Les Archives départementales (AD) de Seine-et-Marne (à Dammarie-les-Lys) s’appliquent à relever les défis du numérique pour garantir l’efficacité de la collecte de demain auprès des structures sur lesquelles elles exercent le Contrôle Scientifique et Technique (CST). Qu’en est-il des démarches et des moyens actuellement déployés au sein de la collectivité territoriale ? Explications de Pauline Antonini, sous-directrice du pôle Contrôle, collecte et traitement des fonds.
Rôle des Archives départementales sur la dématérialisation
« Le rôle des AD sur les archives nativement numériques est le même que pour le papier mais la procédure diffère » explique Pauline Antonini, chartiste, conservatrice du patrimoine et sous-directrice de trois services depuis 2014 :
- Archives administratives, judiciaires et pénitentiaires ;
- Iconographie, archives privées et publications ;
- Archives notariales, communales et intercommunales.
Au même titre que pour le papier, les Archives départementales exercent leur mission régalienne en contrôlant, conseillant et accompagnant les administrations qui entreprennent une démarche de dématérialisation et ont pour obligation de verser leurs archives définitives.
L’objectif est de maîtriser les flux numériques pour qu’à terme les AD puissent récupérer des données nativement numériques répondant aux exigences techniques et assurer leur conservation pour les générations à venir.
Les avantages de la dématérialisation
Malgré la présence encore importante du papier pour nos besoins perpétuels en documentation, la e-administration poursuit son développement grâce à la dématérialisation offrant de nombreux avantages opérationnels et matériels ; elle conforte la possibilité d’une réponse à l’enjeu du stockage physique des archives : avec la « dématérialisation croissante des processus administratifs » [1], les données tendent à concurrencer le papier sur plusieurs critères.
Pauline Antonini précise : « en plus de permettre un gain de place, la dématérialisation offre l’excellent avantage d’éviter la démultiplication de bouts de dossiers et de constituer un dossier unique accessible à tous, un réel avantage pour la fluidité du travail ».
Le terme dématérialisation se définit ainsi : transformation de document papier en traitement numérique, soit par le biais d’une opération de numérisation, soit par la révision des processus de production et de gestion de l’information [2].
Les ressources internes
Un poste est dédié à la dématérialisation au sein du service des archives administratives, judiciaires et pénitentiaires. L’archiviste ici, exerce un rôle de veille, de contrôle, d’accompagnement des services. Ce travail collaboratif nécessite parfois l’intervention de plusieurs archivistes, en raison notamment de l'émergence de nouvelles obligations réglementaires de dématérialisation (des marchés publics, des factures) et proportionnellement aux avantages que ces projets apportent une fois mis en place.
Au sein des Archives du département de la Seine-et-Marne, le service mission SIA/SAE a été créé pour s’occuper du logiciel interne (Système d’Information Archivistique) et du Système d’Archivage Electronique (SAE). Ce dernier est en cours d’étude depuis plusieurs années mais il n’est pas implanté à l’heure actuelle. L’informaticien du service accompagne les archivistes sur les questions techniques.
« C’est notre regard couplé qui permettra de répondre au plus juste aux administrations qui nous sollicitent » exprime Pauline Antonini.
L'usage de SAE dans les départements
Certains départements mutualisent leur SAE avec des métropoles ou des communautés d’agglomération principalement en raison des coûts d’une telle solution.
D’après le rapport de Christine Nougaret (ex vice-présidente du Conseil supérieur des Archives en 2017), à Madame Audrey Azoulay (ex ministre de la Culture et de la Communication), si « [...] plus de la moitié des archives départementales disposent désormais d’un SAE, une minorité de ces services l’utilisent à ce jour, faute de flux d’archives définitives à prendre en charge. » [1, p. 10]
La masse des flux progressant de façon exponentielle, comment expliquer cela ? Le phénomène proviendrait-il de leur niveau d’« archivabilité », de leur capacité technique à être transféré, classé et lisible sur le long terme ?
Avant de mettre en place un SAE, il convient en amont de contrôler les données et métadonnées qui y seront déposées, de s’assurer de leur conformité, de pouvoir garantir leur intégrité pendant toute la durée de leur conservation et de pouvoir répondre aux exigences d’interopérabilité entre les différentes solutions techniques de gestion et d’archivage en vue de garantir les futurs versements entre les services versants et les Archives départementales dans les meilleurs conditions.
Exercer le CST en amont de la dématérialisation
« La collecte est la mission essentielle des services d’archives » ([1] p.16) et pour la mener à bien, il convient de l’anticiper au mieux.
