mardi 18 décembre 2012

Dubaï et la gouvernance numérique



 Vendredi 14 décembre se finissait à Dubaï la Conférence mondiale des télécommunications internationales, portant sur la gouvernance numérique. La France, comme 55 autres pays, n'a pas signé l'accord proposé par l'Union Internationale des Télécommunications (UIT). En tant que professionnels de l'information, nous sommes directement intéressé par tout les soubresauts qui touchent le réseau mondial. Je vous invite à découvrir les enjeux de cette conférence et de la décision française.

Vous avez peut-être été, comme moi, interpellés il y a quelques temps par une pétition lancée par Google pour la défense de la liberté sur internet. Le site de la pétition disait, pour mémoire : "Certains gouvernements ont l'intention de profiter d'une rencontre à huis clos en décembre prochain pour réguler Internet et accroître la censure". Plutôt effrayant n'est-ce pas ? Je me suis donc hâté de la signer, comme bon nombre d'entre vous, j'en suis sûr. Le web est notre outil de travail, l'open data notre ressource, le travail en ligne notre sinécure, qui donc voulait nous priver de cela ? Le sujet mérite d'être approfondi.

Les sujets abordés lors de la conférence de Dubaï étaient de plusieurs ordres. Les 193 membres de l'UIT, une institution dépendant de l'ONU, se sont réunis avec l'objectif de renégocier un accord appelé RTI (pour Règlement des Télécommunications Internationales). Cette accord date de 1988, bien avant l'explosion de l'usage d'internet et l'ouverture à la concurrence du secteur des télécoms. Un toilettage était donc nécessaire et plusieurs pays membres ont déposé des propositions à cette fin.

Des propositions qui ont enflammé la toile


La levée de bouclier des acteurs du web se base sur plusieurs propositions. Tout d'abord sur celle de la Russie, qui a été ralliée par plusieurs pays, qui demandait à ce que les états membres de l'UIT aient "des droits égaux pour réguler l'internet"et donnait pour ce faire compétence à l'UIT pour réguler l'adressage et le routage IP. De fait, la Russie propose la remise en cause de la main-mise de l'ICANN américaine sur la gestion d'internet et ouvre la porte à la censure du web.
Une autre menace qui pesait sur la liberté d'expression était la proposition de confier à l'UIT le soin d'édicter les règles en matière de cybercriminalité. Là encore, les inquiétudes portaient sur le risque sur la régulation des contenus en ligne. A ce sujet, la position de la France, exposée dans un document préparatoire, fait savoir que "les sujets liés à la souveraineté des États membres de l'UIT, notamment la cybercriminalité, la réglementation en matière de contenu, la sécurité et la défense nationales ne devraient pas être abordés dans le RTI". Elle estime que les droits nationaux sont suffisants dans ces domaines.
Ces propositions, qui n'avaient que peu de chances d'être adoptées face aux oppositions étasunienne et européenne, ont effectivement été rejetées, voir même retirées avant le vote, comme la proposition russe. Le secrétaire général de l'UIT, Hamadoun Touré, précise que le traité n'aborde pas Internet, ni sa régulation, ni sa gouvernance.
 
Une tempête dans un verre d'eau ? 

Un point continue cependant à inquiéter les militants de la liberté du web, notamment "la quadrature du net", qui se décrit comme une organisation de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet. Une proposition viserait à mettre en cause la neutralité du Net. L'ETNO, le groupement des opérateurs européens, demande que le nouveau RTI autorise la différenciation de la qualité de service. Il s'agirait, en clair, de facturer les transmissions entre les services en ligne et les clients des FAI. Les groupes de télécoms estiment en effet que des services tel que Google, Youtube, Facebook engorgent le réseau en y faisant transiter d'énormes quantités de données grâce à eux, sans qu'ils participent aux bénéfices.
Enfin, l'article 5B évoque la nécessité pour les États membres de prendre des mesures pour prévenir la propagation de flots de communications électroniques non sollicitées et d'en minimiser les conséquences sur les services de télécoms. Certains y ont vu un encouragement de certains gouvernements à verrouiller les échanges électroniques (SMS, mail) au nom du contrôle de cette prolifération ou supposée telle.

Tout est bien qui finit bien

Pour conclure, nous laissons la parole à notre ministre chargée de l'économie numérique, Fleur Pellerin :
" La France, comme la plupart de ses partenaires européens, n’a cependant pas pu se rallier au texte adopté, car certaines dispositions du nouveau traité sont susceptibles d’être interprétées comme une remise en cause des principes fondant notre position et celle des pays européens[...] Internet est un bien commun, qui doit rester libre et ouvert [...] Pour autant, la gouvernance de l'Internet est perfectible et nous devons travailler à ce qu'elle soit véritablement internationale".
 Devant les enjeux soulevés par cette conférence et la vitesse de la progression technologique, l'UIT a décidé de se réunir tout les 8 ans. Il nous appartient à tous, et particulièrement à nous autres professionnels de l'information en devenir, de rester vigilants.


Sources :

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