Aujourd'hui vous avez peut-être remercié Facebook de vous avoir rappelé l'anniversaire de votre vieil ami qui ne compte déjà plus les messages que ses amis ont inscrit sur son mur pour l'occasion. Vous avez sans doute également béni Googledocs ces dernières semaines d'abriter tous les documents des projets sur lesquels vous travaillez, ou encore ces derniers mois Flickr ou Picasa de stocker et vous permettre de partager vos photos... mais si d'un coup tout disparaissait? Qu'adviendrait-il de votre mémoire?
le présent, déjà une archive
Nous notons, annotons, filmons, photographions, produisons des documents qui sitôt créés et mis en ligne (ou de plus en plus souvent créés directement en ligne) sont automatiquement classés, datés, et archivés. Nul besoin d'attendre, de choisir, de préférer ou de retirer, autrement dit de sélectionner ou hiérarchiser ; nous avons à la fois les outils et l'espace pour nous en passer, ou du moins nous en avons le sentiment.
Mais à jouer à ce petit jeu-là, affirme l'historien Jean-Pierre Rioux dans un article paru dans la Croix et daté d'hier "nous sommes désormais dans un perpétuel présent où tout est à la fois créé et conservé". Il ajoute que nous arrivons "à un monde où tout fait mémoire. Autrement dit, à un monde où il n’y a plus de mémoire".
mémoire & empruntes
Car la mémoire est un apprentissage qui se joue dans le temps. Elle peut être sensorielle, à court terme ou à long terme, et selon le tri, la sélection et la hiérarchisation que nous faisons de l'information qui nous entoure, nous créons des souvenirs dans lesquels nous puisons au gré de nos besoins.
Mieux encore une expérience conduite sur des rats a permis à des neurobiologistes d'affirmer que le souvenir est un acte création, ou plutôt de recréation de l'expérience vécue. Dès lors, écrit Rémi Sussan sur le blog Internet Actu, l'homme ne peut être "considéré comme identique à [ses] traces".
l'âme humaine
La question de ce qui fait l'homme et de la mémoire est soulevée dans le très sombre Dark City. Dans ce film de science-fiction de 1998 d'Alex Proyas, des humanoïdes dont la race est en voie d'extinction, mènent des expériences sur les hommes, dont tous les soirs, à minuit, ils modifient voire intervertissent la mémoire pour analyser leurs réactions et sonder leurs âmes. Le protagoniste, frappé d'amnésie suite à l'échec d'une de ces expérience, court quant à lui après sa mémoire. Le film conclut sur l'idée que ce qui ferait homme, l'âme humaine, ne se résumerait pas à la somme de ses souvenirs.
le droit à l'oubli
Si j'ai commencé ce billet en imaginant une disparition de cette mémoire numérique, il est également possible de s'interroger sur l'oubli. Et l'hypothèse la plus probable est d'ailleurs qu'il nous sera de plus en plus difficile d'oublier. Un constat qui a poussé le gouvernement français à publier en octobre 2010 "La charte du droit à l'oubli dans les sites collaboratifs et les moteurs de recherche" signée par dix acteurs du web, au rang desquels le géant Microsoft, qui sont se sont engagés à
• à améliorer la transparence de l'exploitation des données publiées par les internautes ;
• à faciliter la possibilité pour une personne de gérer ses données sur la toile.
Une charte que ni Google, ni Facebook n'ont voulu signer.
1 commentaire:
Excellent !
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