Le 12 décembre 2018 a été publié un décret relatif aux catégories de documents à caractère administratif pouvant être rendus publics(1), et sans que cela rende nécessaire une opération d'anonymisation de ces données. Cet énième acte du législateur semble parachever le dispositif de protection des données personnelles. Ce décret peut marquer la fin d'un cycle d'harmonisation européenne de réglementation du web 2.0 : il aura commencé en 2016, et le point d'orgue aura été l'entrée en vigueur du règlement européen relatif à la protection des données personnelles (ou RGPD) le 25 mai 2018.
Comment expliquer l'open data ? Est-ce que la France suit une politique originale en la matière, à la différence de ses partenaires européens ? Et quelles sont les conséquences directes pour les pouvoirs publics ?
1. Le mouvement Open Data et les données publiques : caractéristiques éthiques principales.
On peut définir l'open data comme une volonté de porter à la connaissance du plus grand nombre des données spécifiques, et ce de façon gratuite et sans aucune contrepartie (2). Ces données se présentent sous la forme d'informations ayant un intérêt général. Pour être rendues publiques et être conformes à l'environnement légal, elles ne doivent comporter aucun élément discriminant.
Le mouvement "Open data" porte des valeurs, notamment la transparence et la gratuité. Pour tenter de définir les données publiques éligibles à l'ouverture, on peut se reporter à la section I de la loi du 7 octobre 2016 pour une république numérique (3) :
Si échanger semble s'expliquer par un rattachement intrinsèque au capitalisme, et la gratuité à la notion de service public, les racines de la transparence semblent être ailleurs. La lointaine origine de cette lame de fond ne remonterait-elle pas plutôt à ce mois de juin 1972, lors duquel la société civile américaine a découvert le scandale du Watergate ?
Si la loi Lemaire pour une République Numérique bénéficie des antécédents législatifs dans le domaine de la protection des données publiques, un des apports de cette loi réside peut-être dans l'élaboration d'une identité numérique (5). Si cette notion a pris corps grâce aux rédacteurs de la loi, est-ce que cette préoccupation est le propre du seul législateur français ?
Il apparaît que cette diffusion des données publiques doit être contrôlée, car leur objet est un bien commun. Les appels à la transparence, à la gratuité, et au libre accès ont pour conséquence d'obliger les pouvoirs publics à afficher des contenus libres de droit. Par conséquent, les pouvoirs publics ont constitué une équipe interministérielle dont le rôle est de favoriser le partage des données des ministères et administrations dans un souci de meilleure évaluation des politiques publiques : c'est la mission d'ETALAB. La mise en production du site data.gouv.fr est l'aboutissement d'années d'efforts visant à construire une administration électronique.
Le mouvement "Open data" porte des valeurs, notamment la transparence et la gratuité. Pour tenter de définir les données publiques éligibles à l'ouverture, on peut se reporter à la section I de la loi du 7 octobre 2016 pour une république numérique (3) :
"Les administrations [...] sont tenues de communiquer dans le respect de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les documents administratifs qu'elles détiennent aux autres administrations mentionnées [...] qui en font la demande pour l'accomplissement de leurs missions de service public."Comme il est écrit, le législateur précise les modalités de réutilisation des données publiques. Il est bien précisé que le motif invoqué pour toute exploitation est l'accomplissement d'une mission de service public. Peu après est mentionné le principe de gratuité :
"A compter du 1er janvier 2017, l'échange d'informations publiques entre les administrations de l'État [...] ne peut donner lieu au versement d'une redevance".L'open data est un des affluents du grand fleuve que les chercheurs, observateurs, et experts nomment le "big data" ; ce mouvement a fait l'objet d'un colloque en sciences de l'information organisé en 2015, et qui s'est tenu à Rabat (4). Paquets de données massives, programmes précurseurs, centres de données de plus en plus puissants : s'il y a une mondialisation des échanges, c'est aussi à ce niveau qu'on la mesure. Les actes de ce colloque livrent une analyse en profondeur des concepts de ces deux phénomènes contemporains : big data et open data, indissociables faces d'une même médaille.
Si échanger semble s'expliquer par un rattachement intrinsèque au capitalisme, et la gratuité à la notion de service public, les racines de la transparence semblent être ailleurs. La lointaine origine de cette lame de fond ne remonterait-elle pas plutôt à ce mois de juin 1972, lors duquel la société civile américaine a découvert le scandale du Watergate ?
