Selon le Canard Enchaîné du 11 février 2015, Bercy étudierait, sur une proposition de la Ministre de la Culture, Fleur Pellerin, une taxation sur la bande passante. Cette taxe a notamment pour objectif de faire payer les géants du web qui à l'heure actuelle par un savant jeu d'optimisation fiscale parviennent à ne payer que peu d'impôt en France.
Comment cela fonctionne ?
Cette taxe serait calculée en fonction de la consommation d'octet d'une entreprise. Plus une entreprise serait gourmande en bande passante, plus elle devrait payer à l’État une taxe élevée. Mais cette taxation ne serait douloureuse que pour les entreprises étrangères.
" Pour les entreprises françaises, cette nouvelle imposition serait déductible de l’impôt sur les sociétés. Ce serait donc neutre pour elle " (1)
L'argent récupéré grâce à cette taxe servirait à financer l'exception culturelle française. A l'origine cette exception culturelle était financée par les chaînes de télévision. Le payement d'une taxe à l’État leur permettait l'attribution de fréquence hertzienne gratuite. Mais à l'heure d'Internet, du replay et du streaming les chaînes diffusent de moins en moins de contenu par hertzien et ont donc de moins en moins besoin de fréquence. C'est pour cela que le gouvernement réfléchit activement à une nouvelle source de financement.
Cette idée de taxer la bande passante n'est pas nouvelle. En 2013, Fleur Pellerin alors Secrétaire d’État du numérique avait déjà proposé cette taxe (1). Et avant elle de nombreuses propositions autour de la fiscalité du net ont vu le jour :
Mais
ce projet avant de voir le jour doit tout d'abord être étudié par Bercy
pour en mesurer la viabilité et son respect du droit européen et
français (2). Si les tests s'avèrent concluants, il semblerait que la
France aimerait déployer ce dispositif au niveau européen (1). Mais selon l'Association Française Des Éditeurs de Logiciels et Solutions Internet (AFDEL) cette taxe est en contradiction avec les jurisprudences
françaises et européennes car
- le rapport Colin-Colin envisageait de deviner les revenus selon le flux de données,
- une taxe sur les régies publicitaires du web,
- la taxe sur les clics qui aurait permit de taxer les moteurs et agrégateurs
- ... (2)
Quel cadre juridique ?
"on ne peut pas créer de taxe sur mesure pour viser un acteur du marché ou un business model. Gageons donc qu’il n’y aura pas plus de taxe Netflix qu’il n’y a eu de taxe Google et que les usages du numérique continueront de se déployer !" (3)
Quelles conséquences ?
Taxer les plus gros consommateurs de bande passante sans affecter les entreprises françaises est une bonne idée dans l'absolu. Cela permettrait de taxer les entreprises qui échappent actuellement à la fiscalité française. Mais cela entraînera également des conséquences comme le rappel l'AFDEL sur Numerama (3). En effet, cette taxe toucherait indistinctement les GAFA et les grosses sociétés du web et les start-ups du web, qui vu leur taille ne payent pas d’impôt sur les bénéfices. Ces dernières serait donc directement affectées par la taxe.
Le délégué général de l'AFDEL indique également que :
"Les services de vidéo [...] sont aujourd'hui parmi ceux qui coûtent les plus chers à mettre en place et qui consomment le plus de bande passante, mais ce ne sont pas du tout les plus rentables." (3)
Loïc Rivière, le délégué général de l'AFDEL, estime également que suite à la mise en place de cette taxe la France deviendrait une zone de transit de données à éviter. En effet, les entreprises essayeront par tous les moyens d'éviter de payer cette taxe et le plus simple sera pour elle d'éviter de consommer de la bande passante en France... Enfin, l'AFDEL met également en garde le consommateur car rappel t-il :
"Les taxes sont toujours payées par le consommateur, il suffit de regarder le cas de la Copie privée" (3)
Il faut également rappeler que cette taxation rentre en contradiction avec un des principe fondamentaux d'Internet qu'est la Neutralité du Net, qui garantit un libre et égal accès aux données circulant sur Internet (4).
______________________________
Pour en savoir plus :
(1) Taxe sur la bande passante : Fleur Pellerin y croit encore, Jean-Philippe Louis. Les Echos. 11/02/2015. En ligne : http://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/0204151866085-taxe-sur-la-bande-passante-fleur-pellerin-y-croit-encore-1092364.php?iQK3XLsW2iCz0azQ.99 (Consulté le 16 février 2015)
(2) Fleur Pellerin propose (encore) de taxer la bande passante, Marc Rees. NextImpact. 11/02/2015. En ligne : http://www.nextinpact.com/news/93034-fleur-pellerin-propose-encore-taxer-bande-passante.htm (Consulté le 16 février 2015)
(3) Taxer la bande passante "ferait de la France une zone à éviter", Guillaume Champeau. Numerama. 12/02/2015. En ligne : http://www.numerama.com/magazine/32196-taxer-la-bande-passante-ferait-de-la-france-une-zone-a-eviter.html (Consulté le 16 février 2015)
(4) Neutralité du Net, La Quadrature du Net. En ligne : http://www.laquadrature.net/fr/neutralite_du_Net (Consulté le 16 février 2015)
(2) Fleur Pellerin propose (encore) de taxer la bande passante, Marc Rees. NextImpact. 11/02/2015. En ligne : http://www.nextinpact.com/news/93034-fleur-pellerin-propose-encore-taxer-bande-passante.htm (Consulté le 16 février 2015)
(3) Taxer la bande passante "ferait de la France une zone à éviter", Guillaume Champeau. Numerama. 12/02/2015. En ligne : http://www.numerama.com/magazine/32196-taxer-la-bande-passante-ferait-de-la-france-une-zone-a-eviter.html (Consulté le 16 février 2015)
(4) Neutralité du Net, La Quadrature du Net. En ligne : http://www.laquadrature.net/fr/neutralite_du_Net (Consulté le 16 février 2015)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire