proximité l'un de l'autre pendant un temps donné, chaque smartphone enregistre un identifiant correspondant à l'autre terminal . Lorsqu'un utilisateur est testé positif au Sars-Cov-2, il peut renseigner l'application pour que les personnes ayant été à son contact soient notifiées tout en protégeant l'identité des cas contacts [5]. C'est dans ce contexte que les autorités Françaises  ont émis l'idée de développer  une application dénommée StopCovid similaire de « TraceTogether ».

Quelles mises en gardes :

L’application pour smartphone de traçage des malades du Covid-19 n'a pas  fini  de susciter des débats, notamment sur le respect des libertés individuelles. C'est pourquoi , la CNIL appelle à la vigilance et souligne que l'application ne peut être déployée que si son utilité est suffisamment avérée et si elle est intégrée dans une stratégie sanitaire globale. Elle demande certaines garanties supplémentaires et  insiste sur la nécessaire sécurité du dispositif, et fait des préconisations techniques [6]. En ce qui concerne la mise en place d’un système d’information reposant sur deux bases de données médicales à savoir SI-DEP et Contact Covid, la CNIL prévient qu’elle sera vigilante sur la durée de conservation, et a déjà plaidé pour que certaines données soient effacées au plus vite [7] .


[1] Amaelle Guiton ,“Avec le virus , l’occasion de passer à la traque ? “, Libération .[En ligne],Publié le 04 avril 2020 .[Consulté le 01/05/2020].Disponible sur<https://www.liberation.fr/planete/2020/04/03/avec-le-virus-l-occasion-de-passer-a-la-traque_1784169>
[2] André Canidio “protéger la vie en cas de pandémie“,knowledge.insead.edu,[En ligne] ,publié le 29/04/2020, [Consulté le 01/05/2020], Disponible sur<https://knowledge.insead.edu/blog/insead-blog/safeguarding-privacy-in-a-pandemic-13956>
[3] Déclaration de l’EDPB concernant le traitement de données personnelles dans le contexte du coronavirus (covid-19), CNPD, Publié le 16/03/2020.[Consulté le 01/05/2020] .Disponible sur <https://cnpd.public.lu/fr/dossiers-thematiques/covid-19.html>
[4] Marie-Laure Denis, la présidente de la commission nationale de l’informatique et des libertés , Entretien « Les applications de “contact tracking“ appellent la vigilance particulière »,Le Monde ,Publié le 07/04/2020 .[Consulté le 01/05/2020]Disponible sur <https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/04/05/coronavirus-les-applications-de-contact-tracing-appellent-a-une-vigilance-particuliere_6035639_4408996.html>
[5] Amaelle Guiton , les droits dans l’engrenage, la libération .[En ligne],Publié le 28/04/2020. [Consulté le 02/05/2020] Disponible sur <https://www.liberation.fr/france/2020/04/27/stopcovid-les-droits-dans-l-engrenage_1786639>
[6] Philipe Rioux “ StopCovid et libertés individuelles : la Cnil veut plus de garanties“, La Dépêche .[En ligne] , Publié le 27/04/2020 ,[Consulté le 02/05/2020] , Disponible sur<https://www.ladepeche.fr/2020/04/27/application-stopcovid-et-libertes-individuelles-toujours-autant-de-reserves,8864189.php>
 [7] Martin Untersinger “ Ce que contiendront Sidep et Contact Covid , les fichiers des « cas contacts » , Le Monde , [En ligne ], publié le 08/05/2020 .[Consulté le 13/05/2020] , Disponible en ligne sur <https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/05/08/suivi-des-cas-contacts-ce-que-contiendront-les-deux-nouveaux-fichiers-medicaux-prevus-par-l-etat_6039059_4408996.html>

lundi 11 mai 2020

Pourquoi choisir la méthode REX dans l’évaluation de la crise sanitaire du Covid-19 ?

