L’étude intitulée "Information behaviour of the researcher of the future", commanditée par la British Library et le JICS (Joint Information System Committee), analyse la façon dont les jeunes actuellement scolarisés accèderont aux ressources électroniques dans les 5 ou 10 ans à venir. Elle préconise également quelques pistes afin de permettre aux bibliothèques et aux centres de documentation d’anticiper ces comportements émergents.
La "Google Génération", née après 1993, n’a pas connu le monde sans Internet, contrairement à ses aînés, qui ont construit leurs connaissances par les livres et dans les bibliothèques. Si beaucoup de choses ont été dites sur les aptitudes des enfants qui utilisent les ressources électroniques, aucune étude n’a prouvé que les jeunes soient experts en recherche d’information. Ils présentent au contraire des lacunes : ils cernent mal leur besoin en information, maîtrisent trop peu le vocabulaire pour utiliser des synonymes, ne savent pas passer du langage naturel à l’élaboration de requêtes. Les ressources offertes par les bibliothèques ne leur paraissent pas suffisamment intuitives et ils préfèrent utiliser Google ou Yahoo pour leurs recherches scolaires.
Mais la fiabilité de l'information trouvée sur Internet est trop peu évaluée et les jeunes ne disposent ni d’une "carte mentale" d’Internet, ni d'une bonne connaissance des outils de recherche.
De plus en plus de personnes de tout âge utilisent Internet et les technologies web 2.0 ; les jeunes, premiers adeptes, ont été rattrapés par les utilisateurs plus âgés. Aucune étude n’ayant révélé un comportement fondamentalement différent entre les jeunes et leurs aînés, on peut donc dire que nous faisons tous partie de la "Google Génération". Pourtant, la littérature surestime l’impact des nouvelles technologies sur les jeunes et le sous-estime pour les générations plus âgées.
La dextérité des jeunes sur Internet ne se traduisant pas dans de meilleures aptitudes à la recherche d'information, les études mettent en cause la capacité de l’école et du collège à développer ces compétences pour les adapter aux exigences de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elles devraient pourtant être développées dès l’école.
Quelles sont les tendances pour le futur ?
Vers 2017, de nombreuses activités passeront par Internet qui sera complètement intégré à la majorité des foyers. Les services seront plus personnalisés, plus mobiles, plus intuitifs. Dans cette culture web globalisée, les services de la bibliothèque n’auront plus le même sens.
La montée du livre électronique, la multiplication des contenus, la publication à la demande pour des destinataires de niche, la numérisation de masse vont permettre un accès plus facile aux documents et aux archives. Les bibliothèques doivent anticiper le moment où la majorité des travaux universitaires seront disponibles à tout un chacun depuis son ordinateur personnel.
En effet, beaucoup d’utilisateurs produisent maintenant leur propre contenu sous la forme d’email, de blogs, de wikis, de sites… Dans le domaine universitaire, la multiplication des prépublications, la diffusion de travaux par de nouveaux canaux, la collaboration en ligne, l’apparition et la disparition rapide de contenus posent la question du suivi des différentes versions et de la préservation des travaux.
Comment tirer partie des nouveaux outils interactifs en ligne tout en préservant l’intégrité des travaux universitaires ?
Dès 2013, pour les élèves de premier cycle universitaire, de nouvelles activités pourraient se développer autour de grandes bibliothèques de recherche : par exemple la publication en temps réel ou le partage de données expérimentales sur Internet.
Les bibliothèques de recherche doivent comprendre le comportement des étudiants virtuels d’aujourd’hui, qui ne regardent que quelques pages d’un site, ne s’attardent pas à lire réellement... C’est peut-être le signe de l’émergence d’une forme de lecture en ligne totalement nouvelle, basée sur l’écrémage des titres, des pages de sommaire et des résumés.
De plus, les bibliothèques doivent abandonner tout espoir d’être le seul fournisseur d’information et accepter qu’une partie importante de leur contenu ne soit pas ou peu utilisé, ou bien qu’il serve uniquement pour rebondir vers d'autres sources.
Il faut donc inverser le processus de désintermédiation : comment vendre le rôle clé de la bibliothèque comme source d’information fiable et qui fait autorité ? Les bibliothèques sont handicapées par un manque d’identification alors que les éditeurs sont plus à même d’avoir une « marque de fabrique » claire. Un partenariat stratégique pourrait être envisagé.
Pour s’adapter aux nouveaux comportements de leurs usagers, cette étude propose aux professionnels de l’information plusieurs pistes de réflexion :
• simplifier les portails, mettre en place des interfaces de plus en plus standard et faciles à utiliser pour mettre en valeur la richesse du contenu de leurs établissements
• rendre leur fonds visible depuis le web, notamment au moyen des moteurs de recherche, les plus en pointe car disposant de larges moyens en R&D
• introduire des outils d'observation puissants pour suivre les pratiques des utilisateurs et instaurer des moyens d’évaluation de leur activité
• introduire une culture de résultat parmi les bibliothécaires et passer d’une orientation contenu à une perspective utilisateur
• former les jeunes dès l’enfance à la recherche d’information
Le futur commence aujourd’hui : les bibliothèques et centres de documentation doivent anticiper pour répondre au passage du physique au virtuel et s’adapter aux nouveaux comportements en recherche d’information de leurs utilisateurs. Pour les professionnels de l’information, cette réflexion constitue une opportunité de prendre toute leur place dans l’évolution en cours.
Intégralité de l'étude "Information behaviour of the researcher of the future"
2 commentaires:
Merci pour ce compte-rendu fort instructif.
Que faut-il toutefois entendre par la 'culture de résultats' proposée pour adapter les services en bibliothèque ? Faut-il y voir une approche plus 'marketing' de celles-ci ?
En effet, l'étude préconise une approche "marketing" des services de la bibliothèque. Elle privilégie deux directions :
- proposer une facilité d'accès aux services offerts par la bibliothèque en prenant en compte l'expertise des utilisateurs sur Internet (personnalisation des services et mise en place d'interfaces plus conviviales)
- évaluer les usages par une meilleure connaissance des usagers et de leurs pratiques
Pour les auteurs de cette étude, les bibliothèques doivent, pour retrouver leur influence, passer d'une orientation tournée vers les contenus à une perspective trouvée vers les utilisateurs.
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