Depuis 2002, l'Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP) assure la détection et l'étude du patrimoine archéologique touché par les travaux d'aménagement du territoire. Il exploite les résultats des fouilles et les diffuse. Aussi, pour nombre de spécialistes, "le coeur de l'archéologie, c'est le traitement de l'information". [1] On peut le comprendre en étudiant le soin avec lequel l'Institut a mené son projet de système d'information (SI) depuis 2006.
L'INRAP gère une première complexité: le siège parisien est en lien avec 8 directions interrégionales et 46 centres de recherches archéologiques en France. Environ 2 000 experts travaillent dans ce cadre.
Par ailleurs, en lien avec sa mission de service publique, il doit respecter une chaîne opératoire très précise (diagnostiquer-fouiller-étudier-partager-conserver). A la fin de celle-ci, les archéologues exploitent et interprètent les données du terrain et rédigent un rapport d'opération. Le corpus des rapports, dont le contenu et la forme sont réglementés, est au cœur du projet original . En effet, les informations recueillies et les recherches menées enrichissent la connaissance, permettent la sauvegarde du patrimoine historique et sont partagées avec le public. [2]
Or, jusqu'il y a peu, les méthodes d'enregistrement de ces données restaient hétérogènes et peu interopérables.
Or, jusqu'il y a peu, les méthodes d'enregistrement de ces données restaient hétérogènes et peu interopérables.
"L'informatique est en train de révolutionner l'archéologie"... [1]
Aujourd'hui, la numérisation produit énormément de données mais facilite aussi cette démarche d'organisation et de structuration des informations. Lors des chantiers de fouille, les archéologues utilisent des techniques moins intrusives et plus efficaces.
Les données sont saisies sur des tablettes ou smartphones durcis utilisant une application d'enregistrement de terrain unique, "Enregistrement de Données Archéologiques (EDArc). Celle-ci permet de saisir les données minimales pour répondre aux obligations réglementaires. EDArc peut également échanger avec d'autres applications et SI de l'INRAP ce qui favorise les échanges et les comparaisons de données. [3]
Les rapports, saisis sur une maquette unique de mise en page en PDF, sont imprimés par un prestataire. Les anciens rapports sont progressivement numérisés.
Parfois, un relevé numérique complet est réalisé en prenant des milliers de photos qui sont ensuite assemblées par un logiciel spécifique. Puis, à partir de cet assemblage, on réalise un modèle 3D (une maquette numérique d'un bâtiment par exemple) auquel on peut intégrer d'autres données archéologiques.
On recourt aussi à des systèmes d'information géographique, des radars, des scanners 3D, des drones... [1 et 4]
Les données sont saisies sur des tablettes ou smartphones durcis utilisant une application d'enregistrement de terrain unique, "Enregistrement de Données Archéologiques (EDArc). Celle-ci permet de saisir les données minimales pour répondre aux obligations réglementaires. EDArc peut également échanger avec d'autres applications et SI de l'INRAP ce qui favorise les échanges et les comparaisons de données. [3]
Les rapports, saisis sur une maquette unique de mise en page en PDF, sont imprimés par un prestataire. Les anciens rapports sont progressivement numérisés.
Tablette durcie Panasonic |
On recourt aussi à des systèmes d'information géographique, des radars, des scanners 3D, des drones... [1 et 4]
Les possibilités en matière de recherche et de valorisation ont ainsi été démultipliées par le recours à ces nouvelles techniques. L'usage des statistiques s'est intensifié, les données sont croisées avec celles produites par d'autres sciences...
Les archéologues doivent donc se former à ces techniques (photogrammétrie, archéométrie etc. ). Des initiatives pour ce faire ont été mises en place par l'INRAP. [1 et 4]
Peut être plus impressionnant encore, CRMarchaeo, une extension d'EDArc, permet de mettre à plat et de formaliser les concepts et les raisonnements en vigueur sur les opérations archéologiques. Elle permet aussi de révéler certaines des catégories et des schémas de pensée des archéologues ainsi que certains des principes sous-jacents. On peut ainsi modéliser une fouille archéologique et la comparer, la critiquer. [3]
Peut être plus impressionnant encore, CRMarchaeo, une extension d'EDArc, permet de mettre à plat et de formaliser les concepts et les raisonnements en vigueur sur les opérations archéologiques. Elle permet aussi de révéler certaines des catégories et des schémas de pensée des archéologues ainsi que certains des principes sous-jacents. On peut ainsi modéliser une fouille archéologique et la comparer, la critiquer. [3]
En bout de chaîne, l'Institut produit des ressources documentaires à l'usage des chercheurs et du public. On peut en apprécier la richesse sur le nouveau site inrap.fr: revues Archéopages et Archéologia, livres, expositions, documents audiovisuels, dossiers multimédias, conférences et colloques en ligne, web magazines, atlas interactifs, quiz, iconothèque, podcast de l'émission Carbone 14...