Dès lors, la démarche des AD prend tout son sens précise Pauline Antonini :
« intervenir en amont de la dématérialisation, quand les archives ne sont pas encore produites ; apporter des conseils pour cadrer les projets et s’assurer que les archives soient produites selon les normes en vigueur et puissent être versées chez nous, dans un futur potentiel grâce à un interfaçage entre les logiciels de Gestion Electronique de Documents (GED) des administrations et notre (futur) SAE. »
Afin de garantir une collecte et une conservation durable, fiable et intègre des données numériques, les AD prennent part et opèrent, à la genèse des projets, en apportant une aide à la prise de décisions auprès des administrations, en les accompagnant au plus près (en participant aux groupes de travail) et en apportant des préconisations afin d’éviter certains écueils. Cette démarche se matérialise par des comptes rendus, des notes, des documents de référence et des ressources relatifs au cadre normatif et technique de la dématérialisation, communiqués aux administrations qui en font la demande. Les AD de Seine-et-Marne proposent et mettent à profit le Vademecum du SIAF qui sert également de grille d’évaluation pour le suivi des projets.
En pratique, les équipes des AD vont sur place et participent aux réunions de réflexion. Elles rappellent aux administrations les durées légales de conservation des informations (à l’appui des circulaires du Service Interministériel des Archives de France (SIAF) et de tableaux de gestion), elles signalent les formats de fichiers préconisés par la norme NF Z42-013 [3] , elles recommandent d’établir des plans de classement ; puis les services producteurs évaluent les documents à intégrer dans une GED, leur degré d’importance afin d’être conservés pour des raisons parfois vitales, comme cela peut être le cas pour les dossiers sensibles d’aide sociale à l’enfance (l’un des projets les plus importants en cours de traitement) et dont la portée des informations reposent sur des critères et des enjeux juridiques conséquents, témoigne Pauline Antonini.
Les défis à relever au quotidien
Pauline Antonini explique : « nous sommes là en regard extérieur ; souvent les gens pensent que c’est nous personnellement qui donnons ces préconisations alors qu’en fait nous faisons référence à un cadre réglementaire. Nous ne sommes pas toujours entendus et suivis. »
En effet, après toutes les préconisations communiquées par les AD, comme pour le papier les services producteurs sont responsables de la continuité et de la progression de leurs projets. Par conséquent libres à eux de s’y conformer. Dans certains cas de figure, ils cessent parfois toute communication, ce qui rend difficile le recueil d’informations sur le fonctionnement des flux numériques pour certains projets.
Même si les exigences générées par la dématérialisation ne sont pas toujours respectées, il est important pour les AD d’avoir un retour sur le développement et la finalité des projets afin de comprendre la réalité terrain et d’envisager de possibles améliorations.
Comme pour le papier
Comme pour le papier, les administrations peuvent contacter les AD pour leur soumettre leurs interrogations [4]. Les équipes sont présentes pour leur apporter conseil.
Pauline Antonini ajoute : « nous ne sommes pas très connus et encore moins pour les projets de dématérialisation. Au quotidien, il s’agit d’un travail répétitif de pédagogie, de sensibilisation. »
Comme pour le papier, les problématiques restent les mêmes : « la dématérialisation, c’est l’avenir du métier mais en soit c’est le même métier. Tous les problèmes qui sont dans le papier, s’ils ne sont pas résolus, on les retrouvera dans le numérique. Le papier et le numérique sont indissociables » conclut Pauline Antonini.
En général, les interrogations sur la gestion et la conservation des archives demeurent les mêmes quel que soit le support. Mais c’est justement le « support » qui fait la différence. Aujourd’hui pour le numérique nous ne disposons pas du recul ancestral que nous observons avec le papier.
Contrairement au CST sur les archives au format papier, les Archives départementales de Seine-et-Marne agissent en amont de la création et de la collecte des données d’archives. Cette étape d’anticipation et de sensibilisation est une démarche qualité décisive et nécessaire pour maîtriser l’archivage à venir des flux numériques. Ces principes sont également recommandés par les normes de records management (AFNOR, NF ISO 15 489 et la série NF ISO 30 300).
Les AD de Seine-et-Marne sont une représentation terrain locale. Parallèlement et en d’autres points, les situations et les moyens diffèrent et apportent d’autres modèles d’observation, telles les Archives fédérales suisses imposant aux administrations de verser leur archives conformément aux directives qu’elles ont établies, disponibles sur leur site internet [5]. Elles ont ainsi développé différentes solutions logicielles proposées en téléchargement aux services versants pour pallier aux exigences techniques du transfert des flux de données.
Merci à Pauline Antonini pour sa disponibilité et son professionnalisme.
Sources :
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