En cette période de pandémie du Covid-19, un vrai besoin d’évaluation de la situation, s’impose, que ce soit au niveau de l’Etat ou des structures sanitaires ou sociales. Afin d’éviter les analyses à chaud, chargées d’émotion, l’utilisation d’une méthode factuelle, objective et éprouvée est nécessaire. Le REX qui est plus qu’un débriefing, permettrait d’évaluer cette situation « au contact des réalités en proposant des solutions aux déficiences constatées ». [1] Cette méthode permet d’impliquer les acteurs concernés pour remonter les données du terrain et pour pouvoir par la suite les formaliser et les analyser. L’objectif principal est de tirer les leçons nécessaires afin d’identifier des pistes de progression, de valoriser les comportements et les modes d’organisation qui ont fonctionné efficacement et de partager ces connaissances.

La méthode REX, développée à l’origine au Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) afin de capitaliser les expériences, a été appliquée ultérieurement dans différentes activités à caractère industriel. Elle a pu être utilisée également dans des situations d’urgence ou d’accident, ou même dans la cadre de l’étude des comportements des organisations et plus récemment pour les situations de crise. Pour gérer la crise du Covid-19, le REX pourrait être utilisé d’une part afin de formaliser les savoirs et les savoir-faire acquis par l’expérience et d’autre part pour tirer des enseignements, faire émerger des pistes d’amélioration et capitaliser les connaissances.

Le REX formel et informel

Pour bien mener le REX, des procédures formelles sont nécessaires :

  • La construction d’éléments de connaissance (EC) qui se présentent sous une forme de fiche comprenant des blocs de texte assez courts relatant le côté contextuel, factuel et analytique des expériences vécues.
  • La modélisation du domaine de connaissance constitué de trois réseaux : le réseau descriptif, le réseau lexical, le réseau contextuel.

Il est important de ne pas négliger les méthodes informelles du REX telles que les discussions à la machine à café, les réunions, etc. « Il ne s’agit pas simplement de formaliser ce qui est déjà écrit au sein de la structure mais de pouvoir capturer les savoir-faire, les méthodes personnelles acquises par le personnel ». [2] Le REX est participatif, chacun échange sur ses connaissances implicites, décrit l’expérience de la façon la plus neutre possible. L’informel permet davantage de liberté de parole, aide à être plus proche de la réalité du terrain. [3]

Le REX réhabilite le rôle constructif de l’erreur

Si le but du REX est d’éviter de reproduire les mêmes erreurs, son but n’est pas de les juger, mais de les utiliser comme source d’apprentissage. « Participer à un REX c’est s'apprendre déjà à soi-même ce qu'on peut dégager d'une expérience, le meilleur moyen d'en bénéficier. Dans un REX la démarche est autant importante que le résultat. » [4]
Quelques freins sont décelés face à cette méthode, car les participants peuvent émettre des réserves pour plusieurs raisons : peur de désigner un responsable, honte de l’échec, etc.
Pour aboutir à un résultat concret et constructif, l’utilisation de la chaîne des cinq pourquoi de Sakichi Toyoda, le fondateur de Toyota, est recommandée. Au-delà de la description des événements, elle permet d’identifier les causes fondamentales (les causes racines) d’un dysfonctionnement ou d’une situation problématique afin de pouvoir proposer des solutions efficaces et définitives. En voici un exemple :




Bien que le REX reste une méthode efficace, d’aucuns lui reprochent sa vision « rétrospective » et insuffisante pour établir une prévision. [5] Il connait également des freins d’une part à cause de la crainte d’une remise en cause personnelle et judiciaire suite à un accident grave, mais aussi parce qu’il lui est reproché de s’arrêter à l’identification de défauts techniques ou aux comportements inappropriés des individus, plutôt que de prendre en compte également des facteurs organisationnels. Enfin, les données d’entrée du REX sont le plus souvent des événements négatifs, dont on cherche à éviter la répétition.
Ne serait-il donc pas plus judicieux d’exploiter également un « REX positif » pour apprendre des réussites et diffuser les bonnes pratiques ?



