mardi 30 juin 2020

"Cookie walls", l'interdiction de la CNIL se heurte au Conseil d'Etat


En juillet 2019, la CNIL avait émis une ligne directrice interdisant les « cookie walls », pratique qui bloque l’accès au contenu d’un site internet en cas de refus des cookies par l’internaute. Par une décision du 19 juin 2020, le Conseil d’Etat a jugé que l’interdiction des « cookie walls » par une ligne directrice de la CNIL était illégale. Cet épisode judiciaire illustre les différends opposant la CNIL et les éditeurs de sites sur l’interprétation du RGPD. 

Le 4 juillet 2019, la CNIL a adopté un plan d’action sur le ciblage publicitaire concernant la protection juridique des internautes confrontés à l’acceptation de cookies lors de la consultation de sites internet. Dans le contexte du renforcement des droits des internautes posé par le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), entré en vigueur en mai 2018, plusieurs lignes directrices ont été retenues, visant à renforcer les modalités pratiques du recueil du consentement aux cookies. Les traceurs de connexion permettent en effet aux éditeurs de sites d’obtenir des données relatives aux internautes qui peuvent ensuite être revendues pour mettre en place des publicités personnalisées. [1]

Suite à la contestation des mesures posées par la CNIL par des associations et syndicats professionnels du secteur publicitaire, de l’e-commerce et des médias, le Conseil d’Etat a annulé, par une décision du 19 juin 2020, l’interdiction générale des « cookie walls » posée par la CNIL. Le Conseil d’Etat a en effet censuré la recommandation de la CNIL estimant que l’accès à un site internet ne pouvait jamais être soumis à l’acceptation de cookies. Le Conseil d’Etat a motivé sa décision en arguant du fait que des lignes directrices sont un instrument de droit souple et ne peuvent donc pas poser d’interdiction générale [2]. L’avocat des associations requérantes a estimé que « cette décision du Conseil d’Etat est un retour à l’esprit d’équilibre du RGPD qui ne prévoit pas d’interdiction de principe » [3]. 

La CNIL a fait savoir qu’elle prenait acte de la décision du Conseil d’Etat. En revanche, les autres recommandations voulues par la CNIL en juillet 2019 sont confirmées par le Conseil d’Etat [4] :
-    Le refus du consentement ou le retrait du consentement des internautes aux traceurs de connexion doit pouvoir être réalisé facilement ;
-    Les sites utilisant des traceurs de connexion doivent mettre en place une information spécifique sur les différentes finalités des traceurs consentis par l’internaute ;
-    Les internautes doivent pouvoir connaître l’identité des responsables de traitement qui déposent les cookies.
-    La charge de la preuve du consentement valide de l’internaute repose sur ces mêmes responsables de traitement.

Bien que cette décision du Conseil d’Etat puisse être considérée comme un désaveu pour la CNIL, le Conseil d’Etat n’est pas intervenu pour juger de la légalité ou de l’illégalité sur le fond des « cookie walls », mais bien de l’illégalité de les interdire par un acte de droit souple (par une ligne directrice en l’occurrence). La question reste donc en suspens. Les lignes directrices émises par la CNIL seront prochainement précisées pour aboutir à un guide pratique proposant des modalités concrètes de recommandations aux éditeurs de site pour le recueil du consentement aux cookies. Cette prochaine étape devrait intervenir en septembre 2020.

Sources:

[1] CNIL. « Cookies et autres traceurs : la CNIL publie de nouvelles lignes directrices ». Cnil.fr. [En ligne]. 18 juillet 2019. [Consulté le 30 juin 2020]. Disponible sur : < https://www.cnil.fr/fr/cookies-et-autres-traceurs-la-cnil-publie-de-nouvelles-lignes-directrices >

[2] Conseil d’Etat. « Le Conseil d’État annule partiellement les lignes directrices de la CNIL relatives aux cookies et autres traceurs de connexion ». conseil-etat.fr. [En ligne]. 19 juin 2020. [Consulté le 30 juin 2020]. Disponible sur : < https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/le-conseil-d-etat-annule-partiellement-les-lignes-directrices-de-la-cnil-relatives-aux-cookies-et-autres-traceurs-de-connexion >

[3] DEBES, Florian. « La CNIL mise en difficulté sur les “ cookie walls” ». lesechos.fr. [En ligne]. 14 juin 2020. [Consulté le 30 juin 2020]. Disponible sur : < https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/la-cnil-mise-en-difficulte-sur-les-cookie-wall-1214538 >

[4] CNIL. « Cookies et autres traceurs : le Conseil d’État rend sa décision sur les lignes directrices de la CNIL ». Cnil.fr. [En ligne]. 19 juin 2020. [Consulté le 30 juin 2020]. Disponible sur : < https://www.cnil.fr/fr/cookies-et-autres-traceurs-le-conseil-detat-rend-sa-decision-sur-les-lignes-directrices-de-la-cnil >