mercredi 4 mai 2016

Les "biens communs" vont-ils réussir à s'émanciper ?

Les "biens communs" sont des ressources ni privées ni publiques, mises à disposition dans une dynamique collective, pour être partagées suivant certaines règles d'accès et d'usage.
L'enjeu est de transmettre les connaissances acquises au plus grand nombre, tout en conservant un environnement informationnel intègre, dans lequel les droits de chacun sont respectés, ce qui sous entend une politique responsable au niveau mondial, européen et national.
Ce défi constitue aujourd'hui une nécessité dans la démarche d'innovation de la recherche scientifique, mais n'a toujours pas abouti à un consensus en France.


La libre circulation de l'information : réduction des inégalités ?
Le numérique, vecteur naturel des "biens communs", ouvre la voie à la profusion de l'information, sans coût apparent, et à des pratiques sociales de partage généralisé.
Le but est de faciliter la réutilisation, ce qui implique de rendre les données accessibles, intelligibles, fiables et interopérables, et donc dans des modèles standards [1].
Cette ouverture s'inscrit cependant dans un monde "réel", avec ses disparités technologiques, législatives, ses divergences de moyens et de taille d'acteurs, et des finalités mises en jeu différentes. La communication de Ghislaine Chartron et Evelyne Broudoux [2] détaille ainsi ces différentes "asymétries" mondiales et la contradiction qui existe entre la disponibilité offerte et sa concrétisation finale.

Zoom sur les données de la recherche
Des initiatives locales au sein des organismes de recherche sont prises pour encadrer le mouvement de "science ouverte" (open science), comme celle du Comité consultatif commun d'éthique Inra-Cirad [1]. L'objectif est d'organiser et de coordonner les décisions et actions de manière centralisée, permettant l'accès ouvert aux données scientifiques des administrations publiques. Le respect des conditions de préparation des données afin de les standardiser en est la clé.
Le projet DoRANum (Données de la Recherche: Apprentissage NUMérique à la gestion et au partage) du réseau des Urfist et de la Bibliothèque Scientifique Numérique propose quant à lui un dispositif de formation des professionnels de l'information, y compris les chercheurs, afin d'acquérir les bonnes pratiques de valorisation des données mises à disposition du public [3].

Quelle politique nationale ?
Au cœur de l'amendement de l’article 18 bis de la loi numérique de début 2016, le "Text and data mining" ou TDM, permet de donner à l'information sa dimension de "bien commun" pour Savoircom1 [4]. L'ambition est de mettre à disposition dans le domaine public le contenu des corpus scientifiques "en licence Creative Commons « Zéro » CC0".
Pour les défenseurs de TDM, il est primordial pour la France de se rallier à des pays tels que les États-Unis, le Canada, le Japon et la Grande-Bretagne au sein d'une loi qui autorise la fouille automatique des données scientifiques, et ainsi aider les avancées de la recherche grâce aux "analyses et découvertes contenues dans ces productions scientifiques" [5].
Dans sa publication [6], Ghislaine Chartron relate et analyse l'historique et les enjeux soulevés par l'open access, et en particulier l'open science, et met l'accent sur la difficulté en France à trouver un compromis concernant les conditions de diffusion de contenus relevant de droits d'auteurs et du Code de la Propriété Intellectuelle.

Les débats vont-ils aboutir à un consensus ?
Le rapport récent aux ministres chargés de la Culture et de l’Enseignement supérieur sur la « Mission Text and Data Mining » rédigé par Charles Huot, président du Groupement Français de l’Industrie et de l’Information (GFII) a eu pour effet de déclencher la démission des principaux organismes membres de recherche publics.
Son objectif était d'accorder les différentes parties prenantes concernant les modalités et le périmètres des contenus autorisés à être extraits et réutilisés.
L'association EPRIST juge les positions prises comme allant à l'encontre du progrès scientifique, sans mise en marche de la France dans le mouvement européen en matière de droit, donc déconnectées de l'intérêt général et ne répondant pas aux attentes [5].
Le texte remanié du projet de Loi pour une République numérique va être examiné au sénat à la fin du mois d’avril puis fera l’objet d’un dernier vote à l’Assemblée Nationale le 5 mai [4]. Les compromis accordés sont un premier pas vers l'ouverture pour certains, afin que la société en bénéficie pleinement au final.

Va t'on enfin réussir à concilier la protection des communs et la garantie de leur essence même, celle du partage ?

Creative commons CC0 [7]


Sources :

[1] Cirad.  La Recherche Agronomique pour le Développement : "Ethique | Le partage et la gestion des données issues de la recherche" [en ligne]. 11 avril 2016. [consulté le 4 mai 2016]. cirad.fr.
http://www.cirad.fr/actualites/toutes-les-actualites/articles/2016/ca-vient-de-sortir/ethique-le-partage-et-la-gestion-des-donnees-issues-de-la-recherche.
[2] Ghislaine Chartron, Evelyne Broudoux. CCSD - Archive Ouverte en Sciences de l'Information et de la Communication : "Enjeux géopolitiques des données, asymétries déterminantes" [en ligne]. 19 avril 2016. [consulté le 4 mai 2016]. ccsd.cnrs.fr.
http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_01304035.
[3] Réseau des URFIST. Urfistinfo : "DoRANum BSN: des ressources de formation et d’auto-formation sur les données de la recherche" [en ligne]. 11 février 2016. [consulté le 4 mai 2016]. urfistinfo.hypotheses.org/.
http://urfistinfo.hypotheses.org/tag/donnees-de-la-recherche.
[4]  Savoircom1 : "Pour une véritable exception text mining dans la Loi sur le numérique!" [en ligne]. 22 avril 2016. [consulté le 4 mai 2016]. savoirscom1.info.
http://www.savoirscom1.info/2016/04/pour-une-veritable-exception-text-mining-dans-la-loi-sur-le-numerique/?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+Savoirscom1+%28SavoirsCom1%29&utm_content=Netvibes
[5] Thérèse Hameau. Site d'information sur les données de la recherche : "« Mission Text and Data Mining » : beaucoup de bruit pour rien…" [en ligne]. 21 avril 2016. [consulté le 4 mai 2016]. donneesdelarecherche.fr.
http://www.donneesdelarecherche.fr/spip.php?article817
[6] Ghislaine Chartron. CCSD - Archive Ouverte en Sciences de l'Information et de la Communication : "Stratégie, politique et reformulation de l’open access" [en ligne]. 19 avril 2016. [consulté le 4 mai 2016]. ccsd.cnrs.fr.
http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_01304045
[7] Image du domaine public [en ligne]. 24 avril 2015. [consulté le 4 mai 2016]. Pixabay.
https://pixabay.com/photo-735787/

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