[1] CUNY, Jean-Luc. Débriefer c’est bien. Le REX, c’est mieux, 25/08/2014. JDN. Disponible en ligne [consulté le 15 avril 2020] : <https://www.journaldunet.com/management/efficacite-personnelle/1142355-debriefer-c-est-bien-le-rex-c-est-mieux/>

[2] PRAX, Jean-Yves. Manuel de Knowledge Management, Mettre en réseau les hommes pour créer de la valeur. Malakoff : Dunod, 2019. p. 166.

[3] Les cahiers de la sécurité industrielle. Toulouse : ICSI, 2020/2 (n° 01), Disponible en ligne [consulté le 25 avril 2020]. ISSN : 2100-3874. p.46 < http://pnrs.ensosp.fr/content/download/34941/590001/file/CSI-REX-bonnes-questions.pdf >

[4] CHASTENET DE GERY, Gonzague. Le knowledge management - Un levier de transformation à intégrer. Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur. 2018. p. 46.

[5] Lannoy, André. Le retour d'expérience : histoire, enjeux, limites, avenir. Disponible en ligne (consulté le 28 avril 2020] : <http://www.officiel-revention.com/formation/conseils/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=183&dossid=380>

lundi 4 mai 2020

DOLIA, le SI de l'INRAP : un projet en constante évolution

 

Depuis 2002, l'Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP) assure la détection et l'étude du patrimoine archéologique touché par les travaux d'aménagement du territoire. Il exploite les résultats des fouilles et les diffuse. Aussi, pour nombre de spécialistes, "le coeur de l'archéologie, c'est le traitement de l'information". [1] On peut le comprendre en étudiant le soin avec lequel l'Institut a mené son projet de système d'information (SI) depuis 2006.


L'INRAP gère une première complexité: le siège parisien est en lien avec 8 directions interrégionales et 46 centres de recherches archéologiques en France. Environ 2 000 experts travaillent dans ce cadre. 
Par ailleurs, en lien avec sa mission de service publique, il doit respecter une chaîne opératoire très précise (diagnostiquer-fouiller-étudier-partager-conserver). A la fin de celle-ci, les archéologues exploitent et interprètent les données du terrain et rédigent un rapport d'opération. Le corpus des rapports, dont le contenu et la forme sont réglementés, est au cœur du projet original . En effet, les informations recueillies et les recherches menées enrichissent la connaissance, permettent la sauvegarde du patrimoine historique et sont partagées avec le public. [2]
Or, jusqu'il y a peu, les méthodes d'enregistrement de ces données restaient hétérogènes et peu interopérables.

"L'informatique est en train de révolutionner l'archéologie"... [1]

Aujourd'hui, la numérisation produit énormément de données mais facilite aussi cette démarche d'organisation et de structuration des informations. Lors des chantiers de fouille, les archéologues utilisent des techniques moins intrusives et plus efficaces.
Les données sont saisies sur des tablettes ou smartphones durcis utilisant une application d'enregistrement de terrain unique, "Enregistrement de Données Archéologiques (EDArc). Celle-ci permet de saisir les données minimales  pour répondre aux obligations réglementaires. EDArc peut également échanger avec d'autres applications et SI de l'INRAP ce qui favorise les échanges et les comparaisons de données. [3]
Les rapports, saisis sur une maquette unique de mise en page en PDF, sont imprimés par un prestataire. Les anciens rapports sont progressivement numérisés.
Tablette durcie Panasonic
Parfois, un relevé numérique complet est réalisé en prenant des milliers de photos qui sont ensuite assemblées par un logiciel spécifique. Puis, à partir de cet assemblage, on réalise un modèle 3D (une maquette numérique d'un bâtiment par exemple) auquel on peut intégrer d'autres données archéologiques.
On recourt aussi à des systèmes d'information géographique, des radars, des scanners 3D, des drones... [1 et 4]

Les possibilités en matière de recherche et de valorisation ont ainsi été démultipliées par le recours à ces nouvelles techniques. L'usage des statistiques s'est intensifié, les données sont croisées avec celles produites par d'autres sciences...
Les archéologues doivent donc se former à ces techniques (photogrammétrie, archéométrie etc. ). Des initiatives pour ce faire ont été mises en place par l'INRAP. [1 et 4]

