La question de l'accès aux archives classées "secret-défense" continue de faire couler beaucoup d'encre au sein de la presse française, des associations d'archivistes, chercheurs, juristes français et même de certaines organisations internationales telles que la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) ou le Conseil international des archives (CIA) durant cette année 2020. Pour cause, l'adoption en 2019 d'une mesure interministérielle qui venait restreindre de manière rigoureuse l'accès aux archives contemporaines dont les dates extrêmes sont comprises entre 1940 et 1970.
©️ Olivier Le Moal
Que dit la loi française sur les archives publiques et leur communicabilité ?
Le cadre législatif français est doté d'un arsenal juridique qui encadre l'accès aux archives de manière général. Les archives publiques bénéficient de différentes dispositions dont la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal; la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives ou encore le Code du patrimoine français dans sa version en vigueur depuis le 16 juillet 2008.
Dans son article 2, la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 stipule que :
"sous réserve des dispositions de l'article 6 les documents administratifs sont de plein droit communicables aux personnes qui en font la demande, qu'ils émanent des administrations de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes, fussent-ils de droit privé, chargés de la gestion d'un service public" [1].
Le Code du patrimoine, quant à lui, dans son article L213-2, définit clairement le délai au-delà duquel les documents d'archives publiques peuvent être librement consultés. Délai qui est de " soixante ans à compter de la date de l'acte pour les documents qui contiennent des informations mettant en cause la vie privée ou intéressant la sûreté de l’État ou la défense nationale et dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État " [2].
Ainsi, la loi française est claire. Les archives publiques, patrimoine commun de la nation, sont communicables à toute personne qui en fait la demande dans le respect des dispositions légales. Dès lors, d'où vient-il que des archives publiques concernant l’État français datant de plus d'une cinquantaine d'années soient difficiles d'accès?
Archivistes, juristes, historiens français et Al. VS l'article 63 de l'IGI n° 1300
La faute à l'article 63 de l'instruction générale interministérielle n° 1300 s'offusquent de nombreux acteurs de la société française et internationale. L'application de cet article vient alourdir le processus de communication des archives frappées du sceau "secret-défense" en les subordonnant à une procédure de déclassification qui rend leur consultation incertaine. En dépit de l'argumentaire du Secrétariat de la Direction générale de la Sûreté nationale sur le bien-fondé de cette mesure, le Conseil international des archives (ICA) fit un communiqué de presse en octobre dernier pour dénoncer cette situation. Selon cette organisation,
"les archives sont le moyen essentiel de comprendre l'histoire ainsi que les décisions et les actions prises par les gouvernements. La suppression de l'accès aux archives compromet non seulement la recherche, mais aussi la responsabilité et la transparence gouvernementale" [3].
En substance de cette affirmation, certains journalistes voient l'affaire Maurice Audin et d'autres questions de la période coloniale dont la résolution dépend fortement de l'accès sans restriction aux archives datant des années 1950 [4].
La Ligue des Droits de l'Homme (LDH) n'a pas manqué d'appuyer les associations et personnalités qui ont déposé un recours auprès du Conseil d’État. Parmi elles, on peut citer le collectif Archives ça-débloque, l'Association des archivistes français (AAF) et le collectif Maurice Audin [5]. Les actions menées par tous ces acteurs demeurent en cours. Et en attendant, toutes les personnes qui souhaitent consulter lesdites archives sont appelées à prendre leur mal en patience.
En marge de cette affaire qui préoccupe les Français et la communauté internationale, ne faut-il pas voir une fois de plus l'importance du rôle sociétal des archives/archivistes (professionnels de l'information) qui contribuent, entre autre, à l'édification d'une société plus libre et démocratique ?
Références bibliographiques :
[1] LANDAIS Claire, Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures
d'amélioration des relations entre l'administration et le public et
diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, Paris, SGG [en ligne] consultée le 12/11/2020 : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006528216/1978-07-18
[2] LANDAIS Claire, Code du patrimoine, Paris, SGG [en ligne] consultée le 12/11/2020 : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000006845611/2008-07-16/
[3] Archives ça dé-bloque, page twitter Archives ça dé-bloque [consultée le 21/11/2020] : https://twitter.com/ArchiCaDebloque/status/1315960930845548544?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1315960930845548544%7Ctwgr%5E&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.archivistes.org%2FSuivre-les-actualites-du-debat-sur-l-acces-aux-archives-classifiees-secret
[4] BORDENAVE Yves, Affaire Maurice Audin : des archives ouvertes au compte-gouttes, [en ligne], consulté le 21/11/2020 : https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/09/02/affaire-audin-des-archives-ouvertes-au-compte-gouttes_6050634_823448.html
[5] GARY Nicolas, Secret-défense : le Conseil d’État se saisit des archives classifiées, Paris, Actualitté, 2020 [en ligne] consultée le 22/11/2020 : https://www.actualitte.com/article/patrimoine-education/secret-defense-le-conseil-d-etat-se-saisit-des-archives-classifiees/102936?origin=newsletter
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire