lundi 26 janvier 2015

Société de données, statistique et positivisme

Derrière l’idée selon laquelle notre monde est dorénavant gouverné par les données, il y a celle que la statistique ou les différents modes d’exploitation de ces données nous gouvernent. Et même si l’on peut faire dire tout et son contraire à des données selon la façon de les traiter, la statistique n’en est pas moins un outil de pouvoir très puissant…

 

Si ce constat incite à mettre encore davantage en doute chaque chiffre avancé par les institutions ou groupes politiques, il ne doit pas pour autant placer la statistique aux oubliettes des outils de communication. C’est plutôt une vision positive de l’usage des mathématiques sur les données qu’ont voulu mettre en avant les auteurs de Statactivisme, Comment lutter avec les nombres (1).

Statistique rime avec arme critique


Cet ouvrage - paru en mai 2014 - regroupe les contributions de scientifiques, artistes et militants (2). Ils y déclinent des moyens de s’approprier les nombres avec, par exemple, l’idée de "quantifier contre les chiffres", comme le propose Damien de Blic lorsqu'il relate une tentative d'estimation du coût que peuvent représenter pour l'Etat les expulsions des sans-papiers. De fait, comme les données sont souvent accessibles à tous grâce aux multiples initiatives d'Open Data, chacun peut s’en emparer et ainsi mieux comprendre les données avancées pour servir les arguments politiques. Le propos de "Stat-activisme" incite finalement le citoyen à (re)prendre possession du pouvoir qu’il pourrait avoir avec les nombres (3).

De nouveaux concepts pour de nouvelles représentations


Une autre voix positive s’élève face aux données, celle de Lev Manovitch, penseur du numérique russe émigré aux Etats-Unis, interviewé en juin dernier pour l'émission de France Culture "Place de la toile" (4). Selon l’auteur du Langage des nouveaux médias, même si le nombre infini de variables que font surgir les données est fragilisant pour les sociétés, ces dernières sont à même de faire émerger de nouvelles représentations. En effet, les notions de classe, de genre ou d'ethnie pourraient devenir d’obsolètes preuves de l’altérité qui laisseraient la place au croisement de nouveaux critères comme les goûts, pratiques culturelles, mobilités, etc. Et peut-être que les sociétés s'en porteraient mieux.


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(1) Statactivisme. Comment lutter avec les nombres, Isabelle Bruno, Emmanuel Didier, Julien Prévieux, Editions La Découverte, Zones, Paris, 2014. http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=184

(2) "Statactivisme, comment lutter avec les nombres", 25 juin 2014, Blog J'ai du bon data sur LeMonde.fr, Alexandre Léchenet. http://data.blog.lemonde.fr/2014/06/25/statactivisme-comment-lutter-avec-les-nombres/

(3) "Statactivisme, comment lutter avec les nombres", juin 2014, Alternatives Economiques n° 336, Igor Martinache. http://www.alternatives-economiques.fr/stat-activisme--comment-lutter-avec-des-nombres_fr_art_1302_68422.html

(4) "Une société de données, ce n'est pas comme une société de statistiques", 26 juin 2014, France Culture. http://www.franceculture.fr/emission-ce-qui-nous-arrive-sur-la-toile-une-societe-de-donnees-ce-n-est-pas-comme-une-societe-de-st

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