Peut être plus impressionnant encore, CRMarchaeo, une extension d'EDArc, permet de mettre à plat et de formaliser les concepts et les raisonnements en vigueur sur les opérations archéologiques. Elle permet aussi de révéler certaines des catégories et des schémas de pensée des archéologues ainsi que certains des principes sous-jacents. On peut ainsi modéliser une fouille archéologique et la comparer, la critiquer. [3]

En bout de chaîne, l'Institut produit des ressources documentaires à l'usage des chercheurs et du public. On peut en apprécier la richesse sur le nouveau site inrap.fr: revues Archéopages et Archéologia, livres, expositions, documents audiovisuels, dossiers multimédias, conférences et colloques en ligne, web magazines, atlas interactifs, quiz, iconothèque, podcast de l'émission Carbone 14...
L’Inrap a fait le choix de développer son portail institutionnel d’archives ouvertes sur la plateforme HAL et met à disposition du public le portail Netvibes ArchéO'liens spécialisé en archéologie.


... mais cela entraîne de nombreuses exigences en matière de gestion des ressources documentaires

La répartition des centres de documentation

L'Institut n'avait pas vraiment de système documentaire avant d'élaborer son schéma directeur des SI 2006-2009 lié aux processus métier. Aujourd'hui, l'INRAP dispose de 13 centres de documentation coordonnés par la direction scientifique et technique et dirigés par les gestionnaires de documentation (qui peuvent être responsables d'autres bibliothèques).  Ces derniers mettent quotidiennement à jour les catalogues Dolia et Caviar (pour les données spatiales), reliés aux autres SI de l'établissement. En plus de cet archivage interne, les données d'EDArc sont versées au Centre Informatique National de l’Enseignement Supérieur (CINES) en vue de leur archivage pérenne.


Dolia
Longtemps, la principale utilisation de l'informatique était liée à la constitution et à l'exploitation de bases de données. Depuis sa mise en ligne en 2009, Dolia a tout changé.
Ce système intégré de gestion de bibliothèque (SIGB) propriétaire répertorie les ressources documentaires conservées par l'Institut. Une documentation acquise (usuels, périodiques, monographies) ou produite (archives de fouille, littérature grise, rapports d'opération etc.). Il compte plus de 40 000 notices. Une grande partie est mise à disposition du public.
Interopérable avec les autres catalogues en archéologie, Dolia utilise le format Unimarc et indexe ses documents avec les microthésaurus PACTOLS du réseau spécialisé en archéologie Frantiq, dont fait partie l'INRAP. Il est doté de trois moteurs de recherche (simple, experte, en texte intégral).


Avec Dolia de nouveaux enjeux documentaires apparaissent
Dolia doit s'adapter à la tâche nécessaire et complexe d'intégrer au fil du temps de nouvelles ressources documentaires (archives de fouilles et inventaires notamment). Ainsi, la production de données, d'images numériques peut poser des problèmes techniques et scientifiques, des problèmes d'archivage et de stockage. Par exemple, le recours à la 3D permet d'obtenir des archives numériques... évolutives. Cela impose que les relevés successifs soient fiables et donc réalisés par des archéologues plutôt que par des cabinets d'ingénieurs. Former les archéologues aux techniques informatiques et documentaires récentes est donc impératif.

Le contexte législatif et budgétaire, la mise en concurrence ainsi que les conditions de travail sur les chantiers de fouille ont également des conséquences sur la capacité de l'Institut à contrôler la qualité des ressources placées dans son SI. [5]

