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Bibliobsession de Silvère Mercier ont été consacrés au sujet des biens communs, en tant que nouveau paradigme dans lequel peuvent s’inscrire les professionnels de l’info-doc. Ces deux contributions s'inspirent de l'ouvrage paru en mai 2011 aux éditions C&F,
Libres savoirs : Les biens communs de la connaissance - produire collectivement, partager et diffuser les connaissances au XXIe siècle. Je présenterai ici les grandes lignes de cette publication qui apporte un regard mondial sur les biens communs de la connaissance compris comme moteur de l'économie et de l'organisation sociale.
Une utopie pragmatiqueDans l'introduction à l'ouvrage, Valérie Peugeot, présidente de l'association Vecam (qui a coordonné cette publication) et chercheuse à l'Orange Labs, parle d'une utopie pragmatique que constituent les biens communs de la connaissance.
Si on admet, dit l'auteure, que la connaissance, véhiculée par l'information, est aujourd'hui ce que l'énergie, les matières premières et la force de travail furent aux sociétés agricole et industrielle, les conditions de sa circulation, son appropriation et son partage deviennent essentiels.
Toute cette réflexion sur les biens communs immatériels part du constat que l'économie libérale et sa philosophie se sont appropriées les règles gérant les conditions de propriété et de redistribution des ressources informationnelles et des connaissances. On y observe la prédominance de la logique du marché et le renforcement progressif des droits de propriété.
Pourtant, la connaissance n'est pas comme du pétrole ou de l'acier. L'accaparement du savoir non seulement génère des inégalités, au détriment des populations exclues de cette redistribution, mais de plus, une concentration des biens informationnels et les limites à leur circulation réduisent la créativité et la diversité culturelle. Ainsi, les investissements risquent de se concentrer dans les mains de quelques acteurs capables de dépouiller les populations de leurs savoirs historiques et de priver les communautés de leurs propres ressources.
C'est face à cette logique que d'autres manières de penser la mise à disposition de la connaissance, l'accès au savoir et la rémunération des créateurs ont vu le jour. Des communautés se sont créées - dans des univers très variés - pour expérimenter une autre gouvernance, autour des biens communs. Ces initiatives, au début éparses et plutôt isolées, ont assez récemment (on parle de cinq dernières années) commencé à se décloisonner.
Des communautés locales vers une communauté mondialeLe livre
Libres savoirs rassemble des auteurs relevant de ces différents communautés : la diversité des sujets traités est marquante, à commencer par la santé, les semences, la biopiraterie, jusqu'aux ressources éducatives partagées, logiciels, publications scientifiques et le design ouvert. La publication témoigne d'une prise de conscience importante par les acteurs d'un sens commun de leurs actions.
Si ce regard mondial, représenté ici par une trentaine d'auteurs, a été possible, c'était grâce à une série de facteurs déclencheurs, distinguée par Valérie Peugeot, dont :
- la constitution des communautés (entre les années 80 et 2000) autour du logiciel libre, les Creative commons, l'open access, les archives ouvertes..., questionnant les modèles économiques existants ;
- la publication en 2007, de l'ouvrage fondateur
Understanding knowledge as a commons d'Elinor Ostrom et Chartotte Hess. (Elinor Ostrom, économiste américaine, a d'ailleurs reçu le Prix Nobel d'économie 2009, pour ses travaux sur la gouvernance des communs). En effet, la confrontation entre les ressources naturelles et les connaissances est riche de répercussions - notamment, elle permet de réinscrire les communs de l'immatériel dans une histoire en leur apportant de la légitimité ;
- l'apparition de nouvelles communautés autour du "open hardware", mouvement inspiré par le logiciel libre et appliquant ses règles au monde "matériel".
Cette dimension mondiale ne diminue pas le caractère pragmatique du mouvement : les défenseurs des communs ne cherchent pas à construire une narration globale mais répondent toujours aux besoins très concrets et souvent locaux.
L'ouvrage même ne veut pas proposer une vision unique du monde. Il a plutôt pour ambition, comme disent les auteurs, de contribuer au renouvellement de la pensée transformatrice, et se veut porteur du questionnement et de la dynamique entre une économie traditionnelle qui cherche à appliquer les modèles historiques à l'immatériel, et les mouvements existant autour du partage de la connaissance, qui veulent décloisonner cet espace.
Pour aller plus loinValérie Peugeot, invitée de l'émission Place de la toile, France Culture, décembre 2011Pour un secteur de l’Information-documentation sous le signe des biens communs de la connaissanceOpen data et bibliothèques sous le signe des biens communs de la connaissance