dimanche 13 décembre 2020

Archivage et innovation technologique : l'ADN pourrait-être une solution au stockage des mégadonnées à l'horizon 2040

 Dans une publication aux allures de science-fiction, l'Académie des Technologies annonçait le 15 octobre 2020 les résultats d'un état des lieux sur les progrès et enjeux du stockage des données dans l'ADN. Le rapport est sans appel au regard des différentes recherches en cours dans le domaine : l'ADN serait une solution de loin supérieure à toutes les technologies utilisées actuellement par les acteurs du Big data.  

Stockage des données dans l'ADN humain, de quoi s'agit-il ?

La planète évolue sous l'ère du numérique. Cette situation génère une énorme quantité de données qui, en 2018, selon l'Académie des Technologie, " était de l'ordre de trente-trois mille milliards de milliards de caractères (octets), du même ordre que le nombre estimé de grains de sable sur terre " [1]. C'est dire à quel point il est important voire urgent de trouver des moyens alternatifs plus performants pour stocker cette masse d'informations toujours croissante. 

Depuis quelques années, les recherches qui explorent la piste de l'ADN comme solution se précisent. Le processus, en laboratoire, consiste à encoder et synthétiser l'ADN humain pour repousser ses capacités de stockage. On estime à 750 mégabits, l'équivalent d'un film de moindre qualité, la taille du génome humain (ADN). Grâce à ce travail, on pourrait stocker en théorie dans 1 mm3 d'ADN, un milliard de gigaoctet de données. Chloé HECKETSWEILER décrit un peu plus le processus en ces termes : 

" il s'agit de convertir les données stockées en forme de 0 et de 1 dans un ordinateur en une succession de nucléotides. Ces molécules désignées par A, T, C et G composent l'alphabet de l'ADN : grâce aux progrès spectaculaires de la biologie moléculaire, il est désormais possible de les lire - c'est le séquençage - mais aussi de les écrire - c'est la synthèse " [2]. 

Elle poursuit en faisant référence à Yaniv ERLICH, professeur d'informatique à l'Université Colombia, qui en 2017, s'était amusé à encoder dans des brins d'ADN puis à décoder L'arrivée d'un train à La Ciotat, un film des années 1895. Ainsi, le processus est possible mais il demande davantage de moyens et de recherche pour une application à grande échelle. 

Stockage de données dans l'ADN : Acteurs et  enjeux

  • Acteurs

La concurrence qui existe dans le domaine de la recherche, du développement et de l'innovation met au prise de nombreux acteurs. Mais les États-Unis d'Amérique semblent bien avancés pour ce qui est des travaux de recherches sur l'ADN comme support de stockage des données. Le Massachusetts Institute of Technology (MIT), Harvard et l'entreprise Illumina travaillent actuellement sur une machine capable d'encoder dans une molécule un téraoctet de données - l'équivalent de 250 films - en 24h pour un coût maximal de 1 000 dollars (902 euros) [3]

L'intelligence Advanced Research Projtects Activity (IARPA) a investi 48 millions de dollars dans ce projet. L'Europe n'est pas en reste dans cette aventure avec la participation de l'entreprise française DNA Script qui a réussi aux cotés de Microsoft et la biotech Twist Bioscience, à décrocher une partie du financement américain. [4]

  • Enjeux

 La capacité de stockage semble être le principal argument avancé par ceux qui soutiennent les énormes investissements qui sont faits dans ce domaine. L'humanité pourrait bénéficier, à l'issue de ces recherches, d'une technologie sans pareille. Selon Tomas YBERT " cela permettrait de stocker toute la production informatique annuelle du monde dans un coffre de voiture, il est clair que de nombreux enjeux gravitent autour de ces recherches sur l'ADN comme support de stockage des données " [5]. 

 D'un autre coté, conservé à bonne température, l'ADN a contrario des autres supports traditionnels utilisés jusqu'ici, a une durée de vie de l'ordre du millénaire. Ce qui réduit significativement tout risque d'obsolescence qui caractérise les supports actuels. 

Les écologistes seraient eux aussi enthousiasmés par l'aboutissement de ce projet quand on estime à un stade de foot la superficie d'un data center et il en aurait des milliers dans le monde.  Nombre sans cesse croissant du fait de l'obligation des géants d'internet de multiplier les data centers pour faire face à la crise de stockage qui sévit actuellement [6]. Et l'ADN ne nécessitant pas d'énergie, la consommation mondiale diminuerait de manière considérable. 

Malgré quelques appréhensions qui subsistent encore chez certaines personnes au sujet de la mise en place de cette nouvelle technologie, l'humanité semble nourrir beaucoup d'espoir dans cette promesse scientifique. En attendant 2040 pour être fixé, continuons à observer de près cette actualité.

 

Références bibliographiques : 

[1] VIGINIER Pascal, Archiver les méga données au-delà de 2040 : la piste de l'ADN, Paris, Académie des Technologie  [en ligne], consulté le 25/11/2020 : https://www.academie-technologies.fr/blog/categories/publications-de-l-academie/posts/archiver-les-megadonnees-au-dela-de-2040-la-piste-de-l-adn

[2] HECKETSWEILER Chloé, Le gouvernement américain investit dans le stockage de données dans l'ADN, Paris, Le Monde [en ligne], consulté le 29/11/2020 : https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/01/22/le-gouvernement-americain-investit-dans-le-stockage-de-donnees-dans-l-adn_6026763_3234.html 

[3] Ibid.

[4] HOUZELLE Chantal, DNA Script mise sur le stockage des dponnées dans l'ADN à dix ans, Paris, Les Echos [en ligne], consulté le 30/11/2020 : https://www.lesechos.fr/pme-regions/innovateurs/dna-script-mise-le-stockage-des-donnees-dans-ladn-a-dix-ans-1164638

[5] DESMICHELLE Stéphane, L'ADN, une piste sérieuse pour stocker nos milliards de données, Paris, Sciences et Avenir [en ligne], consulté le 29/11/2020 : https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/l-adn-une-piste-serieuse-pour-stocker-nos-milliards-de-donnees_113820 

[6] KOPPE Martin, Stockage de données : les promesses de l'ADN synthétique, Paris, LE Journal CNRS,https://lejournal.cnrs.fr/articles/stockage-de-donnees-les-promesses-de-ladn-synthetique 

      LEMKE Coralie, Peut-on vraiment stocker des données dans l'ADN ?, Paris, Sciences et Avenir [en ligne], consulté le 30/11/2020 : https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/l-adn-une-piste-serieuse-pour-stocker-nos-milliards-de-donnees_113820

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