La multiplication des bases de données sur l'archéologie et l'hétérogénéité de leurs formats rend nécessaire la mise en place de bonnes pratiques.  L'INRAP s'est allié à d'autres institutions de recherche afin de  réaliser les appariements de chaque source de données et mettre en place une application unique pour les interroger.
EDArc doit gagner en exploitabilité et préparer les données des opérations archéologiques pour leur publication et réutilisation sur le Web des données (web sémantique).  L'application évolue donc vers le format RDF avec le développement de l'extension CRMarchaeo. Le schéma RDF (Resource Description Framework) permet de décrire les données et les métadonnées du domaine culturel. Les objets de connaissance sont décrits sous la forme de triplets (sujet, prédicat, objet). Ce modèle permet de décrire les données et les métadonnées sur les entités, les observations et les processus de fouille du domaine de l’archéologie. Mais il n’existe pas une seule description possible des entités archéologiques et de leurs relations... Ce sont des travaux complexes nécessitant des choix à la fois techniques et scientifiques et sujets à de constants questionnements (ontologies...). [3]

Un nouveau plan de gestion des données (PGD) est en cours
A la lumière de tout ce qui précède on comprend que, dès 2006, le SI ait été conçu pour impérativement embarquer une gestion électronique de documents (GED). La diffusion des ressources en interne passe par cette GED et l'intranet (mise en place de nombreux outils collaboratifs Google, création de" Dépôt-Inrap", un outil de transfert de fichiers volumineux...). L'INRAP a progressivement ouvert l'accès à une sélection toujours plus importante d'informations tout en conservant un accès sécurisé à la totalité des ressources documentaires pour ses agents et partenaires extérieurs. En effet, il lui faut respecter les conditions réglementaires et déontologiques de mise en ligne des données tout en visant  à terme un partage "systématique" de ces dernières. Cette complexité l'amène  à mettre à plat la situation actuelle en élaborant un PGD.

Dolia évolue donc du système de gestion de bibliothèque à un système de gestion de l'information extrêmement élaboré et adapté aux métiers et missions de l'Institut. Un véritable "système d'information archéologique" tel que le souhaitent ses concepteurs.[3]




[1] Serge Abiteboul et Claire Mathieu, "Faire parler les murs", entretien avec Hélène Dessales, Blog Binaire [En ligne], mis en ligne le 17 février 2017, consulté le 14 mars 2020.URL:
[2] Un article très complet et utile pour comprendre la genèse et le déroulement du projet jusqu'en 2013: Emmanuelle Bryas, Gilles Bellan, Anne Speller et Carine Carpentier, « Dolia, le système documentaire de l’Inrap. État des lieux et perspective », Archéopages [En ligne], 37 | avril 2013, mis en ligne le 01 avril 2015, consulté le 14 mars 2020. URL : http://journals.openedition.org/archeopages/357 ; DOI : 10.4000/archeopages.357
[3] Une présentation sur le SI et ses évolutions récentes par E. Bryas et C. Tufféry, "L’usage de normes et de thesaurus pour les données archéologiques et les métadonnées, de la production sur le terrain à la publication des rapports d’opération : l’expérience de l’Inrap" , dans le cadre du projet collectif ArScAn "ArcheoNum –L’Archéologie dans les Humanités numériques", MAE Nanterre, 16 avril 2018. [En ligne], consulté le 30 mars 2020. URL: https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/1309/files/2019/03/ArcheoNum-EDArc_MAE_20180611.pdf
[4] Une conférence à laquelle nous avons assisté et que nous recommandons chaudement: "L'apport de l'image 3D à l'archéologie", carte blanche à l'INRAP, Les Rendez-vous de l'Histoire de Blois, 13 otobre 2018, [En ligne], URL: https://www.inrap.fr/l-apport-de-l-image-3d-l-archeologie-13920
[5] Maïté Darnault, "Les archéologues, nouveaux damnés de la terre", Libération [En ligne], mis en ligne le 21 juin 2018, consulté le 14 mars 2020. URL :
https://next.liberation.fr/arts/2018/06/21/les-archeologues-nouveaux-damnes-de-la-terre_1661003

Vers un accès libre au savoir ?


Comment continuer à se cultiver pendant le confinement ? En France depuis mars 2020 nos vies sont bouleversées par le COVID-19 et l'usage de l'informatique pour accéder à la connaissance est privilégié. 
Cependant tout le savoir n'est pas accessible sur Internet, notamment le partage de la culture. Le COVID va-t-il modifier les habitudes et rendre accessible la culture à tous ? 