Si la loi Lemaire pour une République Numérique bénéficie des antécédents législatifs dans le domaine de la protection des données publiques, un des apports de cette loi réside peut-être dans l'élaboration d'une identité numérique (5). Si cette notion a pris corps grâce aux rédacteurs de la loi, est-ce que cette préoccupation est le propre du seul législateur français ?
2. Une exception française ? L'exigence d'open data et ses conséquences
Est-ce que la France suit une politique originale ? En vérité, l'entrée en vigueur du Règlement européen relatif à la protection des données personnelles (RGPD) (6) a été l'occasion d'harmoniser diverses politiques menées par les États depuis de nombreuses années. Si les pouvoirs publics de France ont décidé de créer la Commission nationale de l'informatique et des libertés (7), les Pays-Bas disposent aussi d'un organisme dont les missions et attributions recouvrent le même périmètre (8). L'Agentschap voor gegevensbescherming in Nederland aurait rendu un rapport récent relatif à la télémétrie de Microsoft Office (9), considéré comme contraire aux nouvelles dispositions.
La politique de protection des données peut être considérée comme la conséquence logique de cette mise à disposition d'informations au grand public.
La France a-t-elle voulu montrer sa singularité en élaborant une loi adaptant le RGPD à son territoire le 20 juin 2018 ? D'une manière générale, les règlements européens sont appliqués à la lettre dans les différents états de l'Union, à la différence des directives.
La France a-t-elle voulu montrer sa singularité en élaborant une loi adaptant le RGPD à son territoire le 20 juin 2018 ? D'une manière générale, les règlements européens sont appliqués à la lettre dans les différents états de l'Union, à la différence des directives.
Il apparaît que cette diffusion des données publiques doit être contrôlée, car leur objet est un bien commun. Les appels à la transparence, à la gratuité, et au libre accès ont pour conséquence d'obliger les pouvoirs publics à afficher des contenus libres de droit. Par conséquent, les pouvoirs publics ont constitué une équipe interministérielle dont le rôle est de favoriser le partage des données des ministères et administrations dans un souci de meilleure évaluation des politiques publiques : c'est la mission d'ETALAB. La mise en production du site data.gouv.fr est l'aboutissement d'années d'efforts visant à construire une administration électronique.
Ainsi, les pouvoirs publics accompagnent un mouvement de fond propre aux sociétés occidentales, et qui transforme leur pratiques, leurs formes, et leurs actions.
Sources :
(1) JOST, Clémence. Archives et open data : les catégories de documents pouvant être publiés sans anonymisation enfin fixées par décret, Archimag, [en ligne], 13/12/2018 [consulté le 22 décembre 2018]. Disponible sur https://www.archimag.com/univers-data/2018/12/13/archives-open-data-documents-publies-sans-anonymisation-decret.
(2) La Rédaction JDN. Open data : définition, traduction et synonymes, Journal du Net [en ligne], 4 novembre 2018 [consulté le 22 décembre 2018]. Disponible sur https://www.journaldunet.fr/business/dictionnaire-du-marketing/1198329-open-data-definition-traduction-et-synonymes/.
(3) Loi n°2016-1321 pour une République numérique, 7 octobre 2016, titre premier, chapitre premier, section 1, article 1 [consulté le 22 décembre 2018]. Disponible en ligne sur légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2016/10/7/ECFI1524250L/jo/texte.
(4) Big Data - Open Data : Quelles valeurs ? Quels enjeux ? Actes
du colloque « Document numérique et société », Rabat, 2015. De Boeck Supérieur,
« Information et stratégie », 2015, 282 pages [consulté le 22 décembre 2018]. ISBN : 9782807300316. Disponible sur :
https://www.cairn.info/big-data-open-data-quelles-valeurs--9782807300316.htm.
(5) BARDIN, Michaël. L’identité numérique et le droit : esquisse d’une conciliation
difficile, Hermès, La Revue, 2018/1 (n° 80), p. 283-291 [consulté le 22 décembre 2018]. Disponible sur https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2018-1.htm-page-283.htm.
(6)Règlement européen (UE) 216/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et abrogeant la directive 95/46/CE [consulté le 22 décembre 2018]. Disponible sur Eur-Lex : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32016R0679, .
(7) Plus connue sous son acronyme "CNIL", cette autorité administrative indépendante (AAI) est accessible en ligne : https://www.cnil.fr/.
(9) CIMPANU, Catalin. Pays-Bas : la télémétrie de Microsoft Office enfreint le RGPD, Zdnet [en ligne], 15.11.2018 [consulté le 22 décembre 2018]. Disponible sur : https://www.zdnet.fr/actualites/pays-bas-la-telemetrie-de-microsoft-office-enfreint-le-rgpd-39876517.htm