L’Inrap a fait le choix de développer son portail institutionnel d’archives ouvertes sur la plateforme HAL et met à disposition du public le portail Netvibes ArchéO'liens spécialisé en archéologie.
... mais cela entraîne de nombreuses exigences en matière de gestion des ressources documentaires
La répartition des centres de documentation |
L'Institut n'avait pas vraiment de système documentaire avant d'élaborer son schéma directeur des SI 2006-2009 lié aux processus métier. Aujourd'hui, l'INRAP dispose de 13 centres de documentation coordonnés par la direction scientifique et technique et dirigés par les gestionnaires de documentation (qui peuvent être responsables d'autres bibliothèques). Ces derniers mettent quotidiennement à jour les catalogues Dolia et Caviar (pour les données spatiales), reliés aux autres SI de l'établissement. En plus de cet archivage interne, les données d'EDArc sont versées au Centre Informatique National de l’Enseignement Supérieur (CINES) en vue de leur archivage pérenne.
Dolia
Longtemps, la principale utilisation de l'informatique était liée à la constitution et à l'exploitation de bases de données. Depuis sa mise en ligne en 2009, Dolia a tout changé.
Ce système intégré de gestion de bibliothèque (SIGB) propriétaire répertorie les ressources documentaires conservées par l'Institut. Une documentation acquise (usuels, périodiques, monographies) ou produite (archives de fouille, littérature grise, rapports d'opération etc.). Il compte plus de 40 000 notices. Une grande partie est mise à disposition du public.Longtemps, la principale utilisation de l'informatique était liée à la constitution et à l'exploitation de bases de données. Depuis sa mise en ligne en 2009, Dolia a tout changé.
Interopérable avec les autres catalogues en archéologie, Dolia utilise le format Unimarc et indexe ses documents avec les microthésaurus PACTOLS du réseau spécialisé en archéologie Frantiq, dont fait partie l'INRAP. Il est doté de trois moteurs de recherche (simple, experte, en texte intégral).
Avec Dolia de nouveaux enjeux documentaires apparaissent
Dolia doit s'adapter à la tâche nécessaire et complexe d'intégrer au fil du temps de nouvelles ressources documentaires (archives de fouilles et inventaires notamment). Ainsi, la production de données, d'images numériques peut poser des problèmes techniques et scientifiques, des problèmes d'archivage et de stockage. Par exemple, le recours à la 3D permet d'obtenir des archives numériques... évolutives. Cela impose que les relevés successifs soient fiables et donc réalisés par des archéologues plutôt que par des cabinets d'ingénieurs. Former les archéologues aux techniques informatiques et documentaires récentes est donc impératif.
Le contexte législatif et budgétaire, la mise en concurrence ainsi que les conditions de travail sur les chantiers de fouille ont également des conséquences sur la capacité de l'Institut à contrôler la qualité des ressources placées dans son SI. [5]
La multiplication des bases de données sur l'archéologie et l'hétérogénéité de leurs formats rend nécessaire la mise en place de bonnes pratiques. L'INRAP s'est allié à d'autres institutions de recherche afin de réaliser les appariements de chaque source de données et mettre en place une application unique pour les interroger.
EDArc doit gagner en exploitabilité et préparer les données des opérations archéologiques pour leur publication et réutilisation sur le Web des données (web sémantique). L'application évolue donc vers le format RDF avec le développement de l'extension CRMarchaeo. Le schéma RDF (Resource Description Framework) permet de décrire les données et les métadonnées du domaine culturel. Les objets de connaissance sont décrits sous la forme de triplets (sujet, prédicat, objet). Ce modèle permet de décrire les données et les métadonnées sur les entités, les observations et les processus de fouille du domaine de l’archéologie. Mais il n’existe pas une seule description possible des entités archéologiques et de leurs relations... Ce sont des travaux complexes nécessitant des choix à la fois techniques et scientifiques et sujets à de constants questionnements (ontologies...). [3]
Un nouveau plan de gestion des données (PGD) est en cours
A la lumière de tout ce qui précède on comprend que, dès 2006, le SI ait été conçu pour impérativement embarquer une gestion électronique de documents (GED). La diffusion des ressources en interne passe par cette GED et l'intranet (mise en place de nombreux outils collaboratifs Google, création de" Dépôt-Inrap", un outil de transfert de fichiers volumineux...). L'INRAP a progressivement ouvert l'accès à une sélection toujours plus importante d'informations tout en conservant un accès sécurisé à la totalité des ressources documentaires pour ses agents et partenaires extérieurs. En effet, il lui faut respecter les conditions réglementaires et déontologiques de mise en ligne des données tout en visant à terme un partage "systématique" de ces dernières. Cette complexité l'amène à mettre à plat la situation actuelle en élaborant un PGD.