Vers une ouverture de l'accès à l'information ? 

La conjecture actuelle nous montre l'importance du partage de la connaissance sur internet comme bien commun. L'accès pour tous à la connaissance est essentielle. [1]
En France, on constate une augmentation d'ouverture de contenus et de partage de ressources : 

  • Livres gratuitement téléchargeables pour tous
Des livres électroniques, e-book, ressources et livres audios sont proposés en téléchargement pour les enfants, étudiants et adultes. [2] 

  • Cours ouverts et MOOC 
Des cours gratuits (Open courses) peuvent être suivis à distance pour pouvoir continuer à se former. [3]  Le portail FUN a même décidé de réouvrir des MOOC qui étaient finis. [1] 

  • Musiques pour les familles 
La philharmonie met en libre accès des concerts à voir en famille. [4] 

  • Expositions virtuelles 
Certaines institutions culturelles ouvrent leurs contenus de manière plus large.  
De nombreuses expositions virtuelles de la ville de Paris sont proposées à en attendant la fin du confinement.  [5] 
De plus, les musées de Paris sont également visibles en ligne. En effet, les Musées de Paris ont adoptés une politique d'Open Content permettant le libre accès à l'art afin que les collections soient visibles et réutilisables par tous. Cette politique permet la valorisation et la connaissance des œuvres. Peggy Baron en explique le fonctionnement : "chaque utilisateur récupère un dossier comprenant l’image en haute définition, un fichier avec la notice de l’œuvre et une charte des bonnes pratiques liées aux images sous licence CCØ afin d’inviter chacun à citer la source et les informations sur l’œuvre."  [6]


L'ouverture à l'accès aux informations dans les lois 

La loi de 2016 pour une République Numérique pose les bases de la transition numérique. Elle amène une ouverture des données publiques par défaut et recommande les formats favorisant la réutilisation. De plus, elle encourage à faire circuler les informations et les savoirs. [7] 

En 2018, Le Plan national pour la science ouverte rend obligatoire l’accès ouvert à tous pour les publications et pour les données des recherches.  
La science ouverte (Open Science) facilite l’accès à l'information scientifique et contribue à une science plus transparente. [8] 

A ce jour, il n'existe pas de loi ou de plan national pour l'éducation et la culture ouverte qui permettrait l'accès au savoir et à la culture pour tous. Ce point de vue est développé dans l'article Pour un plan national pour la culture ouverte, l’éducation ouverte et la santé ouverte qui défend un libre accès du savoir : "Crise ou pas crise, nous avons tout le temps besoin d’un savoir ouvert" [1] 


Vers une culture ouverte ? 

Quand la fin du confinement sera venue, les entreprises qui partagent actuellement leur contenu continueront-elle à partager en libre accès ? La crise sanitaire va-t-elle changer les pratiques et amener un accès libre et ouvert au savoir ? [1] 




[1] Lionel Maurel,  Silvère Mercier, Julien DorraPour un plan national pour la culture ouverte, l’éducation ouverte et la santé ouverteFramablog, 04/04/2020 [consulté le 03/05/2020]

[2] Fidel NavamuelLa liste complète des livres à télécharger gratuitement pendant la période de confinement, les outils tice, 20/03/2020 [consulté le 03/05/2020]

[3] Thot Cursus Formation et culture numérique, Répertoire des cours ouverts et Moocs - Pour apprendre gratuitement, voici des cours !, 23/04/2020 [consulté le 03/05/2020]

[4] Philharmonie de Paris à la demande, La philharmonie chez vous en famille, [consulté le 03/05/2020]

[5] Rizhlaine F., Laurent P., Confinement: le top des expositions virtuelles à découvrir, Sortir à Paris, 01/05/2020 [consulté le 03/05/2020]

[6] Peggy Baron, Paris Musées propose plus de 100 000 œuvres en Open Content, L'ADN Business, 10/01/2020 [consulté le 03/05/2020]

[7Legifrance, LOI n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique [consulté le 03/05/2020]

[8] Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, Science ouverte18.10.2019 [consulté le 03/05/2020]