Huma-Num est une très grande infrastructure (TGRI) qui vise à faciliter le tournant numérique de la recherche en sciences humaines et sociales.
Pour cela elle met en oeuvre à travers un important réseau de partenaires humains et technologiques, un partage des connaissances et des expériences à l’échelle nationale et européenne (1).
Cette organisation diffuse un blog (2) dans lequel contribuent plusieurs consortiums. Dont celui qui nous intéresse aujourd’hui, le consortium Archives des Mondes Contemporains Inventaires et Documents numériques (3).
Suite à un appel lancé par celui-ci pour que perdure un échange de réflexion entre les chercheurs sur leurs expériences respectives, est présenté ici un projet documentaire original, aux résonances sociales inédites : numériser des collections de disques des immigrés dans l’Est de la France, dans les années 60-90 (4). Oanagiota Aganostour (docteur sciences politiques) et Didier Francfort (prof.histoire contemporaine), de l’Institut d’Histoire Culturelle Européenne (IHCE), centre de recherche et université active (5), présentent leur projet documentaire sur les phénomènes sociaux liés aux pratiques musicales.
Les techniques numériques pour un lien social
Dans ce billet, les chercheurs souhaitent être le relais d’information sur « la situation de petits groupes de recherche et laboratoires, disposant de ressources budgétaires limitées face aux défis du passage au numérique ».
Dans leur cas, la recherche de sources sonores et visuelles vise à redonner la place à la mémoire et donc au lien social vivant. D’où un certain nombre d’interventions humaines animées dans des centres pour retraités, des établissements scolaires, des accueils touristiques etc.
Les possibilité du numérique sont au service d’un travail sur le terrain. C’est l’idée d’une interaction entre la société et les chercheurs à travers un projet commun. Le numérique n’étant qu’un moyen pour faciliter le lien.
« l’individu n’est pas un cobaye mais une personne associée à la compréhension et à la construction de son histoire ».
Un projet documentaire : disque et exil
Ce projet est le fruit d’un travail de collecte auprès de personnes ayant conservé des disques et ayant un lien avec « l’histoire de l’immigration » avant la dispersion ou la disparition de ceux-ci.
La re-constitution sous forme numérique des collections de disques privés des immigrés dans l’Est de la France, dans les années 60-90, retraçant le « goût musical du XXe siècle à partir des discothèques ».
L’idée sous-jacente est celle d’une efficacité sociale de certaine musique et de leur inscription dans les mémoires.
En premier lieu, la nécessité d’une logique de collection de discothèque à numériser est un moyen de resserrer les liens avec la population locale. Les ayant-droits repartent avec une collection de MP3, reflétant le contenu de leur bibliothèque musicale. Une petite partie est accessible en ligne, et le reste étant uniquement accessible aux chercheurs.
Une phase « pilote » a été établie, permettant de repérer les difficultés et écueils à éviter.
La masse des stocks, l’énormité des données et des méta-données ont conduit les chercheurs à réduire cette collection aux musiques ayant un lien direct avec l’histoire des migrations. Le seul critère étant une « conscience explicite » avec ce lien.
En deuxième lieu il s’agit de repérer les critères de classements musicaux, encore un fois, ce sera les critères « d’identifications assumés » qui dicteront la politique d’archivage.
La question n’est pas de sauver le contenu des disques eux-mêmes mais bien de sauver la mémoire de « l’appropriation personnelle » des migrants. Des « références complexes » qui sont le reflet de la construction individuelle.
Le tournant numérique est aussi une affaire participative
Ce projet met en avant l’idée positive qu’on ne peut se passer d’un relais humain, dans un monde numérique, et que la recherche s’accompagne d’une dimension expérimentale sur le terrain.
En amont de la phase de numérisation il y a la rencontre : les moyens humains dégagés pour la numérisation et les échanges avec les témoins et leur histoire.
Préparons-nous à « l’ère post-numérique où les pratiques culturelles vivantes et participatives soient autant de sources que les pratiques stockées sur des supports fixes ».
Pour aller plus loin:
(1) Huma-Num. Le carnet de la TGRI des humanités numériques. En ligne : http://www.huma-num.fr/
(2) Huma-Num Blog. En ligne : http://humanum.hypotheses.org/
(3) Archives des Mondes Contemporains Inventaires et Documents numériques. En ligne : http://arcmc.hypotheses.org/
(4) Billet « Cultures et recherche :vers un moment post-numérique ? ». Archives des Mondes Contemporains Inventaires et Documents numériques. Oanagiota Aganostour et Didier Francfort. 19/01/2015. En ligne : http://arcmc.hypotheses.org/2002
(5) Institut d’Histoire Culturelle Européenne (IHCE). En ligne : http://www.ihce.eu/fr/l-institut.html
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