Dolia évolue donc du système de gestion de bibliothèque à un système de gestion de l'information extrêmement élaboré et adapté aux métiers et missions de l'Institut. Un véritable "système d'information archéologique" tel que le souhaitent ses concepteurs.[3]
Le contexte législatif et budgétaire, la mise en concurrence ainsi que les conditions de travail sur les chantiers de fouille ont également des conséquences sur la capacité de l'Institut à contrôler la qualité des ressources placées dans son SI. [5]
La multiplication des bases de données sur l'archéologie et l'hétérogénéité de leurs formats rend nécessaire la mise en place de bonnes pratiques. L'INRAP s'est allié à d'autres institutions de recherche afin de réaliser les appariements de chaque source de données et mettre en place une application unique pour les interroger.
EDArc doit gagner en exploitabilité et préparer les données des opérations archéologiques pour leur publication et réutilisation sur le Web des données (web sémantique). L'application évolue donc vers le format RDF avec le développement de l'extension CRMarchaeo. Le schéma RDF (Resource Description Framework) permet de décrire les données et les métadonnées du domaine culturel. Les objets de connaissance sont décrits sous la forme de triplets (sujet, prédicat, objet). Ce modèle permet de décrire les données et les métadonnées sur les entités, les observations et les processus de fouille du domaine de l’archéologie. Mais il n’existe pas une seule description possible des entités archéologiques et de leurs relations... Ce sont des travaux complexes nécessitant des choix à la fois techniques et scientifiques et sujets à de constants questionnements (ontologies...). [3]
Un nouveau plan de gestion des données (PGD) est en cours
A la lumière de tout ce qui précède on comprend que, dès 2006, le SI ait été conçu pour impérativement embarquer une gestion électronique de documents (GED). La diffusion des ressources en interne passe par cette GED et l'intranet (mise en place de nombreux outils collaboratifs Google, création de" Dépôt-Inrap", un outil de transfert de fichiers volumineux...). L'INRAP a progressivement ouvert l'accès à une sélection toujours plus importante d'informations tout en conservant un accès sécurisé à la totalité des ressources documentaires pour ses agents et partenaires extérieurs. En effet, il lui faut respecter les conditions réglementaires et déontologiques de mise en ligne des données tout en visant à terme un partage "systématique" de ces dernières. Cette complexité l'amène à mettre à plat la situation actuelle en élaborant un PGD.
Dolia évolue donc du système de gestion de bibliothèque à un système de gestion de l'information extrêmement élaboré et adapté aux métiers et missions de l'Institut. Un véritable "système d'information archéologique" tel que le souhaitent ses concepteurs.[3]
[1] Serge Abiteboul et Claire Mathieu, "Faire parler les murs", entretien avec Hélène Dessales, Blog Binaire [En ligne], mis en ligne le 17 février 2017, consulté le 14 mars 2020.URL:
[2] Un article très complet et utile pour comprendre la genèse et le déroulement du projet jusqu'en 2013: Emmanuelle Bryas, Gilles Bellan, Anne Speller et Carine Carpentier, « Dolia, le système documentaire de l’Inrap. État des lieux et perspective », Archéopages [En ligne], 37 | avril 2013, mis en ligne le 01 avril 2015, consulté le 14 mars 2020. URL : http://journals.openedition.org/archeopages/357 ; DOI : 10.4000/archeopages.357
[3] Une présentation sur le SI et ses évolutions récentes par E. Bryas et C. Tufféry, "L’usage de normes et de thesaurus pour les données archéologiques et les métadonnées, de la production sur le terrain à la publication des rapports d’opération : l’expérience de l’Inrap" , dans le cadre du projet collectif ArScAn "ArcheoNum –L’Archéologie dans les Humanités numériques", MAE Nanterre, 16 avril 2018. [En ligne], consulté le 30 mars 2020. URL: https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/1309/files/2019/03/ArcheoNum-EDArc_MAE_20180611.pdf
[4] Une conférence à laquelle nous avons assisté et que nous recommandons chaudement: "L'apport de l'image 3D à l'archéologie", carte blanche à l'INRAP, Les Rendez-vous de l'Histoire de Blois, 13 otobre 2018, [En ligne], URL: https://www.inrap.fr/l-apport-de-l-image-3d-l-archeologie-13920
[4] Une conférence à laquelle nous avons assisté et que nous recommandons chaudement: "L'apport de l'image 3D à l'archéologie", carte blanche à l'INRAP, Les Rendez-vous de l'Histoire de Blois, 13 otobre 2018, [En ligne], URL: https://www.inrap.fr/l-apport-de-l-image-3d-l-archeologie-13920
[5] Maïté Darnault, "Les archéologues, nouveaux damnés de la terre", Libération [En ligne], mis en ligne le 21 juin 2018, consulté le 14 mars 2020. URL :
https://next.liberation.fr/arts/2018/06/21/les-archeologues-nouveaux-damnes-de-la-terre_1661003
https://next.liberation.fr/arts/2018/06/21/les-archeologues-nouveaux-damnes-de-la-terre_1661003
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