Les facettes de l’usage des réseaux sociaux sont multiples ; si les plateformes profitent de la participation des utilisateurs, cela n'est pas sans contrepartie. La création de comptes de commémoration permet aux personnes en deuil de saluer la mémoire de leurs proches décédés.
"Ce jour-là" est une fonctionnalité de Facebook qui propose à l’usager
des publications datées de l’année dernière, voire 10 ans auparavant,
pour republication dans son fil d'actualité. Si les réseaux sociaux nous
incitent à la participation constante, à la création du buzz avec le
partage de contenu d’actualité, quelle est la valeur de ces "données du
passé" ? La nostalgie provoquée par ces
souvenirs nous enjoint à l'action : reconnecter, republier,
repartager... Le but, observe Bruno Salgues, est d'inciter l'internaute à
travailler volontairement et gratuitement pour les plateformes. [1]
Par exemple, ajouter des hashtags à des photos de vacances crée des informations qui peuvent "être vendues à des régies publicitaires ou, mieux, être utilisées pour calibrer des intelligences artificielles qui proposent automatiquement de prochains séjours aux vacanciers". Les chercheurs Antonio Casilli et Paola Tubaro nomment cette production de données le “travail du clic”. La notion de vie privée est devenue une négociation, un échange de comportements et d’informations, et ce travail fait par les usagers est indispensable pour le modèle économique des plateformes. [2
Les pratiques de production de données par nous, autour de nous et à propos de nous ont un impact même dans la manière de faire le deuil aujourd'hui : après la mort physique, les identités numériques demeurent et parfois évoluent, transformées en "comptes de commémoration" gérés par un "contact légataire" [3]. Facebook a 2,3 milliards d'utilisateurs, et ses comptes de commémoration sont consultés par 30 millions de personnes chaque mois [4]. La chercheuse Jo Bell étudie l’appropriation de ces espaces, qui permettent l’expression des sentiments autour de la perte et réduisent l’isolement [3]. Et conclut : "les gens ne meurent plus comme avant".
Sources
[1] SALGUES, Bruno. Comment les réseaux sociaux font commerce de la
nostalgie. The Conversation [en ligne], 3/4/2019. Disponible en ligne
[Consulté le 8/4/2019] : <
https://theconversation.com/comment-les-reseaux-sociaux-font-commerce-de-la-nostalgie-112456
>
[2] CASILLI, Antonio, TUBARO, Paola. Notre vie privée, un concept négociable. Casilli.fr [en ligne], 22/1/2018. Disponible en ligne [Consulté le 8/4/2019] : < http://www.casilli.fr/2018/01/22/la-vie-privee-et-les-travailleurs-de-la-donnee-le-monde-22-janv-2018/ >
[2] CASILLI, Antonio, TUBARO, Paola. Notre vie privée, un concept négociable. Casilli.fr [en ligne], 22/1/2018. Disponible en ligne [Consulté le 8/4/2019] : < http://www.casilli.fr/2018/01/22/la-vie-privee-et-les-travailleurs-de-la-donnee-le-monde-22-janv-2018/ >
[3] BELL, Jo. Comment Internet change la manière de faire son deuil. The
Conversation [en ligne], 27/8/2018. Disponible en ligne [Consulté le
8/4/2019] : <
https://theconversation.com/comment-internet-change-la-maniere-de-faire-son-deuil-101908
>
[4] Facebook veut mieux prendre en compte le décès d’un utilisateur. Le Parisien, 10/4/2019. Disponible en ligne [Consulté le 10/4/2019] : < http://www.leparisien.fr/high-tech/facebook-veut-mieux-prendre-en-compte-le-deces-d-un-utilisateur-10-04-2019-8050014.php >
[4] Facebook veut mieux prendre en compte le décès d’un utilisateur. Le Parisien, 10/4/2019. Disponible en ligne [Consulté le 10/4/2019] : < http://www.leparisien.fr/high-tech/facebook-veut-mieux-prendre-en-compte-le-deces-d-un-utilisateur-10-04-2019-8050014.php >
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